BOISBRIAND – Promis, ce sera la seule allusion au hockey. Comment peut-on expliquer qu’il se démarque autant sur le terrain? « C’est une bonne question, mais pourquoi Alexis Lafrenière est si bon au hockey? »

 

Voilà, 1 à 0 pour Tony Iadeluca, l’entraîneur de Jonathan Sénécal, décrit comme un prodige québécois au poste de quart-arrière, avec les Phénix d’André-Grasset.

 

La réponse n’est pas facile à trouver. Sénécal, lui-même, ne peut qu’esquisser un sourire gêné quand on lui demande d’où provient son talent sportif indéniable.

 

Jonathan Sénécal« Je n’ai pas vraiment d’explication, mon père a fait les Jeux du Québec en natation donc ça vient peut-être un peu de là, mais sinon ça s’est développé tout au long de mon parcours. Quand j’ai commencé, je n’étais pas un quart-arrière si athlétique et je n’étais pas très rapide. Ça s’est vraiment accentué en jouant », a raconté Sénécal qui cachait de l’or en lui.

 

Le nouveau protégé des Huskies de l’Université du Connecticut a même confié qu’il a aussi joué comme secondeur et sur la ligne offensive ce qui prouve que son immense talent ne sautait pas aux yeux dès le départ.

 

Et pourtant, on le décrit maintenant comme le plus beau joyau à provenir du Québec à cette position pratiquement réservée aux Américains dans la NFL et la LCF.

 

Humble et réservé de nature, Sénécal est flatté et gêné par les compliments qui abondent à son endroit.

 

« Je ne m’impose pas de stress par rapport à ça, je vais jouer comme je suis capable de le faire. Présentement, je me concentre vraiment sur mon genou. Quand je serai rétabli à 100 %, c’est là que je vais pouvoir recommencer à vouloir m’imposer. Mais c’est sûr que je veux aussi bien faire pour le Québec et le Canada. Je veux montrer qu’on peut jouer au même niveau que les gars aux États-Unis », a-t-il mentionné.

 

Iadeluca n’a pas besoin de conserver un devoir de réserve.

 

« C’est un talent exceptionnel, on n’en voit pas beaucoup comme lui dans la vie. Il est capable de tout faire sur un terrain. Il est athlétique et il est capable de courir avec le ballon. Ce n’est pas lui qui regarde le plus de football à la télé, mais il comprend très bien la game. Évidemment, c’est un super athlète aussi. Quand il est arrivé avec nous, il y a trois ans, et qu’on a fait nos premiers tests, il a couru un 4,5 sur 40 verges sans jamais avoir couru de sa vie », a détaillé l’entraîneur qui le classe au sommet de son palmarès en 30 ans dans le domaine.

 

Est-ce possible de songer à la NFL ? Bien sûr, ça demeure un sujet qu'il faut aborder du bout des lèvres. Ce serait quand même périlleux de vouloir l’associer à ce calibre alors qu’il n’a pas encore entamé son parcours universitaire, mais la question se pose.

 

« Un entraîneur américain m’a dit qu’il avait des chances de jouer dans la NFL. Ce n’est pas une science exacte et ça lui prendra un peu plus de support, mais je pense qu’il aura l’occasion de se faire remarquer », a commenté Iadeluca sur cette possibilité.

 

Le choix américain et non québécois

 

Dans le milieu du football universitaire québécois, les entraîneurs osent tout de même dire qu’il devrait être en mesure de diriger une attaque dans la LCF. D’ailleurs, ces entraîneurs ont encaissé avec peine la décision de Sénécal d’opter pour un programme américain.

 

Même s’il ressent de la nervosité face à cette aventure déstabilisante, Sénécal tenait à goûter au football aux États-Unis.

 

« J’aurais pu continuer à jouer au Canada dans le RSÉQ, mais je voulais vraiment vivre cette expérience pour ne pas le regretter. Je voulais le voir de l’intérieur, découvrir la vie de campus et la vie aux États-Unis. Tu sors de chez toi, tu marches cinq minutes et tu es aux installations de football, on n’a pas toujours ça ici », a révélé Sénécal.

 

Le quart droitier considère aussi que ce passage dans ce calibre lui permettra de hausser son niveau de jeu plus rapidement. Respectueux, il ne voulait pas dire qu'il allait se mesurer à une compétition plus féroce. Cependant, il était prêt à admettre qu'il pourra notamment bénéficier de ressources abondantes pour se remettre de sa blessure.

 

De plus, Sénécal pourra côtoyer quatre autres joueurs québécois recrutés par ce programme. Il s’agit du quart Jack Zergiotis, du secondeur Terrence Ganyi, du receveur Keven Clercius et du joueur de ligne offensive Christopher Fortin qui les rejoindra pour la saison 2020.

 

Ces joueurs d’ici tenteront de faire progresser les Huskies qui peinent à obtenir des résultats convaincants. L’équipe de football a également choisi de devenir indépendante et ça lui permet de disputer des matchs contre des adversaires de son choix. Ce contexte exposera Sénécal à une plus grande opposition que l’ancienne division des Huskies. À titre d’exemple, ils croiseront même le fer contre Clemson en 2021.

 

Aaron Rodgers, une inspiration sur le terrain

 

À défaut de dévorer les matchs de la NFL sur un écran, Sénécal raffole du style d’Aaron Rodgers, le meneur des Packers de Green Bay.

 

« J’aime vraiment son style, comment il joue. Je ne peux pas me comparer à lui encore, il est vraiment, vraiment au-dessus de mes capacités présentement, mais c’est quelque chose que j’aimerais devenir, c’est sûr », a-t-il jugé.

 

Certes, son arsenal devra être peaufiné et propulsé à un autre niveau, mais Sénécal a toujours appris à une vitesse fulgurante. Pour le confirmer, on a contacté Gabriel Cousineau qui l’a pris sous son aile au Collège Laval quand il est devenu responsable du programme de football.

 

« Je jouais ma dernière saison avec les Carabins en même temps. Souvent, sur mon heure de dîner, je faisais du vidéo et je regardais mes plans de match. Jonathan était en secondaire III et IV et il venait regarder ce que j’étudiais pour les Carabins, sa compréhension du football est tellement élevée », a mentionné Cousineau à partir de la France, où il vient de se replonger dans l’aventure du football, désormais comme professionnel.

 

« Quand il est arrivé au CÉGEP, dès sa première année, je trouvais qu’il était plus avancé que des gars de troisième année et même plus loin que certains quarts universitaires dans sa compréhension du jeu. C’est vraiment impressionnant comment il comprend vite », a-t-il ajouté.

 

Concrètement, ça donne ceci. À son premier camp en sol américain devant des dépisteurs universitaires, Sénécal a éprouvé des ennuis à s’adapter pour ses passes sur le tracé « fade route » puisque le terrain est plus petit.

 

« Presque toutes ses passes finissaient sur les lignes de côté. C’est quand même 12 verges de moins large et il me disait qu’il avait l’impression de devoir lancer le ballon en hauteur au milieu du terrain. Il a continué de travailler là-dessus dans le stationnement à l’hôtel et il a super bien fait deux jours plus tard.

 

« Bref, il y aura des ajustements, mais il aura sa chance de jouer et c’est la chose dont il a besoin. Comme je le dis souvent, tu es mieux d’être le gros poisson dans le petit bol que le contraire », a décrit Iadeluca en faisant référence à des programmes américains où il aurait été plus difficile de percer.

 

Sénécal a conclu en expliquant qu’il aimait jouer comme quart-arrière puisque c’est un poste duquel tu peux être fier. Imaginez s’il parvient à poursuivre son ascension où les quarts canadiens sont des exceptions.