MONTRÉAL – La frustration demeure très vive au sein des neuf équipes de la Ligue canadienne de football. À un tel point qu’on a décidé de vous présenter un résumé des commentaires les plus pertinents recueillis sur différents thèmes auprès des joueurs qui doivent presque tous dénicher un autre emploi. Enfilez votre casque puisque ça frappe fort. 

Une saison annulée volontairement ? 

« N’ayons pas peur des mots, j’ai l’impression que la LCF a fait exprès pour que la saison soit annulée. Comment peux-tu autant étirer les négociations et attendre jusqu’à juillet pour faire une offre ridicule quand tu souhaites avoir une saison? », a déclaré le vétéran des Alouettes de Montréal, Martin Bédard, au collègue Didier Orméjuste. 

« Si la LCF avait vraiment voulu une saison, elle aurait fait les choses autrement. Ça va jusqu’à de l’hypocrisie et de l’avarice. Comment la LCF peut être si prospère, viser une 10e équipe dans les Maritimes et avoir un discours différent à 180 degrés. Ça prend du front tout le tour de la tête pour dire que la LCF est en péril quand les dirigeants ont fait par exprès pour que la saison n’ait pas lieu. C’est de prendre un peu la population pour des idiots d’avoir dit ça », a poursuivi l’athlète de 36 ans qui agit présentement comme conseiller financier.  

« C’est décevant, mais je ressens aussi une part de honte dans le sens qu’on est l’une des rares ligues à ne pas avoir de saison. Tu ressens une fierté de porter le maillot donc quand tu vois les autres circuits le faire alors qu’on se retrouve à ne pas jouer en raison d’un manque de communication et de transparence... », a déploré Boris Bede. 

Randy Ambrosie se fait passer le K.-O.

Sans surprise, le commissaire Randy Ambrosie se fait malmener de toutes parts. 

« On s’entend que c’est assez évident que le leadership, dans cette Ligue, est pourri ! On va le nommer, Randy, son leadership est complètement absent. On a pu commencer à le voir avec la vente des Alouettes qui s’est éternisée. La pandémie aurait été une très bonne occasion de prouver qu’il était capable de faire la job et il n’a pas été en mesure de le faire », a mentionné Bédard sans filtre. 

« Randy n’a aucun rapport dans ce bureau. C’est comme s’il méprisait les joueurs, les travailleurs qui donnent leur vie pour ce circuit. C’est comme s’il se sacrait des partisans aussi. Ce serait quoi de donner de vrais mises à jour. Ce n’était même plus subtil que c’était du paraître. Je trouve ça déplorable. Ça me frustre énormément dont pour les jeunes joueurs qui viennent d’être repêchés et qui devaient entamer leur carrière. Ceux avec peu d’expérience qui n’avaient pas encore pensé à l’après-carrière », a ajouté Bédard.  

« On est la seule ligue que le commissaire n’est pas sorti publiquement pour expliquer le plan et rassurer les partisans ainsi que les joueurs. Je trouve ça très décevant », a ciblé Bede. 

« J’espère qu’il va accepter une baisse salaire ! On part de restructuration et ça pourrait commencer par ça. Je n’ai pas été impressionné et je m’attends à mieux de la part du commissaire de la LCF. Malheureusement, tu dois parfois le regarder le chef quand tu es la seule ligue qui n’a pas réussi à démarrer. Je suis extrêmement déçu de son travail », a conclu Antoine Pruneau du Rouge et Noir d’Ottawa.  

« De jouer la carte de l’ignorance et de ne pas parler aux joueurs pendant les deux ou trois premiers mois de la pandémie, c’est la pire chose que la LCF pouvait faire. On avait du temps pour réfléchir à des options. Ils ont attendu à la dernière minute pour mener une saison écourtée. Ça prouve le manque de leadership et on a vu les lacunes dans le système », a plaidé David Ménard qui était impatient de commencer le chapitre de sa carrière avec les Alouettes. 

« Les propriétaires n’ont pas assez à cœur la LCF »

On peut blâmer le commissaire, mais il répond également aux souhaits des propriétaires des neuf équipes. Pour plusieurs joueurs, c’est une certitude que certains propriétaires - dont la richesse se mesure en milliards pour certains - n’affichent le niveau d’implication nécessaire envers la LCF. Un peu comme si leur équipe était un petit jouet. 

« Bien sûr (que ça prend un changement de meneur). Et si ce n’est pas le cas, un changement de mentalité. Quand les propriétaires vont mettre autant d’efforts sur la LCF que sur leur travail quotidien, c’est là que notre produit va véritablement grandir et changer. Présentement, ces efforts ne sont pas au rendez-vous par la plupart des propriétaires depuis que je suis dans la LCF. En regardant comment la LCF est gérée, j’en viens à la conclusion qu’ils n’ont pas assez à cœur la LCF. Ils peuvent dire qu’ils aiment le football canadien, mais pas assez pour le faire grandir convenablement », a statué John Bowman. 

« S’ils croyaient en leur produit, que ça deviendrait payant, les propriétaires auraient investi leur argent. Ils se tournent du côté du gouvernement parce qu’ils n’ont pas en confiance en la façon dont c’est géré. Je me demande tous les jours quel est le modèle d’affaires de la LCF. La LCF, c’est dix entités différentes : neuf équipes libres de faire ce qu’elles veulent et la LCF. Il n’y a aucune cohésion dans la LCF. Je suis persuadé que ce n’est pas comme ça dans la NFL ou la NBA. Voilà une chose qui doit changer », a argué Bowman. 

« Pour certains propriétaires, je crois que ce n’était pas acceptable d’accumuler d’autres pertes cette année », a déduit Pruneau qui agit à titre de représentant des joueurs du Rouge et Noir d’Ottawa. 

Plusieurs failles révélées au grand jour

« Je pense que cette histoire a dévoilé beaucoup de failles dans cette Ligue. Il faudrait mettre certaines choses au clair. Remonter les bretelles à quelques personnes pour qu’on reparte à zéro avec d’excellentes bases », a observé Bede qui doit rechercher un emploi malgré des critères stricts d’immigration alors qu’il deviendra papa sous peu. 

« On nous disait que la Ligue était en très bonne santé et que tout allait bien. Pourtant, dès qu’on frappe un dos d’âne, toute l’auto se démonte. On se demande donc à quel point le circuit était en santé. On dirait que la machine s’est détruite au complet. Est-ce que vous vendiez une Mercedes, mais c’était plutôt une vieille Pontiac de 1995 qui ne résiste plus? », a imagé Bede avec pertinence.  

« On n’avait rien, pas de fonds d’urgence pour subvenir à nos besoins. Ça fait plus de 100 ans que la LCF existe, où se trouve l’argent ? En gros, chaque année on jouait sur zéro et on se fiait sur les rentrées d’argent pour que la LCF subsiste. Ce qui est arrivé a ouvert des yeux », a critiqué le botteur des Argonauts de Toronto. 

Difficile de reporter les contrats

« Il y a encore beaucoup d’incertitude par rapport à la saison 2021. Contractuellement, on veut savoir ce qui va se passer et j’espère que les réponses viendront plus rapidement qu’elles sont venues dans nos négociations pour la convention collective », a admis Pruneau.

« Je vois difficilement comment ils pourraient reporter les contrats en 2021 étant donné que c’est signé individuellement. Mais j’espère qu’ils vont donner l’option de quitter aux joueurs qui décident le faire et de reconduire le contrat de ceux qui veulent rester », a poursuivi Pruneau qui tenait son jeune bébé dans les bras avant l’entrevue.  

Une décision qui coûtera plus cher au gouvernement ? 

« Si les joueurs obtiennent cette aide financière (via la subvention salariale d’urgence du Canada SSUC), ça se peut que ça coûte plus cher au gouvernement que d’avoir aidé la LCF pour cette année et d’avoir eu une saison écourtée », a soulevé Pruneau en questionnant le verdict final des instances fédérales.  

« Je ne suis pas certain que les gens impliqués ont regardé le dossier de la bonne façon. Peut-être que le dossier a plus été évalué avec le côté de la perception publique. Il y a beaucoup de partisans de la LCF, mais encore plus de gens qui se foutent de notre sort », a-t-il songé. 

« Tout d’un coup, son gouvernement voit les répercussions sur les réseaux sociaux et il (le ministre Steven Guilbeault) dit qu’ils veulent nous aider. Je ne reçois aucune aide financière présentement et je trouve ça hypocrite de les voir dire ça alors que ce n’est pas du tout le cas. Si tu ne fais de geste concret, ça ne sert à rien », a noté Pruneau. 

Comment dessiner l’avenir de la LCF ? 

« Le programme international LCF 2.0, je trouve ça difficile à avaler. Oui, il y a du talent à l’étranger et une audience, mais on n’a pas maximisé ce qu’on peut faire dans notre pays. Ce serait le temps de miser là-dessus, d’aider les équipes universitaires à se développer pour relever le niveau encore. Je dis ça avec des réserves parce que j’ai des coéquipiers de l’extérieur », a témoigné Pruneau. 

« On entend parler d’une nouvelle version de la LCF avec de l’expansion, mais elle doit se regarder un peu dans le miroir avant de commencer à cette option », a convenu Ménard dans le même sens. 

« Si la pandémie peut procurer quelque chose de positif à la LCF, ce serait peut-être de retourner au tableau. De partir avec une page blanche et voir ce qu’on veut faire pour déployer un meilleur produit sur le terrain et que la croissance vienne de là », a souhaité Ménard. 

Terminons le tout avec une petite touche d’humour. 

« Ce sera une très longue saison morte ! Comme disait l’un de mes coéquipiers, si je n’arrive pas avec un six pack en 2021, donnez-moi un coup derrière la tête », a conclu Pruneau en souriant.