MIAMI – Directeur général des Colts d’Indianapolis depuis 2017, Chris Ballard a joué un rôle important dans la sélection, audacieuse et judicieuse, de Laurent Duvernay-Tardif par les Chiefs de Kansas City en 2014. Ballard a accepté de revisiter les coulisses peu explorées du repêchage de l’athlète québécois.

 

Avec tout ce qui a été raconté d’élogieux à l’endroit de Duvernay-Tardif, on a peu appris sur ce moment crucial de sa carrière qui lui a permis d’aboutir dans une organisation prête à investir en lui. À l’époque, Ballard agissait à titre de directeur du personnel des joueurs et il consacrait une grande partie de son temps à gérer les dossiers de recrutement.

 

Le repêchage s’était tenu le 8 mai, mais c’est véritablement en janvier, grâce à sa participation à la Classique Shrine Est-Ouest, que la candidature de LDT a commencé à faire son chemin dans le cercle plutôt fermé de la NFL.

 

Chris Ballard« Il n’était pas connu énormément avant ça, mais il s’est très bien débrouillé et c’est là qu’il s’est vraiment mis sur la map », s’est souvenu son agent et ami Sasha Ghavami qui s’était déplacé pour mesurer l’intérêt des recruteurs.

 

À l’époque, le refrain était le même chaque année au sujet des joueurs canadiens qui parvenaient à obtenir une invitation à un match de ce genre. « On les surveille, mais on ne sait jamais s’ils sont vraiment bons ou non avant de les voir sous nos yeux », avait reçu Ghavami comme portrait.

 

« C’est là qu’on a vraiment commencé à approfondir nos recherches sur lui », a confirmé Ballard qui a trouvé du temps dans son horaire pour cette entrevue téléphonique avec le RDS.ca puisque le sujet lui tenait à cœur.

 

Le joueur de ligne offensive québécois n’avait donc pas tardé à dissiper les doutes et il est tombé dans l’œil de plusieurs organisations si bien que neuf équipes de la NFL étaient représentées à son Pro Day incluant les Chiefs, les 49ers et les Eagles de Philadelphie.

 

Avant le repêchage, les Chiefs l’avaient invité à Kansas City et Ballard n’a pas oublié cette visite. Le dirigeant était accompagné d’un recruteur et d’un spécialiste des statistiques avancées pendant une rencontre avec lui. Duvernay-Tardif avait continué de gagner des points précieux à ce moment.

 

Une fois que le repêchage a pris son envol, les Chiefs auraient pu décider d’attendre la conclusion des rondes pour lui offrir un contrat sans investir un choix. Au contraire, ils ont plutôt réfléchi à une autre possibilité.

 

« Non, on ne voulait pas attendre après. On était excités de mettre la main sur lui (au 200e rang). En fait, on avait réfléchi à l’idée de le sélectionner plus tôt. On avait eu vent qu’il ne fallait plus attendre pour ne pas l’échapper. Finalement, on avait repêché Zach Fulton (un autre joueur de ligne offensive) et lui en sixième ronde », a dévoilé Ballard.

 

« Au final, quand on prend du recul, on constate que Chris Ballard a l’œil pour repérer le talent et pour le développement. Chris a aussi été l’un des premiers à s’intéresser de façon très sérieuse à Antony Auclair », a ajouté Ghavami.

 

La déduction logique aurait été de penser que l’influent entraîneur-chef Andy Reid, un spécialiste de la ligne offensive, avait eu un mot important à dire dans cette décision. Certes, il était en accord avec celle-ci, mais il n’a pas poussé outre mesure pour que ça se fasse.

 

« Coach Reid avait une grande confiance en notre travail, l’équipe du recrutement. Il faut dire que c’était difficile d’étudier Laurent sur des vidéos. La qualité n’était pas assez bonne tout comme le niveau de compétition auquel il était confronté. Coach Reid savait que notre choix allait cadrer dans ce qu'il recherche », a précisé Ballard.

 

Heureux d'avoir contribué à ce résultat

 

À posteriori, l’investissement sur Duvernay-Tardif a été extrêmement payant et bénéfique pour les Chiefs. Ça ne veut tout de même pas dire que Ballard et son entourage avaient décelé que l’Université McGill cachait un diamant de cette qualité.  

 

« Est-ce que j’aurais pu penser qu’il deviendrait aussi bon ? Non ! Mais, connaissant sa personnalité, son intelligence et ses habiletés physiques, on prévoyait qu’il pourrait devenir un partant. On était encore plus convaincus après avoir étudié son dossier en profondeur », a réagi Ballard.

 

À ne pas en douter, les facultés mentales de LDT ont rehaussé sa valeur.

 

« C’était énorme, crucial! Parce que Laurent, techniquement, avait du retard. Il ne pratiquait presque pas à McGill. Quand tu vois un joueur aussi brut, quand tu sais qu’il étudie en médecine, qu’il pratique une fois par semaine et qu’il joue quand même à ce niveau, tu dois t’imaginer ce qu’il pourrait faire s’il était encadré par des entraîneurs de la NFL », a commenté son agent.  

 

« Les joueurs intelligents trouvent le moyen de comprendre et de s’ajuster. On pouvait le sentir chez lui. Les deux choses claires à son sujet, il était très intelligent et il était tough. En plus, c’était un travaillant. Ça faisait trois facteurs déterminants en sa faveur. Il s’est taillé une place dans la formation des 53 joueurs dès sa saison recrue, mais il n’a pas été en uniforme pour aucun match. On savait qu’on ne voulait pas le perdre à une autre équipe parce qu’on avait décelé une partie de son potentiel », a soulevé Ballard.

 

D’ailleurs, Duvernay-Tardif avait commencé à ressentir de la frustration parce que ça ne progressait pas assez vite à son goût. Son souhait a été exaucé quand il a entamé la saison 2015 sur le terrain, mais il a été remplacé après le match contre les Packers (à la 3e semaine).

 

« Après quelques parties (trois pour être précis), Coach Reid a décidé de le renvoyer dans la mêlée. Il était prêt à vivre avec son rendement du moment parce qu’il combattait et qu’il se souciait de son travail et celui des autres. Il n’a jamais perdu sa place ensuite outre en raison des blessures », a exposé Ballard.

 

Quand on l’invite à se prononcer sur l’importance qu’il accorde à la sélection de Duvernay-Tardif parmi ses décisions dans la NFL, Ballard décrit le tout ainsi.

 

« Il faut donner beaucoup de crédit à tout le département de recrutement sans oublier Andy Heck, l’entraîneur de la ligne offensive, qui a été en mesure de le développer. C’est un travail d’équipe pour que ça fonctionne. Mais, au final, c’est l’une des décisions à laquelle je suis le plus fier d’avoir contribué », a-t-il conclu en levant du même coup son chapeau à Duvernay-Tardif.

 

Stopper la ligne défensive, le défi de LDT de sa bande