MONTRÉAL – La folie autour de Gardner Minshew a frappé de plein fouet la NFL cette saison. Derrière cet athlète fascinant et fort brillant se cache un entraîneur qui a raffiné son art avec les Alouettes de Montréal, Scott Milanovich.

 

Arrivé avec les Alouettes en 2007 en tant que responsables des quarts, il a ensuite développé, de 2008 à 2011, son expertise sous les ordres de Marc Trestman qui en a fait son coordonnateur offensif.

 

Avec ses deux bagues de la coupe Grey aux couleurs des Alouettes, Milanovich a attiré l’œil des Argonauts de Toronto qui ont lui confié le poste d’entraîneur-chef. Il a mené les Argos au championnat en 2012 et c’est en 2017 que la porte de la NFL, à titre d’entraîneur, s’est ouverte pour lui quand les Jaguars l’ont embauché.

 

On précise comme entraîneur puisque Milanovich a gravité dans la NFL de 1996 à 1999 comme joueur avec les Buccaneers de Tampa Bay. Il partage d’ailleurs un point en commun avec Minshew car il a été lancé dans la mêlée dès son année recrue.

 

Milanovich n’avait toutefois le génie – ni de son style moustachu et anachronique – de la sensation des Jags sur le terrain. Là où il excelle, c’est pour encadrer des quarts-arrières et il a eu du pain sur la planche en devant préparer Blake Bortles, Nick Foles et Minshew depuis son ascension.

 

« Ces trois athlètes sont très intelligents et ils assimilent les informations très vite. Bien sûr, Blake et Nick sont des vétérans donc c’était plus facile pour eux de le faire », a confié Milanovich, au RDS.ca, avant d’enchaîner sur Minshew.

 

« Quant à Gardner, c’est un jeune très brillant, il a excellé au test (d’intelligence) Wonderlic et ce n’est pas donné à tout le monde. Bref, il est une recrue, mais ce n’est pas l’impression que j’avais pendant nos réunions. Il a appris de manière fascinante, il donne l’impression d’être un vieux de la vieille. Ça tombe bien parce que ça se transpose sur le terrain, il joue de cette façon », a vanté l’entraîneur.

 

Repêché en sixième ronde, Minshew ne suscitait pas autant d’intérêt à ce moment. Milanovich refuse cependant de prétendre qu’il est surpris par son rendement sensationnel en relève à Foles.

 

« Je n’irais pas jusqu’à dire surpris parce qu’il a connu de très bons moments durant les matchs préparatoires. En fait, c’est à ce moment que j’ai été le plus épaté. Je ne croyais pas qu’il allait s’adapter aussi vite. C’est vrai qu’il n’a pas complété de passe de touché, mais il était très impressionnant dans les entraînements et ça explique la chance qu’il obtient présentement. Bien sûr, on ne sait jamais comment un athlète va réagir quand il sera lancé dans l’action, mais je pouvais voir dans ses yeux que l’ampleur du moment ne l’intimidait pas lorsque Nick s’est blessé », a expliqué celui qui parvient encore à suivre l’actualité de la LCF.

 

Son baptême de la NFL est survenu lors de la première semaine face aux Chiefs de Kansas City. Il a offert tout un spectacle même si le plan de match avait évidemment été élaboré pour Foles.

 

« C’était remarquable parce qu’il n’avait pas obtenu de répétitions avec la première unité durant la semaine d’entraînement. Nick et lui sont en mesure de très bien sentir le match, de voir ce que la défense leur donne et d’improviser quand c’est nécessaire, ils se ressemblent beaucoup là-dessus », a révélé Milanovich.

 

Au premier regard, on s’imagine que Minshew est un personnage. Pourtant, c’est tout le contraire si bien que Milanovich ne craint pas de devoir dégonfler sa « balloune ».

 

« C’est plus difficile à saisir quand tu ne le côtoies pas tous les jours, mais il n’est pas un comédien. Il est fidèle à l’image qu’il projette. Il est bien dans sa peau, il s’amuse et tout le monde l’adore. C’est l’une des choses qui était attirante à nos yeux quand on l’a rencontré au Combine. Il a une personnalité magnétique, les joueurs gravitent autour de lui et il est humble. Je ne crois pas qu’il va changer même s’il continue de jouer comme ça pendant les 15 prochaines années! », a exposé son supérieur immédiat.

 

Hommage à Tony Dungy et Marc TrestmanScott Milanovich et Marc Trestman

 

Les mentors sont cruciaux dans le monde du football. Milanovich n’est pas à plaindre de ce côté puisqu’il a pu se fier sur Trestman et Tony Dungy pour forger son identité et ses connaissances.

 

« Je pensais, en quelque sorte, que je détenais toutes les réponses sur les concepts, les X et O, quand j’ai été embauché par Marc vu que j’étais entraîneur depuis quelques années, mais ce n’était pas le cas. Mieux encore, Marc m’a appris comment me préparer au niveau des détails, comment se comporter comme entraîneur-chef, comment gérer des adjoints, comment bâtir un personnel d’entraîneurs, comment définir l’identité d’un club, identifier les caractères qui sont cruciaux dans un groupe... Toutes des choses auxquelles tu n’as pas à songer quand tu es un jeune entraîneur qui supervise les quarts, je dois tellement le remercier pour tout ça », a admis Milanovich avec humilité.

 

La transition dans la NFL n’a donc pas été si brutale pour lui.  

 

« Il faut savoir qu’on déployait une attaque avec un style de la NFL à Montréal et le système était basé sur les acquis de Marc pendant des années et des années dans la NFL. Quand je suis arrivé comme entraîneur-chef à Toronto, j’ai adopté la même approche en mettant le tout à ma main », a pointé pour expliquer le tout celui qui parle encore régulièrement avec Orlando Steinauer, Mike O’Shea, Jason Maas notamment.

 

« Scott était un entraîneur avec un grand potentiel et il a trimé dur pour mériter une opportunité dans la NFL. Il a su apprendre sous Marc Trestman et se prouver par la suite en remportant à son tour la coupe Grey avec les Argos. Parvenir à accomplir autant en si peu de temps, chapeau Scott ! », a lancé Luc Brodeur-Jourdain qui l’a côtoyé à Montréal.

 

La NFL et la LCF demeurent tout de même deux planètes distinctes, mais l’entraîneur de 46 ans remarque plutôt les similitudes.

 

« Pour être franc, ce n’est pas si différent. Bien des choses se transposent au niveau des concepts, des tracés pour la passe, des enseignements prodigués aux quarts et des qualités recherchées chez un quart-arrière. Le contexte ne se compare pas financièrement et surtout pour certains joueurs. Je pense à Nick Foles qui touche autour de 20 millions par année. Oui, il y a plus d’argent impliqué, mais les personnalités se ressemblent, ce sont des athlètes qui adorent la compétition. »

 

Milanovich a quitté la NFL, en tant que joueur en 1999, mais il a façonné son style à partir des enseignements de son entraîneur avec les Bucs, l’illustre Tony Dungy.

 

« C’est l’élément que je retiens le plus. Je suis chanceux d’avoir eu cette occasion. J’ai aussi observé le grand revirement effectué par l’équipe, on est passé de l’une des pires formations de la NFL (en 1996) à une victoire d’accéder au Super Bowl (en 1999) quand on a perdu face aux Rams. Ce sont des souvenirs précieux à mes yeux », a évoqué l’entraîneur qui a tenu à créer une disponibilité dans son horaire pour cette entrevue.

 

Scott MilanovichOfficiellement, Milanovich n’aura foulé le terrain que durant un match. Il peut se consoler en se disant qu’il a complété deux de ses trois passes.

 

« Je m’en souviens très bien. Je crois que c’était la deuxième partie de mon année recrue (c’est exact). J’étais le troisième quart et les deux autres (Trent Dilfer et Casey Weldon) ont été blessés. Je me suis retrouvé sur le terrain en me disant ‘Ayoye, ce n’est que mon deuxième match, je vais jouer une tonne de football au cours de ma carrière. Finalement, je n’ai jamais rejoué, pas même un autre jeu. C’était contre les Lions de Detroit », s’est rappelé Milanovich avec plaisir.

 

Il s’imaginait jouer davantage dans la NFL, mais il savait depuis longtemps qu’il finirait sur les lignes de côté.

 

« Mon père était entraîneur au niveau secondaire quand j’étais jeune donc j’avais une très bonne idée, dès mon enfance, que j’allais finir par suivre cette avenue », a conclu qui est heureux de voir les Alouettes gagner plus souvent, mais autant qu’à son époque avec le club.