MONTRÉAL – Le football a traîné Éric Maranda à l’université. Mais après avoir été expulsé de son premier programme d’études, un déclic s’est produit et il a pu remercier son sport préféré pour cette influence positive en complétant son parcours avec deux baccalauréats et deux maîtrises ! 

L’exemple de Maranda illustre à merveille les propos de Luc Brodeur-Jourdain. En raison des contrecoups de la COVID-19, la pérennité de la Ligue canadienne de football (LCF) a été remise en doute. À la suite de tergiversations, le gouvernement canadien a choisi de ne pas s’engager financièrement pour sauver la saison 2020 faisant craindre le pire. 

Selon l’ancien centre des Alouettes de Montréal, la disparation du circuit canadien serait une perte énorme. Disposant lui-même d’études universitaires de deuxième cycle, en administration, Brodeur-Jourdain considère qu’il ne faut pas uniquement considérer la valeur des emplois des joueurs, des entraîneurs et du personnel des équipes. 

« Ce qui rapporte le plus financièrement, ce sont les milliers de jeunes qui ont gradué au fil des ans avec un baccalauréat ou une maîtrise alors qu’ils n’auraient jamais pensé aller à l’université sans le football. C’est le rêve de jouer professionnel qui te fait avancer. Quand le rêve disparaît, la culture se meurt », a exposé Brodeur-Jourdain.  

« Si tu enlèves la LCF du portrait, il ne reste que le rêve de la NFL et peu de Canadiens y accèdent », a ajouté LBJ pour illustrer les conséquences négatives d’une telle avenue. 

Éric Maranda. Crédit : Jay Ouellet - Rouge et Or Revenons à Maranda qui venait de compléter sa deuxième saison avec le Rouge et Or quand il a été évincé du programme d’intervention sportive. Puisqu’il désirait poursuivre sa carrière au football – tout en ayant des aspirations professionnelles – il devait trouver un moyen de s’extirper de cette apparence de cul-de-sac. 

« C’était arrivé aux Fêtes et je voulais jouer au football l’année suivante. Mon coloc m’a suggéré de m’inscrire en agronomie, mais j’avais besoin de mes cours de mathématiques et chimie du secondaire en plus de mes sciences pures au CÉGEP », a expliqué Maranda à RDS.

Le hic, c’est que Maranda avait coulé ces deux matières en secondaire V qui n’étaient pas exigées pour adhérer au programme en intervention sportive. Il avait donc flâné au lieu de s’y investir.   

« J’étais mal foutu un peu, mais j’ai complété ces deux cours en trois semaines durant les Fêtes. J’ai commencé le programme en faisant mes sciences pures en même temps. J’ai fait mon Bac en agronomie en quatre ans sur une cohorte normale avec des notes assez bonnes pour avoir des bourses de premier de classe. Quand le déclic s’est fait, ça s’est bien passé », a-t-il raconté en souriant sans qu’on puisse le contredire. 

Pour l’ancien secondeur étoile du Rouge et Or, le moment était venu de changer. 

« Quand j’ai été mis dehors du programme, je me suis dit ‘Cr..., tu fais quoi de ta vie ? Branche-toi. Je me projetais dans cinq ans et je me demandais ce que j’allais faire si ça ne fonctionnait pas chez les pros. J’étais acculé au mur et je me suis dit que je devais embrayer », a convenu Maranda qui a vu les blessures freiner sa carrière professionnelle. 

Il a aussi eu le bonheur de rencontrer une nouvelle copine qui prenait les études à cœur. Elle est devenue vétérinaire et surtout sa conjointe et la mère de leurs trois jeunes enfants. Il s’empresse de préciser que les gens qui veulent réussir doivent s’entourer de gens qui se démarquent.  

« Ce n’est pas pour rien que le Rouge et Or restera toujours le Rouge et Or, une force au football, et c’est la même chose pour les Carabins : les meilleurs attirent les meilleurs et c’est la même chose au niveau académique », a-t-il noté.  Éric Maranda - Rouge et Or

« C’était drôle parce que jadis, deux ans avant, j’étais le gars mis dehors de son programme à celui qui avait des bourses de premier de classe. Tu passes d’un extrême à l’autre en peu de temps. C’est une grande fierté pour moi. Si je n’avais pas eu de football, je ne me serais jamais rendu à l’université », a enchaîné Maranda qui agit comme directeur de comptes pour du financement dans le domaine agricole et agroalimentaire à Québec. 

Ne pas juger une personne au premier coup d'oeil

Maranda détenait clairement les capacités académiques pour s’illustrer. Pourtant, ce n’est pas tout le monde qui était du même avis et il s’en souvient extrêmement bien. 

« Quand je me suis fait expulser du programme, le directeur du programme m’a dit ‘Éric, tu n’es pas fait pour l’université. À ta place, je me réorienterais.’ Ça fait 15 ou 16 ans et je m’en souviens encore. Je ne l’ai jamais rencontré par la suite, mais j’attends juste de finir mon examen de comptable et je pense que ça va mériter un courriel », a-t-il avoué. 

Si sa volonté et sa structure laissaient à désirer, comme il l’admet lui-même, Maranda trouve que cette conclusion rapide était déplorable. 

« Tu ne peux pas juger une personne au premier coup d’œil. Même quelqu’un avec un lourd passé ou des résultats antérieurs (insuffisants). Ce directeur de programme a regardé une feuille cinq minutes, il ne s’est pas questionné sur l’environnement et n’a pas regardé l’individu. Quand tu fais une réflexion dans la vie, tu dois aller plus loin que ça. Mettre tout le monde dans le même panier, je ne suis pas convaincu que c’est la meilleure façon de traiter des étudiants. Je me suis toujours dit que je ne pouvais pas me laisser abattre par un gars qui a regardé mon dossier cinq minutes », a analysé Maranda. 

Inévitablement, ce commentaire a touché des cordes sensibles en lui. 

« Ça te fouette un peu, ça te pique à l’orgueil. Et l’orgueil, on en a sûrement un peu plus que la moyenne quand on fait du sport de haut niveau. Je l’ai viré de tous les côtés. Ça peut être bénéfique dans un sens, mais ça peut couper les ailes pour d’autres. […] Mais ce n’est pas cet individu qui a motivé mon cheminement académique. La motivation, je vais la chercher par un accomplissement futur, pas un échec du passé », a tenu à préciser le colosse. 

Quand on s’intéresse à son milieu familial, on apprend que la valorisation de l’éducation a écopé par moments.  

Éric Maranda - Rouge et Or« Mes deux parents sont allés à l’université, mais ce n’était pas poussé par eux. Ma mère a eu un divorce, un nouveau conjoint et elle en avait plein ses bottes. Elle n’avait pas le temps de nous pousser et nous encadrer comme certains parents », a relaté Maranda qui se promet une contribution plus active. 

« Je vais essayer d’être un peu plus près de l’évolution académique de mes enfants », a enchaîné Maranda qui assume la totalité du blâme quand même. 

Heureux d’avoir redressé la situation au moment opportun, Maranda espère que son exemple inspirera quelques étudiants au passage. 

« Je vois des jeunes qui ont un bon potentiel et qui décrochent, ça me fait mal au cœur. (Il faudrait) Que tout le monde se donne les outils pour aimer le travail qu’il va accomplir éventuellement. C’est là que tu deviens ‘performant’ », a confié celui qui a évolué pour l’Université Laval de 2003 à 2007. 

Grâce à ce revirement de situation, Maranda détient un excellent emploi comme des milliers d’athlètes qui ont poursuivi leurs études en rêvant de jouer dans la LCF. Brodeur-Jourdain avait une tonne de noms semblables en tête comme Alexandre Brault (avocat), Miguel Robédé, Cesar Sanchez Hernandez, Vincent Lehoux, Louis-David Gagné, Vincent Turgeon, Frédéric Pépin et Samuel Grégoire-Champagne (docteur). Le collègue Matthieu Proulx a ensuite songé à Duane John (directeur sportif au CÉGEP Montmorency), Donald Welman et Phillip Gauthier. 

La nomenclature pourrait se poursuivre longtemps avec différents programmes. Le football rapporte en raison de son lien avec les études et c'est payant pour la société.  

« Je peux juste être fier de ces gars, ils ont bûché. Ils ont appris une éthique de travail grâce au football et ça les a poussés plus haut. Ça donne des gars qui ont une belle carrière. On peut juste dire merci au football et au Rouge et Or », a conclu Maranda.