(Accrofoot.com) - Les meilleurs joueurs de football au Québec sont confrontés à un beau dilemme, lorsqu'ils finissent leur CÉGEP. Ils peuvent très bien poursuivre leur carrière dans une université québécoise. Mais s'ils veulent jouer avec les meilleurs, c'est chez nos voisins du Sud, qu'il faut aller!

Jouer au football dans la NCAA...

Vivre sa passion à cent milles à l'heure, devant cinquante, quatre-vingts, cent mille fans en liesse. Pratiquer chaque jour contre la crème de la crème des footballeurs du monde. Se faire offrir une bourse d'études de plusieurs dizaines de milliers de dollars, pour pouvoir étudier dans l'une des plus prestigieuses universités de notre chère planète. Être adulé; devenir du jour au lendemain, un héros. Une icône. Un demi-dieu…

Connaissez-vous un seul joueur de football qui n'ait jamais rêvé de mener une vie pareille?

Moi non plus.

Croyez-moi, c'est avec raison. En fait, non, ne me croyez pas moi. Croyez plutôt Francis Claude ou Jonathan Pierre-Étienne, deux des meilleurs joueurs à avoir évolué au Québec dans les dernières années, qui poursuivent actuellement leur carrière chez nos voisins du Sud. Le premier évolue à l'Université Pennsylvania, tandis que le second étudie à l'Université Rutgers, dans la banlieue de New York.

Un joueur de foot assez talentueux pour évoluer parmi les meilleurs peut difficilement lever le nez sur une opportunité aussi unique. Une opportunité au plan sportif, évidemment, mais encore davantage au niveau humain. Pour plusieurs, c'est la chance d'une vie. "Once in a lifetime", qu'ils disent.

Mais attention. Si vous croyez aller vous amuser sur un campus américain, aller vous la couler douce et profiter de la vie de vedette, sans trop y mettre d'effort, voici un petit conseil pour vous. Oubliez ça immédiatement!

"À partir du moment où tu signes en bas du contrat, il faut que tu saches dans quel bateau tu t'embarques," de dire Jonathan Pierre-Étienne. "Tu deviens un numéro, tu leur appartiens. C'est une chance en or, mais ils te tiennent par les couilles. Littéralement."

"Mais pour rien au monde, je n'échangerais ça!" a tenu à spécifier le plaqueur défensif des Scarlett Knights, l'équipe de Rutgers.

Francis Claude

Francis Claude vit un rêve. L'ancien ailier rapproché des Cougars de Champlain-Lennoxville en est présentement à sa troisième saison chez les Nittany Lions de l'Université Penn State, l'un des programmes les plus prestigieux des États-Unis.

Pour lui, ce qu'il vit actuellement est d'abord et avant tout une chance en or, une opportunité de vie incroyable.

Avec son diplôme de Penn State en poche, des contacts partout aux États-Unis, et avec le fait d'avoir joué cinq ans dans une équipe comme Penn State, Claude n'aura pas grand problème à se trouver un emploi dans son domaine : la finance. Et c'est ça le plus important. Car aussi talentueux qu'il soit, l'ailier rapproché est tout à fait conscient que ce n'est probablement pas en jouant au football qu'il gagnera sa vie. C'est pourquoi le côté académique est la priorité à Penn State. Et c'est pourquoi il insiste qu'avant de penser au football, il faut s'assurer de bien finir ses études.

Mais pour être capable de passer à travers un séjour dans la NCAA, il faut avoir une éthique de travail exemplaire, une rigueur et une discipline à toute épreuve. Et il faut être " tough "…

Après tout, c'est sans doute ça, le plus beau cadeau que la NCAA aura fait aux jeunes qui, comme Claude, jouent au football en sol américain.

"Tout ce qu'on fait, c'est pour voir si on est " tough ". Par exemple, avec les traitements de physiothérapie qu'on a, tu ne veux vraiment pas être blessé", nous disait l'ailier rapproché. "C'est terrible, c'est vraiment pire qu'un entraînement."

"Une fois la physio terminée, même s'ils savent que tu es blessé, ils vont te demander de courir et de faire la pratique comme tout le monde, juste pour voir jusqu'où tu va aller."

Autre exemple, les joueurs qui se font prendre à manquer un cours ont un "entraînement spécial" le dimanche. "C'est le pire entraînement…ils te tuent! Tu ne veux vraiment pas que ça t'arrive."

Un francophone en sol américain

Lorsqu'on l'a interrogé à savoir comment ses coéquipiers l'avaient reçu, à son arrivée avec l'équipe, Claude semblait avoir quelques mauvais souvenirs.

"C'est sûr que j'étais, et que je suis encore, le petit frenchie." Et même s'il parlait un très bon anglais, ayant étudié à Champlain-Lennoxville, il a connu quelques problèmes à ce niveau.

"Mes coéquipiers ne sont pas toujours les gens les plus articulés. Par exemple, j'avais beaucoup de difficulté à comprendre mon quart-arrière Justin Morelli à ma première année. Dans les caucus, je demandais souvent qu'il répète le caucus et tout le monde me regardait comme si j'étais un imbécile."

"C'est la même chose dans la salle d'entraînement quand le coach crie quelque chose que je ne comprends pas tout de suite. Ce n'est pas rare que je me fasse dire des trucs comme "si t'es pas capable de comprendre, pourquoi tu ne retournes pas dans ton pays?"

"C'est frustrant, surtout que je suis probablement le seul joueur de l'équipe à parler plus d'une langue. "

Plus grand que nature

Ça n'a pas toujours été facile pour le Québécois. Par contre, il sait bien que ce qu'il vit est incroyable. Déjà, le simple fait de faire partie d'une équipe de la NCAA est tout un accomplissement. Mais le faire pour un programme comme Penn State, c'est tout simplement exceptionnel.

À chaque match local, Claude et ses coéquipiers des Nittany Lions évoluent dans le deuxième plus gros stade des États-Unis. Avec ses 107 282 places assises, le Beaver Stadium est franchement impressionnant. Pour avoir eu la chance d'assister à quelques minutes d'un match des lignes de côté, je peux vous dire que l'ambiance qui y règne est tout simplement hallucinante. Pour vous donner une idée, c'est cinq fois plus de spectateurs qu'au Centre Bell!

En plus du stade en tant que tel, toutes les installations de l'université, et surtout celles de l'équipe de football sont à la fine pointe de la technologie. Salle d'entraînement, terrains de pratique et salles de vidéos nous rappellent que le football aux États-Unis c'est big. Très big!

Avouons qu'à ce niveau, il n'y a aucune comparaison possible avec ce que l'on retrouve au football universitaire canadien.

Mais pour comprendre l'immensité des budgets qui sont alloués à une équipe comme les Nitanny Lions de Penn State, il faut savoir qu'à elle seule, l'équipe de football génère des profits de plus de 500 millions de dollars annuellement.

"500 millions de dollars pou une équipe qui regroupe une centaine de jeunes entre 17 et 22 ans?", me direz-vous.

Eh oui! Ils sont fous, ces Américains…


La crème de la crème

Une chose est sûre, la plus grosse différence entre le football qui se joue dans la NCAA et celui de notre SIC reste toujours le niveau de jeu. On développe de plus en plus d'excellents joueurs de football ici. Mais ça demeure du football américain, après tout…

C'est donc la chance de jouer avec - et contre! - certains des meilleurs joueurs de foot au monde. Ceux qui seront les futures vedettes de la NFL. Autre anecdote, Francis Claude nous racontait qu'à sa première année avec l'équipe il faisait partie du scout team, soit l'escouade qui a comme mission d'imiter l'offensive des prochains adversaires de l'équipe.

Il affrontait donc constamment la défensive partante de Penn State. Et de son poste d'ailier rapproché, Claude était souvent aligné directement devant l'ailier défensif Tamba Hali et le secondeur extérieur Paul Posluszny. Hali a été le 20e choix au total du repêchage 2006, quand les Chiefs de Kansas City ont fait du Libérien leur choix de première ronde. Posluszny, quant à lui, a été réclamé par les Bills de Buffalo en tout début de deuxième ronde du dernier repêchage de la NFL.

Disons simplement qu'il existe pire comme souvenir…

Une décision à prendre avec sérieux

En ce moment, plusieurs joueurs québécois envisagent sérieusement d'aller jouer leur football universitaire aux États-Unis. Des joueurs comme Fredo Plésius, Sammy Lavaud, Duraney White Ismaël Bamba, et j'en saute, pourraient bien se faire offrir une bourse d'étude complète par un programme de la NCAA. Alors qu'est-ce que Francis Claude a à leur dire, lui qui s'est déjà retrouvé dans la même situation?

"C'est un contrat à signer," déclare Claude. "Et penses-y deux fois avant de prendre ta décision. Mais peu importe ce que tu choisis, vas-y jusqu'au bout!" […]
"Par contre, sois sûr que pendant tes 5 ans, il va y avoir plus de moments où tu vas regretter ta décision, que de moments où tu vas dire : ah oui, c'est l'fun! Je dirais même que 6 jours sur 7, tu vas te demander ce que tu fais ici. Mais rappelle-toi qu'en sortant, tu vas avoir 25 ans, et que tu vas avoir des occasions incroyables, peu importe ce que tu veux faire dans ta vie."

*La deuxième partie de ce reportage, qui mettra en vedette Jonathan Pierre-Étienne sera en ligne le 1er janvier

Rémi Aboussouan est un ancien joueur et nouvellement entraîneur des demis défensifs pour les Nomades du CÉGEP Montmorency. Il baigne dans le milieu du football depuis maintenant sept ans. Pour une troisième saison, Rémi écrit sur l'ensemble du football québécois au www.accrofoot.com, site qu'il s'occupe avec deux collègues, Vincent Cérat-Lagana et Guillaume Boismenu d'Amour. Sur le plan académique, Rémi vient d'entreprendre un Baccalauréat en journalisme, à l'Université du Québec à Montréal.