MONTRÉAL – Pour une carrière de football, la cerise sur le sundae doit briller et goûter la victoire ultime comme une bague du Super Bowl. Voilà tout ce qui manque à la carrière de Louis-Philippe Ladouceur qui deviendra, dimanche, le Canadien ayant disputé le plus de matchs dans la NFL.

L’étoile discrète

Ladouceur est rendu à sa 16e saison dans la NFL et il est habitué de demeurer dans l’ombre des personnages qui attirent l’attention chez les Cowboys de Dallas. Ce n’est pas pour rien que nos collègues de RDS ont choisi L’étoile discrète pour le titre du documentaire à son sujet. 

Par contre, pour une rare fois, il accepte volontiers les fleurs qui viennent avec cet exploit. Il dépassera l’ancien botteur Eddie Murray en disputant sa 251e rencontre contre les 49ers de San Francisco.  
 
« Évidemment, tu ne penses jamais que ta carrière durera aussi longtemps et de rester autant d’années avec le même club en plus. C’est un accomplissement duquel je suis fier. Tu n’imagines pas ça quand tu es jeune, tu espères seulement de pouvoir jouer quelques matchs et d’enfiler l’un des uniformes de la NFL. D’avoir porté ce casque et ce chandail depuis si longtemps, ça en fait un parcours très spécial à mes yeux », a reconnu Ladouceur lors d’une disponibilité médiatique. 

« Ça représente une très grande fierté, mais aussi pour tous les Canadiens, les Québécois, les Montréalais qui veulent jouer dans la NFL. Ça démontre qu’on est capable d’y accéder et qu’on peut accomplir certains rêves d’enfance », a-t-il ajouté. 

Dire que cet impressionnant parcours avec les Cowboys a commencé par un heureux concours de circonstances. En 2005, alors qu’il avait été retranché par les Saints de La Nouvelle-Orléans, sa femme lui avait suggéré de contacter les Cowboys puisque leur spécialiste des longues remises éprouvait des ennuis. Il n’a pas tardé à convaincre Bill Parcells lors d’une brève audition. 

Parcells s’est retiré en 2006, Wade Phillips, Jason Garrett et maintenant Mike McCarthy lui ont succédé. Malgré ces changements d’envergure, le Québécois de 39 ans a toujours conservé son poste. 

Louis-Philippe Ladouceur« Il y a eu quatre entraîneurs-chefs, six coordonnateurs des unités spéciales et plusieurs changements dans la philosophie. Parfois, dans le cas des spécialistes, les équipes se disent qu’ils peuvent passer au prochain sans trop de problème, se tourner vers un athlète plus jeune et le mouler selon leurs préférences. Je pense que mon plus grand accomplissement aura été de m’ajuster à tous ces entraîneurs et leur philosophie », a noté Ladouceur en ne ratant pas sa cible, son autre spécialité. 

Après quelques saisons bien en selle avec les Cowboys, les dirigeants ont invité d’autres spécialistes des longues remises lors des camps d’entraînement. 

« Je n’ai jamais été fâché par ça, ils ont fait venir plusieurs gars et certains ont joué dans la NFL. Je pense que c’est le cas de trois ou quatre de ces joueurs. Ça m’a simplement rendu meilleur. Mais je n’ai jamais pensé que je perdrais mon poste avec les Cowboys », a raconté Ladouceur avec un sourire teintée d’une assurance nécessaire dans ce milieu. 

Signe qu’il dit vrai, il n’a pas hésité à partager son savoir avec eux. 

« Je ne suis pas du style à ne rien leur montrer. Au contraire, j’ai voulu leur donner des connaissances sur les remises et les blocs pour qu’ils puissent avoir du succès à leur tour », a noté Ladouceur qui parlait notamment de Zach Wood (Saints), Casey Kreiter (Broncos et Giants) et Charley Hughlett (Browns).

Les Cowboys ont déduit qu’ils détenaient une valeur sûre. Après tout, Ladouceur n’a pas bousillé une seule remise durant sa carrière. Un exploit tout simplement fascinant. 

« Dans une équipe, ça prend une bonne confiance envers ton snapper. Ça ressemble à, nous en avons un bon, aussi bien le garder. Bien des équipes voient ça ainsi, ils ne veulent pas changer la dynamique du trio de spécialistes. Selon moi, ma plus grande contribution aura été de toujours pouvoir jouer, j’ai toujours été en mesure de pratiquer et jouer les matchs. Si bien que les Cowboys n’ont jamais eu à se soucier de cet élément. J’en suis bien fier. Ça et de ne jamais manquer une remise », a témoigné Ladouceur qui n’est pas habitué d’être autant sollicité par les médias. 

Questionné sur sa « perfection », Ladouceur s’est empressé de vanter son grand ami Chris Jones qui occupe le rôle de botteur de dégagement et de teneur sur les placements.  

« Chris est là depuis une dizaine d’années et je peux dire qu’il m’a sauvé quelques fois. Je ne vais pas mentir. J’ai déjà eu des remises moins bonnes, mais on a été en mesure de compléter notre jeu. Ça rend mon travail plus facile », a humblement précisé Ladouceur.

Mais non, Ladouceur n’avait pas encore tout vu en 16 saisons. Le 1er novembre, face aux Eagles, les Cowboys étaient situés profondément à leur ligne de 11 verges et on lui a demandé d’effectuer une remise qui traverserait la zone des buts pour concéder un touché de sûreté. 

Prouver le potentiel des Canadiens

Ladouceur établira ce record dans une période faste pour le football canadien et cette émergence de plusieurs joueurs du Canada le comble. 

« Il y a toujours eu des Canadiens avec les Cowboys et nous sommes quatre présentement (lui, Neville Gallimore, Tyrone Crawford et Eli Ankou). Je trouve que c’est bien pour nous. Ça prouve que le Canada, ce n’est pas juste le hockey. Il y a le football et on est très bons. On représente bien notre groupe », a cerné le colosse de six pieds cinq pouces et 256 livres. 

Louis-Philippe LadouceurLadouceur a récemment obtenu sa citoyenneté américaine, mais il demeure attaché à ses racines canadiennes. Quand il revient au Québec, l’hiver, pour visiter sa famille, il s’assurer d’enfiler ses patins et de prendre un bâton de hockey pour aller jouer à la patinoire du parc. Il apprend d’ailleurs ce sport à ses deux enfants et à sa femme. 

Ses deux enfants sont rendus assez grands pour conserver des souvenirs de sa carrière, sauf que Ladouceur n’aime pas discuter de retraite. Il tient à s’investir à fond dans son métier et se retirer quand il le jugera opportun. Toutefois, on l’imaginerait mal dans un autre uniforme. 

« Évidemment, les Cowboys, ça fait partie de mon âme maintenant. J’ai passé beaucoup temps avec la même organisation. On a de très bons joueurs et une belle camaraderie. C’est une équipe que j’aime beaucoup. Personnellement, je continue d’aborder les choses une année à la fois », a répondu Ladouceur qui a aussi salué la contribution de son entourage dans sa carrière. 

En 2015 ou 2016, une blessure sérieuse à un genou l’avait amené à réfléchir à son avenir, mais il a redoublé d’ardeur et il ne l’a pas regretté. Du yoga et une attention particulière à son alimentation ont contribué à sa longévité. 

« Quand j’ai le goût de continuer, je m’arrange pour être en mesure d’être au meilleur niveau », a précisé Ladouceur qui souhaite un retour en force des siens en 2021 alors que le quart-arrière Dak Prescott sera rétabli. Un Super Bowl serait plus que bienvenu alors qu’il aura 40 ans. 

« C’est vraiment la seule chose qui manque dans mon parcours. Ce serait la cerise sur le sundae de finir avec cette victoire », a conclu Ladouceur.