MONTRÉAL – À 27 ans, Andy Mulumba a vu les portes de la NFL se refermer devant lui et il n’avait pas encaissé les millions pour pouvoir se prélasser. Quatre ans plus tard, il permet à des gens défavorisés d’ouvrir les portes de leur nouvelle maison, bâtie de plastique recyclé, en République démocratique du Congo.

 

Mulumba a appris à redoubler d’ardeur à un jeune âge. À 12 ans, en 2002, il a quitté la République démocratique du Congo avec sa famille et il s'est familiarisé avec le Québec notamment en découvrant l’univers du football dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

 

Mais, justement, le football avait presque pris toute la place dans sa tête pendant près de 15 ans. Sa deuxième carrière impliquait pourtant un retour à l’école et ce chemin lui semblait impossible tellement sa confiance était à zéro.

 

« C'était difficile au début. Je me demandais si c'était quelque chose pour moi. Je n'avais aucune confiance à ma façon de penser et mon cerveau ne fonctionnait pas comme avant », a avoué Mulumba dans une généreuse entrevue avec le RDS.ca.

 

« Sauf que c’était un gros défi que je voulais surmonter pour que je puisse rivaliser avec les autres dans le monde des affaires », a-t-il ajouté.

 

Le retour à l'école d'Andy Mulumba

Sa détermination a été payante puisque Mulumba a complété un MBA en Finance et il a été sélectionné dans un programme lui permettant de se familiariser avec les différentes sphères de ce milieu.

 

L’homme de 31 ans ne veut pas embellir le portrait. Il reconnaît qu’il a dû se relever d’obstacles plus imposants qu’un bloc sans pitié d’un joueur de ligne offensive dans NFL.

 

« J'ai eu des journées difficiles après avoir remis les papiers officiels de ma retraite. J'étais très émotif, mais je ne l'ai pas démontré. Je voulais passer directement à autre chose et je ne voulais pas penser au football. Chaque fois que j’y pensais, je traversais des passages moins faciles. Il y a eu des moments durant lesquels j'ai dû les appeler pour un peu d'aide mentale », a confié Mulumba.

 

L’ancien secondeur parle ici de l’entourage qui l’a appuyé dans le programme académique Trust qui est financé par l’Association des joueurs de la NFL.

 

Andy Mulumba« Ils aident beaucoup du côté de la santé mentale. Ce sont de très bonnes ressources, ils peuvent aider les joueurs qui ne savent pas où aller et par où commencer. J'étais comme ça au début. Je voulais tout faire par moi-même pour montrer que j’étais capable d’y arriver sans l'aide d'une organisation. Mais ça devenait très difficile, j'ai dû me tourner vers eux et j'ai dû montrer de la vulnérabilité. Je suis très reconnaissant de leur support », a confié Mulumba qui est désormais cité en exemple par ce programme pour inspirer d’autres jeunes retraités.

 

Ce programme a défrayé une partie des coûts de ses études et il peut, par exemple, obtenir son soutien afin d’organiser de camps de football auprès des jeunes.

 

D’ailleurs, Mulumba aurait pu faire comme bien de ses anciens coéquipiers et se diriger vers l’entraînement ou le coaching au lieu de redevenir étudiant.

 

« C'est peut-être cliché, mais j’ai l’impression que tout le monde pense ça des joueurs et je ne voulais pas qu’on me dicte quoi faire. Des dirigeants m'ont posé cette question en entrevue. Mais je me disais ‘Pourquoi je ne pourrais paver mon propre chemin ?’ », a réagi le produit des Spartiates du Vieux-Montréal et des Archers d’Hochelaga-Maisonneuve.

 

« J'ai essayé de coacher dans une école secondaire un an après ma retraite. Mais c’était un peu difficile, je savais que je n'avais pas fait la paix avec ma retraite. Je mettais mes propres attentes sur les jeunes du secondaire. Ce n'était pas juste pour eux et je l’ai compris. Quand la passion reviendra, peut-être que j'y retournerai », a-t-il noté.

 

Cette fameuse paix mentale, Mulumba a cru qu’elle était arrivée par magie en accrochant ses crampons.

 

« Je pensais que j’avais fait la paix deux semaines après ma retraite, mais c'était juste pour éliminer mes sentiments envers le sport », a-t-il admis, un peu gêné d’être tombé dans ce piège.

 

« C’est plus arrivé trois ans plus tard. Quand j’ai fini ma maîtrise (en mai 2020), j’ai eu quelques mois pour réfléchir. C’est là que je suis devenu à l’aise avec l’idée que ça valait mieux de passer à autre chose tout en étant reconnaissant envers les gens qui m’ont aidé durant mon parcours », a prononcé celui qui habite à Los Angeles.

 

Une économie circulaire via des maisons en plastique recyclé 

 

Mulumba aurait pu s’arrêter à relancer son parcours académique pour se dénicher un poste intéressant. Il a plutôt décidé de s’impliquer dans un inspirant projet « d’équipe » incluant son père et son grand frère.

 

Dans son pays natal, l’eau potable ne se rend pas partout si bien que la population doit beaucoup se fier sur les bouteilles d’eau pour s’abreuver. Le concept consiste donc à récupérer ces bouteilles, les remplir de sable et s’en servir – un peu comme de petites briques - pour construire des maisons.

 

« On évalue les meilleures options pour créer une économie circulaire. On veut autant aider les gens à trouver du travail (en bâtissant les maisons), à trouver des maisons pour supporter la grosse augmentation de la population, en plus de promouvoir l'innovation technologique et faire face aux changements climatiques », a témoigné Mulumba alors que chaque maison construite pourrait créer de cinq à dix emplois.

 

« Ce n'est pas une entreprise qui est à but non-lucratif, mais c'est une entreprise sociale. Oui, on veut faire du profit à long terme, mais d'une façon qui aide les gens dans le pays », a enchaîné celui qui vient d’une famille de six enfants.

 

Si Mulumba est fier de ce projet, il ne veut prendre aucun crédit pour celui-ci étant donné que plusieurs personnes le font avancer.

 

Cela dit, il est heureux de constater que d’anciens coéquipiers à l’Université Eastern Michigan veulent se joindre au projet tout comme des collègues de son MBA.

 

Quelques bons amis des Packers de Green Bay l’aideront en lui faisant parvenir des chandails autographiés qui seront mis à l’encan prochainement. 

 

La NFL rend humble, la relève québécoise l'enchante

 

Andy MulumbaMulumba a donc conservé des « liens pour la vie » avec ses amis du football. Ainsi, ça le réjouit de voir une relève québécoise florissante et il a un faible pour Benjamin St-Juste.

 

« C’est un joueur défensif et il vient du Vieux-Montréal. C'est clair que c'est dans la famille, a-t-il dit en souriant. Il est un très bon exemple pour les jeunes et j’ai vraiment hâte de voir ce qu’il fera pour sa première saison.»

 

Quant à son bilan sportif, il aurait aimé que sa carrière se prolonge de quelques années, mais le football a été trop bénéfique dans sa vie pour qu’il éprouve des regrets.

 

« Ça m'a donné une humilité parce que, dans la NFL, tout le monde est bon!  Je suis vraiment reconnaissant de ça et j'essaie de continuer à l'appliquer dans ma vie », a exprimé l’athlète dont l’ascension a été freinée par une déchirure ligamentaire à un genou.

 

« Je suis quand même fier de ce que j'ai accompli. J'imagine que c’était destiné ainsi pour que je puisse l’utiliser comme une petite histoire d'inspiration pour accomplir d'autres choses », a habilement visé Mulumba.

 

Ainsi, sa plus grande fierté réside ailleurs.

 

« Les réseaux sociaux, ça ne montre pas toutes les embûches de ma transition. Mais c’était une recherche en moi, je ne savais pas qui j’étais après le football. J’aimerais que les gens se souviennent de moi parce que j’ai fait des choses qui peuvent avoir un impact sur les autres », a conclu Mulumba qui s’est recyclé de manière inspirante.

Le football, « une des meilleures choses qui m'est arrivée »
« Beaucoup de ressources peuvent supporter les joueurs »