MONTRÉAL - Dans la mi-vingtaine, lorsque tu débordes d’ambition et que tu souhaites devenir le meilleur coordonnateur défensif de l’histoire du football, un poste de recruteur, au cœur des prairies canadiennes, avec les Roughriders de la Saskatchewan, ça n’a rien de trop sexy. C’est pourtant ce chemin qui a mené Thomas Dimitroff au poste de directeur général des Falcons d’Atlanta. 

Ça se passait en 1990, Dimitroff était un jeune bachelier en Arts de l’Université Guelph en Ontario. Ayant baigné dans le football depuis son enfance, la tentation de cet univers était trop forte et il a obtenu son premier emploi comme dépisteur pour une équipe professionnel avec les Riders. 

Communicateur très habile, Dimitroff choisit à la perfection les mots pour décrire ce passage dans son curriculum vitae. 

« J’ai été immiscé à la LCF depuis quand j’étais tout petit grâce à mon père qui était entraîneur. On a passé quelques années à Hamilton et Ottawa. Quand j’ai eu le poste avec les Riders, je me souviens d’un livre Who Has Seen the Wind (sur les rigueurs de la vie à cet endroit) que je l’avais lu et je m’étais dit ‘Ouf’. Ce n’était pas toujours facile et j’ai travaillé très fort sans compter les heures. C’était très différent comme contexte. Mais je retiens avant tout la chance d’avoir pu travailler dans un environnement si passionné, je parle des partisans », a témoigné, au RDS.ca, Dimitroff qui se tient aussi loin que possible des clichés dans ses réponses. 

« Je considère, a posteriori, avoir conservé des leçons de cette expérience. Je pense surtout à comment bâtir une équipe et une organisation, ça m’a donné un parcours plus riche pour faire le saut dans la NFL », a ajouté le dirigeant qui était arrivé alors que les Riders venaient de remporter la coupe Grey en 1989. 

Aussi passionné qu’il pouvait l’être, il ne s’imaginait pas accéder, 18 ans plus tard, à un rôle de directeur général dans la NFL. Il se voyait plutôt suivre les traces de son paternel, Tom, qui a été entraîneur de 1969 à 1986 avant de bifurquer vers le recrutement. 

« À cette époque, j’avais déjà un grand intérêt à évaluer le talent des joueurs, mais je voulais surtout devenir entraîneur. J’avais comme projet de devenir le meilleur coordonnateur défensif de l’histoire, lance-t-il en riant. Je sais que c’était exagéré, mais j’adore la défense et je voulais coacher. » 

Son père, qui est décédé à 60 ans en 1996, a eu le temps de faire germer en lui un parcours qui lui convenait davantage. Connaissant bien son fils – et la réalité du métier d’entraîneur qui comporte beaucoup de hauts et de bas – il l’a orienté l’évaluation. 

« Je me suis lancé davantage de ce côté et j’ai vraiment eu du plaisir à le faire. Le projet de bâtir une équipe, j’ai réalisé que ça faisait vibrer une corde encore plus sensible en moi. J’étais plus passionné par cette dimension que diriger une équipe comme entraîneur. C’est là que j’ai compris que mon avenir se dessinerait plus de ce côté », a expliqué Dimitroff qui a œuvré pour les Chiefs, les Lions, les Browns et les Patriots comme recruteur avant d’obtenir la confiance des Falcons comme DG.

Inévitablement, cette réponse de Dimitroff fait penser aux belles images qui ont circulé lors du repêchage virtuel de la NFL. Installé dans son « war room », vêtu simplement de jeans, Dimitroff était surtout accompagné de son fils pour cette opération névralgique. 

Il a déjà voulu se battre avec des partisans qui critiquaient son père

Parlant de relation privilégiée père-fils, Dimitroff avait une anecdote fascinante à raconter. Avant de travailler comme dépisteur, il assistait souvent aux parties dirigées par son père dans les gradins. 

Thomas Dimitroff« Ça m’est arrivé de vouloir me battre avec des partisans parce qu’ils lançaient des insultes envers lui comme ça arrive à tous les entraîneurs. J’ai compris que ça faisait partie de ce milieu et que c’était préférable d’agir convenablement. Je m’efforce d’entretenir une relation saine avec les partisans. On doit les respecter », a confié Dimitroff avec ouverture. 

Une fois de plus, c’est son père qu’il lui a permis de développer la bonne approche, celle qui fait de lui un directeur général plutôt près des partisans.

« Il me disait souvent que ce sont les partisans qui paient mon salaire, ils sont passionnés par le sport et il ne faut pas brimer leur passion. Bien sûr, ils ne doivent pas te manquer de respect physiquement ou verbalement, mais tu dois comprendre leurs préoccupations, leurs droits envers leur équipe. J’ai toujours conservé ça en tête », a noté Dimitroff qui a même développé une amitié fascinante avec un partisan qui en avait marre des échecs des Falcons. 

Dans quelques entrevues antérieures, Dimitroff a eu l’humilité d’admettre qu’il se sentait nettement plus à l’aise désormais comme directeur général. Lors des premières années, il avait l’impression de peiner à garder la tête hors de l’eau. Aujourd’hui, il est reconnu pour sa longévité dans son milieu.  

« C’est intéressant parce que j’étais l’un des plus jeunes directeurs généraux quand j’ai hérité de ce poste avec les Falcons en 2008. C’est fou comment le temps passe vite, j’avais 40 ans à ce moment. Je me considère très chanceux, il va sans dire. Je tente d’agir de manière très réfléchie dans mes actions, je suis privilégié d’avoir une belle relation avec notre propriétaire Arthur Blank qui est un homme très soucieux des autres et généreux. On a été en mesure de communiquer très clairement sur plusieurs enjeux », a réagi l’ancien demi défensif qui a affronté Pierre Vercheval au niveau universitaire canadien. 

Depuis sa nomination, les Falcons ont réussi 6 années de 10 victoires ou plus en 12 saisons. Mais ils ont  connu deux passages de deux saisons d’affilée sous la barre de ,500. C’est sans oublier la défaite cruelle en prolongation au Super Bowl LI. 

« C’est clair que j’ai connu des moments plus éprouvants, je pense d’emblée au congédiement de Mike Smith en 2014. Depuis, ça s’est bien passé avec Dan Quinn, mais on a traversé des creux aussi. Perdre le Super Bowl a été très pénible et on vient de traverser deux saisons consécutives de 7-9 », a-t-il avoué. 

« Je ne m’en cache pas, ce n’est pas toujours facile. Mais j’ai réalisé au fil des ans comment mieux naviguer comme DG à travers les hauts et les bas. Il faut garder une approche constante et conséquente en restant fidèle à nos principes. J’ai la conviction d’avoir bâti une très bonne équipe de football avec mon entourage. Mais, comme tout le monde le sait, ce n’est pas juste une équipe de miser sur de bons joueurs, il faut que tous les éléments cliquent ensemble pour s’élever au sommet », a ajouté le dirigeant né en Ohio. 

Pas besoin de lui rappeler, Dimitroff sait qu’il sera sous pression pour la saison 2020 peu importe le contexte de la pandémie. La décision d’embaucher le porteur de ballon Todd Gurley n’a d’ailleurs pas fait l’unanimité. 

« Ce n’est pas un boulot facile et je le réalise encore plus parce que la NFL, c’est une ligue très présente dans l’œil des partisans. De plus, le directeur général est devenu un visage important, davantage mis en évidence. Auparavant, c’était surtout l’entraîneur qui retenait l’attention. Désormais, chaque partisan a son club Fantasy et finit par croire, à différents degrés, qu’il pourrait accomplir mon travail encore mieux que moi », a déclaré, en souriant, Dimitroff. 

Le passionné de vélo a conclu avec l’entrevue avec une pensée pour Montréal qui est touchée profondément par la COVID-19. Il espère d’ailleurs visiter la métropole éventuellement pour son loisir préféré.