Ça fait maintenant quelques années que les équipes finalistes bénéficient de deux semaines de congé avant le Super Bowl. Ils en profitent pour se reposer un et se préparer. La première semaine de congé est très importante pour les Patriots de la Nouvelle-Angleterre et les Rams de Los Angeles car une bonne partie de l’élaboration du plan de match s’effectue lors de celle-ci. Aussi, en parallèle, les joueurs et entraîneurs jouent un peu le rôle d’agent de voyage. Ils distribuent les billets de match aux membres de leur entourage, planifient l’hébergement et tout ce genre de logistique. Ils doivent régler tout ça le plus tôt possible pour qu’au moment où on embarque dans l’avion pour aller à Atlanta, il n’y ait plus aucune distraction. Il faut se concentrer sur le match et sa préparation. Ce n’est pas une semaine comme les autres à Atlanta. Tout le monde est beaucoup sollicité par les médias et la routine est un peu changée.

Ensuite, c’est le temps de passer aux choses sérieuses lors du grand jour, le 3 février prochain.

Une semaine « viande-patates »

Cette semaine, c’est la semaine « viande-patates ». Chaque équipe a sa façon de faire particulière. Après avoir étudié l’adversaire, tu installes les grands principes de ton plan de match et tu planifies les choses que tu dois absolument être capable de faire pour avoir une chance de gagner le match. Tu te concentres peut-être un peu plus sur les jeux que tu veux utiliser en premier ou en deuxième essai, mais ce n’est pas encore à point. Quand arrive la deuxième semaine, tu connais déjà les grandes lignes, mais là, c’est le temps de peaufiner et de terminer le plan de match. Tu te concentres sur des situations particulières, les jeux que tu veux utiliser dans la zone payante, les jeux que tu veux utiliser en troisième essai, en quatrième essai ou à la porte des buts. Tu penses aussi aux jeux que tu veux utiliser si tu as besoin d’une transformation de deux points et aux jeux truqués. D’ailleurs, on ne devrait pas être surpris de voir quelques jeux truqués au Super Bowl LIII car ces deux équipes ne sont pas gênées d’en essayer. Tu dois profiter au maximum du temps alloué.

À la recherche d’indices

Oui, cette semaine supplémentaire te permet d’étudier ton adversaire, mais elle te permet surtout de déceler des tendances et des indices pour deviner ce qui s’en vient. C’est drôlement important parce que des fois, ça ne prend pas grand-chose. Ça prend juste un petit indice, un joueur qui se compromet un peu et vend la mèche parce qu’il est paresseux dans sa technique ou dans la façon qu’il se positionne. 

Ça te permet également de t’autoévaluer toi-même. Si l’adversaire a des tendances, il y a de fortes chances que tu en aies toi aussi. Il faut casser ces tendances, éviter de donner des indices. L’adversaire aussi aura étudié tous tes matchs, il te connaît, il va avoir des rapports informatiques. C’est le souci du détail qui vient faire la différence.

Souvent, les tendances se développent selon l’emplacement sur le terrain, le nombre d’essais, la situation, etc. Il faut dresser un portrait de son adversaire à ce niveau. Par exemple, en milieu de terrain en deuxième essai et 10, voici les jeux qu’ils préfèrent faire. Quand les joueurs sont alignés de telle manière, voici les jeux qu’ils aiment faire ou leurs techniques favorites.

Et dans la dernière couche de détails, il faut analyser comment un joueur place habituellement ses pieds, quelle main il pose au sol, quelle est sa distance par rapport à la ligne d’engagement, si son poids est placé vers les orteils ou sur les talons. Il faut étudier le langage corporel. Dans un monde idéal au football, peu importe le jeu, les joueurs devraient commencer avec une position neutre et constante, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Selon la stratégie, peut-être qu’un joueur, pour être plus à l’aise et pour se déplacer de la façon qu’on lui demande, va changer un peu sa position de départ et son jeu de pieds.

C’est intéressant et quand même surprenant, mais dans les dernières semaines, on en a vu des exemples.

Après leur victoire sur les Ravens de Baltimore, des joueurs en défense des Chargers de Los Angeles ont dit ouvertement aux médias qu’ils savaient ce que leurs rivaux allaient faire. On avait constaté qu’un des joueurs de ligne à l’attaque se trahissait par la position de ses pieds. Ses pieds indiquaient à 100 % ce qui allait arriver. Quand il a les pieds un peu décalés, c’est une passe, et quand les pieds sont sensiblement en parallèle, c’est un jeu au sol. Ça devient une clé importante. Tu travailles tellement fort pour surprendre l’adversaire, mais c’est ce genre de détail qui vend le jeu. Il y a des entraîneurs au sein de l’équipe dont le mandat est précisément d’analyser ce genre de choses, de trouver des clés, des indices. Quand ça devient récurrent dans 100 % des cas, il ne faut pas se compliquer la vie, c’est pas mal plus facile d’anticiper les stratégies.

Également, après leur victoire face aux Cowboys de Dallas, des joueurs de la ligne à l’attaque des Rams de Los Angeles ont dit que de par l’alignement de la ligne défensive des Cowboys et des plaqueurs, on pouvait savoir presque à 100 % quelle stratégie ils allaient utiliser. C’était donc plus facile pour eux de les contrer. Force est d’admettre qu’ils doivent avoir raison car ils ont été capables d’aller chercher 273 verges au sol, leur meilleure production de l’année.

C’est pour ça qu’on dit que l’autoévaluation, c’est tellement important. C’est déjà assez dur de gagner un match de football et de réaliser un jeu que tu ne veux pas donner d’indice pour aider l’équipe adverse en plus. En tout cas, ça ne paraît pas bien pour les joueurs et le groupe d’entraîneurs de ces deux équipes perdantes quand tu entends dire ça. Ça veut dire que tu n’as pas fait ton boulot, que tu n’as pas cassé tes tendances. 

Flouer l’adversaire

À l’inverse, quand on parle de casser des tendances, on a aussi eu de beaux exemples de réussites.

Pendant la saison régulière, les Rams ont rarement couru quand Jared Goff était en position shotgun. Donc comment les Cowboys ont-ils réagi quand ils ont vu les Rams s’installer en formation shotgun en demi-finale d'association? Ils ont joué avec deux maraudeurs dans les zones profondes pour éviter les jeux de passe, et même que les secondeurs étaient déjà en train de reculer parce qu’ils anticipaient une passe quand le ballon a levé. Mais en fin de compte, les Rams ont couru et ont surpris l'opposition. Les Rams ont bien cerné leurs propres tendances.

Le Mercedes-Benz Stadium d'AtlantaLes Patriots aussi l’ont fait contre les Chiefs la semaine passée. En situation de troisième essai et environ 5 verges, on a vu James White à quelques reprises cette saison, et souvent en troisième et 5, les Pats font des jeux de passe. En plus, quand  White est sur le terrain, on fait aussi une passe 80 % du temps. Donc en l’embarquant sur le terrain en troisième et 5 dimanche dernier, les Chiefs s’attendaient à une passe, mais on a plutôt décidé de courir à quelques reprises et ça a fonctionné.

Aussi, quand on parle de détails, il faut vérifier contre qui l’adversaire a eu des difficultés. C’est certain que les Patriots vont se demander ce que les Bears de Chicago (semaine 14) et les Eagles de Philadelphie (semaine 15) ont fait pour réussir à battre coup sur coup les Rams. Goff a été victime d’interceptions lors de ces matchs, qu’est-ce qui s’est passé? Je comprends que les Bears ont une défense assez spectaculaire, mais quand même. Ce qui pourrait aussi être intéressant pour les Pats, et qu'ils feront sûrement, c’est aller voir ce que les Lions de Detroit ont fait face aux Rams lors de la semaine 13 même si ces derniers ont gagné. L’entraîneur-chef des Lions est Matt Patricia, l’ancien coordonnateur offensif des Pats. Dans ce match, les Rams avaient seulement marqué 17 points au moment où il restait 8 minutes au match, c’était super serré. Ils avaient été menottés pas mal tout le match, mais heureusement, il y a eu un gros jeu d’Aaron Donald qui a provoqué l’échappé de Matt Stafford récupéré par les Rams, mais ensuite la chaîne a débarqué pour les Lions et les Rams ont marqué deux touchés. Ils l’ont techniquement emporté facilement quand on regarde le pointage, mais pourtant, les Lions leur ont donnés des ennuis. Si Matt Patricia est un ancien discipline de Bill Belichick, est-ce que Belichick va faire le même genre d’affaires?

C’est clair que quand tu vas arriver au Super Bowl, il va y en avoir des nouveautés, mais à un moment donné, tu ne peux pas non plus changer tout ton système de jeu. Tu dois te fier sur ce qui t’a mené au Super Bowl. Tu ne veux pas arriver sur le banc après une série de jeux et te dire : « eh boy je ne l’avais pas vu venir celle-là ». Ce n’est pas un bon feeling au football.

Même les arbitres sont scrutés à la loupe

Il faut même étudier tous les arbitres et leurs tendances. Tu veux savoir jusqu’où tu peux pousser la note avec eux, sur quoi ils sont moins stricts et sur quoi ils lancent toujours le mouchoir. Aucun détail n’est laissé au hasard.

Et fait à noter, je ne sais pas si c’est vraiment une bonne nouvelle pour les Rams, mais l’arbitre en chef du Super Bowl sera John Parry. Depuis 2008, quand il arbitre un match des Rams, ces derniers ont un dossier de 7-0. Est-ce un hasard? C’est quand même encourageant si tu es un partisan des Rams... En plus, il était en poste lors de la seule défaite des Pats contre les Steelers de Pittsburgh cette année. Dans ce match, les Pats avaient été punis 14 fois, le plus grand nombre de pénalités dans un de leurs matchs cette année. Si vous êtes un amateur des Pats, ce n’est pas tout à fait rassurant. Bref, les Rams n’ont jamais perdu avec lui comme arbitre en chef et les Pats ont connu leur pire journée d’indiscipline avec lui.

Par contre, il faut préciser que Parry va s’amener sans son équipe d’arbitres habituelle. D’ailleurs, je ne trouve pas que ça ait du sens que la NFL décide de faire en quelque sorte une équipe étoile d’officiels et j’ai de la misère à me l’expliquer. Je comprends que c’est une sorte de récompense, que ce sont eux qui ont reçu les meilleures évaluations dans leur bulletin, mais en même temps, c’est complexe quand on connaît l’importance de ce match ultime. Surtout avec le fiasco de la semaine passée à La Nouvelle-Orléans… C’est une politique qu’on devrait peut-être revoir du côté de la NFL. L’arbitrage, c’est un travail d’équipe. On travaille ensemble toute l’année, on communique, on voit les mêmes affaires, on peut se parler dans le blanc des yeux. Quand tu es habitué de travailler avec les mêmes individus, c’est plus facile d’aller voir son chum et de lui dire s’il a fait une erreur. Aussi, ton collègue se sent peut-être moins gêné de lancer le mouchoir à la place d’un autre pour compenser ou réparer une erreur. Est-ce que c’est ce qui arrivé la semaine passée dans la rencontre entre les Saints et les Rams? Clairement, il y a un arbitre qui a figé sur la pénalité pourtant flagrante qui aurait dû être appelée contre L.A. Quelqu’un aurait dû prendre la relève et lancer le mouchoir. Est-ce arrivé parce qu’ils ne sont pas habitués de travailler ensemble et qu’on n’a pas osé? Ce n’est pas normal. Ça aurait plus de sens de récompenser les meilleures équipes d’arbitre, mais bon, il y a des gens dans la NFL qui sont grassement payés pour penser à ça.

* Propos recueillis par le RDS.ca