MONTRÉAL – Les questions demeurent nombreuses quant aux conditions dans lesquelles sera disputée la prochaine saison de football aux États-Unis. Mais il y a à peine une semaine, le sport n’était plus au cœur des préoccupations de Benjamin St-Juste. 

Comme des milliers d’étudiants étrangers éparpillés sur les campus universitaires américains, St-Juste s’est retrouvé devant un ultimatum inattendu au début du mois de juillet. « J’ai failli être déporté au Canada », résume dans ses propres mots le jeune Montréalais, un demi de coin pour les Gophers de l’Université du Minnesota. 

Le 6 juillet, l’administration du président Donald Trump avait annoncé son intention d’invalider le visa des étudiants internationaux inscrits dans des institutions qui ne dispenseraient que des cours en ligne afin de s’ajuster aux contraintes liées à la pandémie de COVID-19. Les élèves touchés par cette politique se retrouvaient devant deux options : trouver une nouvelle école ou quitter le pays.  
    
Pour St-Juste, ça a été le début d’une course folle pour tenter de légitimer sa présence en sol américain. « Au début, je n’avais aucune idée de ce qui se passerait, relate-t-il. Ils nous ont donné un délai de trois semaines pour changer notre visa. Ça a été une folie. »

L’ancien du cégep du Vieux-Montréal raconte son expérience sereinement, bien installé dans son appartement de Minneapolis. C’est qu’un peu plus d’une semaine après avoir provoqué cette secousse majeure, le gouvernement américain a reculé devant le tsunami de contestations et les menaces de poursuites légales qu’elle a déclenchés. 

St-Juste a donc pu replacer sa carrière athlétique au cœur de ses priorités. Ça ne veut toutefois pas dire que la suite est plus limpide.

Depuis le début du mois de juin, les joueurs des Gophers sont à l’entraînement dans un cadre régi par les règles sanitaires en place. L’équipe a été divisée en petits groupes entre lesquels les contacts sont limités, voire inexistants. Le masque est obligatoire dans la salle de musculation, à laquelle l’accès est conditionnel à une prise de température à l’entrée. Quand l’attaque est à l’intérieur, la défensive est au soleil et vice versa. 
 
Tout ça en préparation pour une saison qui pourrait mourir dans l’œuf. Le 9 juillet, les autorités du Big Ten ont annoncé l’annulation de tous les matchs qui étaient prévus contre des adversaires d’une autre Association. Les Gophers ont ainsi vu trois de leurs quatre premières parties rayées du calendrier. Au lieu d’amorcer leur saison le 3 septembre contre Florida Atlantic, ils doivent maintenant viser la date du 18 septembre contre Iowa.

Cette cible, est-il besoin de le rappeler, est mouvante. Au Minnesota, St-Juste et ses coéquipiers n’ont toujours pas reçu de convocation pour l’ouverture officielle du camp d’entraînement. Personne ne peut pour l’instant garantir qu’il y aura du football dans les stades de la NCAA cet automne. 

« Je pense que le mécontentement des étudiants-athlètes par rapport à toute cette pandémie, c’est que notre opinion n’a jamais été écoutée, déplore St-Juste. On n’a jamais été impliqué dans aucune des décisions. L’idée d’une saison plus courte avec seulement des matchs intra-conférence a pris forme sans consultation avec les joueurs ou les entraîneurs. La seule information qu’on a, vraiment, c’est ce qui est sorti il y a quelques semaines. »

Une carrière professionnelle repoussée? 

Puisque l’union fait la force, St-Juste a établi un contact avec d’autres joueurs pour tenter d’obtenir un peu plus de transparence dans le processus décisionnel en cours. 

« On s’est créé un groupe de conversation avec les leaders de chaque équipe du Big Ten pour partager comment les choses se passent dans chaque équipe. On peut donc avoir une idée globale de ce qui se passe et ce qu’on pourrait faire pour que notre avis soit pris en considération. On aimerait avoir un peu de pouvoir dans cette décision parce que c’est nous qui se mettons à risque cette saison. Il y a des rumeurs selon lesquelles on devra se soumettre à deux ou trois tests par semaine et si un joueur est déclaré positif, il ratera trois ou quatre matchs. Mais la saison sera déjà assez courte, certains joueurs pourraient en manquer la moitié et voir leur admissibilité s’écouler. C’est le genre de choses dont on aimerait pouvoir discuter. » 

Puisqu’il avait fait l’impasse sur la saison 2018, St-Juste, qui possède un baccalauréat en sociologie et une maîtrise en management du sport, profite personnellement une certaine latitude dans la gestion de son avenir à court terme. 

« Si cette saison n’a pas lieu, j’ai droit à une autre saison l’an prochain, explique celui qui a transféré au Minnesota après avoir été initialement recruté par l’Université du Michigan. C’est bon pour moi, mais j’aimerais quand même avoir l’opportunité de jouer pour ensuite faire le virage chez les professionnels. Tous les joueurs à qui il ne reste qu’une saison sont dans l’incertitude. Ils ignorent s’ils pourront conserver leur éligibilité en cas d’annulation pour revenir l’an prochain et améliorer leurs chances pour le repêchage de la NFL. »  

La saison qui vient pourrait être un intéressant tremplin pour St-Juste, qui a excellé en 2019 à sa première année complète comme partant dans la NCAA. En 13 matchs, dont neuf départs, il a été crédité de 45 plaqués et a été le meneur de son équipe avec dix passes rabattues. Ces statistiques lui ont valu une mention honorable lors de la sélection des équipes d’étoiles du Big Ten. 

La défensive des Gophers a perdu quatre joueurs, dont deux membres de sa tertiaire, au repêchage de la NFL en avril. Mais St-Juste s’attend à ce que l’unité récupère sans problème de cette rotation d’effectifs. 

« Nos deux demis de coin et un maraudeur reviennent, donc on n’est pas si jeunes, on a beaucoup d’expérience. Personnellement, je vais prendre un rôle plus sérieux en tant que capitaine. Je veux m’imposer davantage dans l’équipe pour amener les jeunes à un autre niveau, leur passer l’information et les connaissances que j’ai. Je vais prendre un plus gros rôle pour guider l’équipe, guider la défense. »