Le revers de 25-23 devant les Lions de la Colombie-Britannique samedi s’ajoute à la liste des défaites crève-cœur des Alouettes cette saison.

On se souviendra qu’on avait eu droit à un résultat décevant en Saskatchewan après que les Alouettes aient contrôlé l’allure de ce match.

Cette fois, ils ont encore été dans le coup, mais les Alouettes ont laissé des points sur le terrain au lieu de les inscrire au tableau. En plus de la victoire, les hommes de Khari Jones auraient pu célébrer leur qualification pour les éliminatoires. Il ne s’agit sans doute que d’une question de temps à la suite des récents résultats du Rouge et Noir d’Ottawa et des Argonauts de Toronto qui sont sur une pente descendante.

Avant d’en arriver à l’échappé d’Antonio Pipkin sur le troisième essai qui a permis aux Lions de se sauver avec les deux points, il faut revenir un peu en arrière, car si l’entraîneur-chef des Alouettes a eu à prendre pareille décision, c’était parce que tout est allé presque trop bien.

Les Alouettes ont repris le ballon après que Fabian Foote soit parvenu à bloquer un placement qui aurait offert une avance de cinq points à l’équipe locale. À la place, les Montréalais se retrouvaient avec plus d’une minute à faire et le ballon était presque au milieu du terrain.

C’est drôle à dire, mais la course de 40 verges de William Stanback qui a mené les Alouettes aux 11 des Lions a été presque trop bonne. Sur le coup, je me suis qu’il venait de réaliser toute une course, mais en même temps, ils ne devaient pas marquer trop tôt.

Ça ressemblait à un match au cours duquel la dernière équipe avec le ballon allait l’emporter. Il fallait donc garder Mike Reilly sur le banc le plus longtemps possible. Avec 1 min 40 secondes encore à faire, il fallait presque mettre les freins pour écouler le plus de temps possible.

La course de Stanback a ajouté de la complexité à la situation. En milieu de terrain, les Alouettes pouvaient avancer tranquillement, se mettre en position pour réussir le placement, car ils ne tiraient de l’arrière que par deux points. Au lieu de ça, ils devaient gérer un très court terrain et ils ne pouvaient laisser les Lions avec autant de temps.

Jones avait donc toute une décision à prendre. S’il avait opté pour un placement qui était presque un automatisme pour Boris Bede, Reilly reprenait le ballon avec plus d’une minute, et il n’a besoin que d’un seul point pour mener la rencontre en prolongation.

Je peux donc comprendre la décision de l’entraîneur-chef d’y aller sur un troisième essai et une verge à franchir. En même temps, je suis gagné à la cause en tant qu’ancien joueur de ligne. Avec le règlement dans la LCF qui donne une verge d’allègement, si tu n’es pas capable d’aller la chercher, tu ne mérites pas de l’emporter.

Si on met le tout en perspective, les Alouettes avaient amassé 248 verges au sol au cours de la rencontre. Pipkin avait déjà enregistré un touché sur une faufilade du quart et il avait obtenu sept verges sur une autre tentative. Si on compare aussi la ligne à l’attaque plus massive des Alouettes devant celle des Lions, les facteurs pouvaient donner raison à Jones.

Peut-être qu’un ancien joueur défensif dirait de laisser la défense protéger une avance. Après coup, il est facile de dire que c’était la mauvaise décision. Tout le monde peut jouer à l’entraîneur et dire qu’il ne fallait pas opter pour ce jeu. C’est la beauté aussi du sport, car nous en discutons sous plusieurs angles le lendemain.

Je veux aussi mettre en garde, car il est vrai que la faufilade du quart paraît simple, mais les bonnes équipes accordent beaucoup de temps de préparation pour ce jeu. Ne vous méprenez pas, il y a plusieurs facteurs pour assurer la bonne réussite d’une faufilade.

Il faut surveiller quel joueur il faut attaquer, si l’un des plaqueurs a les épaulettes plus élevées, donc c’est plus facile de passer sous lui par exemple. Parfois, un côté de la ligne est plus faible, donc il faut l’identifier.

Même si ce n’est pas complexe à la base d’aller chercher une seule verge, ce jeu est l’un des plus importants, alors qu’il permet à l’attaque de poursuivre sa séquence ou comme c’est souvent employé dans un troisième essai, elle peut perdre le ballon.

Ceux qui avaient vu le match entre les deux formations à Montréal se souviendront qu’à ce moment, Vernon Adams fils avait cafouillé sur une faufilade du quart, sauf que cette fois la victoire n’avait pas échappé aux Alouettes. C’est incroyable que ce jeu hante encore une fois les Montréalais.

Après avoir analysé les facteurs qui pouvaient influencer le choix de Jones, je me suis demandé ce que les statistiques en disaient. Le taux de réussite dans la Ligue pour un troisième essai et court, donc entre une et trois verges à franchir, le taux de réussite est de 84 %. Je n’ai pas le chiffre uniquement pour les faufilades du quart, mais vous pouvez imaginer que ce nombre grimpe encore plus.

Du côté des botteurs, ces derniers ont un taux de réussite de 86 % et encore une fois, sur un botté de 10 verges ce serait plus élevé. Les deux jeux avaient donc de fortes chances d’être une réussite, donc je comprends au final que Jones ait voulu inscrire le plus de points possible tout en enlevant le plus de temps au cadran.

Je reviens donc à cette course de 40 verges de Stanback, qui bien qu’excitante, a au final compliqué le travail de son entraîneur. Les Lions ont ensuite fait le jeu lorsque ça comptait.

Shiltz a fait ce qui lui était demandé

Ce revers des Alouettes nous a permis aussi d’évaluer le travail du quart Matthew Shiltz qui obtenait le départ à la suite de la suspension de Vernon Adams.

Matthew Shiltz : du bon et du mauvais

Son précédent départ était à son année recrue, il était moins bien entouré et sa sortie s’était soldée avec trois interceptions contre aucun point marqué.

On a vu que dans des conditions optimales, il était capable de compléter de belles passes dans les zones courtes et intermédiaires. La première séquence est un parfait exemple alors qu’il était 3/3 pour 45 verges.

Il n’a pas la fluidité ni les instincts certes d’un Vernon Adams, mais en ligne droite, il est capable d’aller chercher une bonne pointe de vitesse. Il a tout de même récolté 62 verges en cinq courses et il a inscrit un touché.

J’ai trouvé aussi qu’il n’a pas baissé les bras et il a fait ce qu’on demandait de lui. Les Alouettes étaient en position de gagner le match à la fin. Comme on l’avait dit pour Adams en début de saison, on va simplement regarder son ratio victoires/défaites. Il a donné la chance aux Alouettes de partir de Vancouver avec les deux points.

On ne cachera pas cependant que Shiltz a connu sa part de moments difficiles. Il a été victime d’un échappé et je lui reproche sur la séquence de ne pas avoir tenu le ballon à deux mains. Il doit le garder haut et près de lui, mais sur le jeu, il était vulnérable pour un coup de hache d’un joueur de ligne.

Le quart a été aussi victime d’une interception et ses deux revirements auront couté six points, puisque les Lions ont réalisé deux placements par la suite.

On voyait lorsqu’il n’était pas en mesure de rejoindre sa première option, il commençait à baisser les yeux dans sa pochette pour surveiller la pression. Il a d’ailleurs été victime de quatre sacs du quart.

Pour ce qui était des passes dans les zones profondes ou sur les côtés larges du terrain, le ballon prenait beaucoup de temps à arriver. Comme il n’a pas un bras canon, le demi-défensif avait le temps de s’interposer.

Si on met ses chiffres en perspective, ce n’était pas une grande performance. Il a conclu sa soirée avec 10 passes complétées en 19 tentatives pour 177 verges, mais si on enlève celle de 97 verges à Eugene Lewis pour le touché et la première séquence, il n’a réalisé que six passes complétées en 15 pour 35 verges. On n’est pas loin de la famine ici.

Malgré tout, les Alouettes étaient en position de gagner le match à la fin.

Des points laissés sur le terrain

Ce qui explique aussi cette défaite, ce sont les nombreux jeux qui ont soit empêché les Alouettes d’inscrire des points ou qui ont offert des points aux Lions.

Alouettes 23 - Lions 25

Sur la première séquence, ils ont le ballon à la ligne de 14 des Lions, mais ils sont victimes d’un sac du quart et ils devront se contenter d’un placement.

Lors de la troisième séquence, à la ligne de 43 des Lions, les Alouettes ont écopé d’une pénalité et d’un sac du quart ce qui les a sortis d’une tentative pour aller ajouter trois points.

La prochaine fois que l’attaque s’est retrouvée sur le terrain, l’attaque était en milieu de terrain et n’avait besoin que d’un six verges pour tenter sa chance avec Bede, mais Shiltz a été rabattu derrière la ligne de mêlée.

Au troisième quart, les Lions ont été en mesure de prolonger leur séquence à la suite de pénalités défensives. Un hors-jeu a offert un jeu gratuit à Reilly qui a fait avancer les siens de 30 verges. Sur un deuxième et 10 verges, une pénalité d’obstruction a offert un premier essai au 14 des Alouettes et sur le jeu suivant, c’était le touché. On parle de six points en raison de la transformation ratée.

Nous avons aussi eu une mauvaise gestion en fin de première demie avec 43 secondes à faire au cadran. Shiltz a raté une passe ce qui a arrêté le cadran. Les Lions ont éventuellement récupéré le ballon et Reilly a eu le temps de mener les siens à un botté de précision.

Si les Alouettes avaient couru en premier essai, peut-être que les Lions n’auraient même  pas osé prendre leur temps d’arrêt comme ils ont dû le faire et l’écart n’aurait pas été de six.  

En plus de la fin de match, on voit que plusieurs jeux ont tourné en la faveur des Lions pour plusieurs raisons. Preuve que c’est difficile pour les Alouettes de gagner à Vancouver, le jeu farfelu où Jarnor Jones est en position de peut-être réaliser une interception, mais il entre en contact avec l’officiel.

Avec seulement trois victoires depuis 2000 au domicile des Lions on comprend avec de tels jeux qu’il n’y en aura pas de facile. C’était la cerise sur le sundae pour illustrer le tout.

Il faut maintenant se concentrer sur les Stampeders la semaine prochaine, ce qui s’annonce être tout un test.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant