MONTRÉAL - Ben Roethlisberger et les Steelers de Pittsburgh sont toujours invaincus cette saison.

 

Après avoir vu les Jaguars prendre les devants 3-0, dimanche, à Jacksonville, Big Ben et son club se sont ressaisis : ils ont enfilé 27 points sans réplique dans un gain de 27-3 qui a gonflé à 10-0 la fiche des Steelers.

 

Vrai que les Jaguars (1-9) n’ont rien d’un grand club. Vrai aussi qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Mais après un début de match un brin hésitant, Big Ben a finalement complété 32 des 46 passes qu’il a tentées. Il a ajouté deux passes de touché aux 22 qu’ils revendiquaient après neuf matchs.

 

Malgré ses 38 ans bien comptés, malgré la blessure au coude qui l’a contraint à ne disputer que deux matchs l’an dernier, une blessure qui a sérieusement mis sa carrière en péril, une blessure qui laissait planer le pire en vue de la saison en cours, Ben Roethlisberger est en voie de réaliser le retour de l’année dans la NFL.

 

Dans une ligue où les quarts-arrière sont de plus en plus jeunes, de plus en plus mobiles et de plus en plus athlétiques, « Big Ben » affiche sa forme d’antan. Il affiche des statistiques qui le placent au sein de l’élite de la Ligue.

 

Son âge et sa stature de joueur de ligne – il mesure toujours 6’5’’ et a baissé son poids autour des 235 livres – ne lui permettent pas de voler sur le terrain comme peut le faire Patrick Mahomes l’as « QB » des Chiefs de Kansas City. Mais Big Ben domine ses adversaires avec la même aisance qui lui a permis d’offrir aux partisans des Steelers les cinquième et sixième Super Bowl de l’histoire de la franchise en 2005 et 2008.

 

« Ben carbure à la victoire. Aider les Steelers à gagner, c’est tout ce qui l’intéresse dans la vie. Et il est prêt à tout pour y arriver. »

 

Cette affirmation, Lorne Goldenberg la lance avec une conviction qui n’a d’égal que la fierté qu’il affiche à l’endroit de son client. De son seul client.

 

Le nom de Lorne Goldenberg titille votre mémoire? C’est normal. Car c’est à ce grand spécialiste originaire d’Ottawa que Jacques Martin a confié la tâche de mettre en forme les joueurs du Canadien de Montréal lorsqu’il a été embauché à titre d’entraîneur-chef du Tricolore en 2009.

 

Du gym du CH à celui de « Big Ben »

 

Comment diable Lorne Goldenberg est passé du gymnase du Canadien de Montréal au gym personnel de Ben Roethlisberger?Lorne Goldenberg

 

« Après mon passage à Montréal, j’ai rejoint Gary Roberts avec qui je travaillais dans la mise en forme de joueurs de la LNH et dans le développement du hockey chez les jeunes. On s’est établi à Pittsburgh où nous supervisions le développement de plus de 400 jeunes dans le hockey mineur. Nous avions beaucoup de succès. Un jour, j’ai reçu un appel de Ryan Tollner, l’agent de Ben. On a parlé plusieurs fois au téléphone. Il voulait tout savoir de mes techniques d’entraînement, sur ma philosophie d’entraînement, sur mes principes de nutrition. Je sais qu’il a parlé à bien du monde avec qui j’avais travaillé dans le passé. Après quelques semaines " d’enquêtes ", il m’a dit : " Ben veut te rencontrer ". Ben savait qu’il devait modifier ses habitudes d’entraînement pour composer avec les années qui passaient. On s’est compris. On s’est associés. Je suis passé de 400 clients amateurs et à des dizaines d’autres dans les rangs professionnels à un seul. Et nous voici cinq ans plus tard avec une fiche parfaite », défile Lorne Goldenberg.

 

Plus que la fiche parfaite des Steelers, c’est la forme affichée par son poulain et le fait qu’il soit en mesure de faire mentir tous ceux – et ils étaient nombreux – qui croyaient que Big Ben deviendrait bien petit qui satisfont le plus Lorne Goldenberg.

 

En quoi consiste l’entraînement de ce quart-arrière qui est déjà une grande force de la nature?

 

Goldenberg demeure discret. Son client est un homme très réservé. Il n’aime pas que les médias s’intéressent trop à lui. Surtout dans son gym personnel. Big Ben a d’ailleurs dû donner son feu vert afin que Goldenberg puisse répondre aux questions de RDS.

 

« Je n’ai pas à m’occuper de la force de Ben. C’est acquis. C’est en lui. Il est encore capable de tenir le ballon d’une main et de chasser un joueur de ligne défensive de l’autre. Vous ne verrez donc jamais Ben pousser de la fonte au « bench press ». Ce serait contre-productif, car ce ne serait pas bon pour ses épaules, pour ses coudes, pour ses poignets. On travaille beaucoup plus sur la forme, sur la flexibilité sur les manières de s’assurer qu’un gars aussi imposant puisse maintenir son aisance sur le terrain. J’utilise donc beaucoup de ballons et d’équipements qui permettent de vraiment travailler les aspects qui nous préoccupent Ben et moi. »

 

Combien d’heures passe Big Ben dans le gym?

 

Cette question est suivie d’un long silence. Un silence qui est finalement brisé par une réponse évasive. « Disons qu’il passe le temps nécessaire. C’est tout ce que je vais dire sur ça. »

 

Grand apôtre du repos, surtout lorsqu’il est question de maintenir la forme de joueurs plus âgés ou plus sollicités, Lorne Goldenberg a toujours poussé ses « patrons » à préconiser les congés. Il a été l’un des premiers à remettre en cause les entraînements matinaux sur la patinoire chez le Canadien. Il a toujours aimé conseiller à ses « coachs » d’éviter les entraînements trop intensifs pour plutôt favoriser les étirements bien plus bénéfiques.

 

« Je n’ai pas changé », confirme Goldenberg.

 

Il est donc clair que Roethlisberger ne passe pas ses journées dans le gym. Mais qu’il y maximise les bénéfices des exercices que lui propose son entraîneur personnel.

 

Recette secrète

 

Quand on lui demande s’il peut être qualifié de grand responsable de ce retour impressionnant de Roethlisberger, Lorne Goldenberg rit un peu. « C’est surtout un grand travail d’équipe. »

 

Une équipe formée du personnel médical et des entraîneurs à l’emploi des Steelers. Sans oublier les acteurs directement impliqués sur le terrain : l’entraîneur-chef Mike Tomlin, le coordonnateur offensif, Randy Fichtner, les joueurs de lignes qui protègent Big Ben et les receveurs qui captent ses passes dont le jeune Canadien Chase Claypool qui a effectué quatre réceptions dimanche, dont l’une pour un touché. Sa huitième passe de touché en 10 matchs cette saison. Et que dire de la brigade défensive des Steelers. La meilleure de la NFL avec les 174 points seulement qu’elle a accordés jusqu’ici cette saison. Une défensive qui permet aux Steelers de présenter un différentiel de plus 124 après 10 matchs. Le meilleur de la Ligue.

 

« Je ne suis pas un employé des Steelers. Je travaille pour Ben. J’ai complété ma semaine de travail samedi matin avant qu’il ne quitte pour Jacksonville. Je vais reprendre le boulot lundi matin. Ce sera une semaine cruciale puisque nous jouons – contre Baltimore – dès jeudi. Il sera encore plus important cette semaine de bien doser le repos pour nous assurer qu’il soit au sommet de sa forme face aux Ravens », a ajouté Goldenberg qui profite de l’entière collaboration des « trainers » des Steelers qui sont loin de le voir comme un voleur de job.

 

« La NFL est la plus grosse ligue professionnelle au monde. Rien n’est laissé au hasard. Et les équipes ne reculent devant aucune dépense pour maximiser les chances de victoire. Les médecins, les thérapeutes et les " trainers " de Steelers me connaissent. On travaille ensemble pour nous assurer que Ben soit le plus en forme et le plus en santé possible. Nous sommes des complices et non des adversaires », assure Goldenberg.

 

« Mais le plus grand responsable de ce grand retour de Ben est Ben lui-même. Je n’ai jamais travaillé avec un gars aussi impliqué dans toutes les décisions qui sont prises et qui dictent son quotidien. Que ce soit dans le cadre de l’entraînement, de l’alimentation, du repos. Tout ce qu’il décide est décidé en fonction des Steelers et de la victoire. Et une fois que les décisions sont prises, c’est lui qui prend tous les moyens pour les respecter. Tout le crédit lui revient. Il m’impressionne tellement. »

 

Prudence face à la Covid-19

 

C’est chez lui et non dans l’un des nombreux points de rencontre des partisans des Steelers que Lorne Goldenberg a suivi les performances de son client dimanche. Pourquoi se priver de l’effervescence qui secoue Pittsburgh lorsque les Steelers sont sur le terrain?

 

En raison de la Covid-19!

 

« Les cas fluctuent à la hausse dans la grande région de Pittsburgh. Ce n’est pas hors de contrôle, mais c’est très préoccupant. La NFL impose les règles strictes et nous devons vraiment prendre tous les moyens pour éviter les éclosions. Je suis en contact quotidien avec le joueur le plus important de l’équipe alors je ne peux courir aucun risque. »

 

Big Ben et les Steelers ont d’ailleurs eu à composer avec la Covid-19 plus tôt cette saison. l’entraîneur-chef Mike Tomlin et les Steelers ont écopé d’amendes de 100 000 $ et de 350 000 $ parce que le coach s’est retrouvé à visage découvert le long des lignes de côté lors du premier duel de l’année face aux Ravens, leurs prochains adversaires, jeudi, au Heinz Field à Pittsburgh.

 

Après une carrière passée près des patinoires, Lorne Goldenberge se retrouve là où il a toujours voulu être : près du terrain de football.

 

« J’ai toujours dit à mes proches que j’étais un gars de football prisonnier du hockey. C’est au foot que j’ai joué quand j’étais jeune bien plus qu’au hockey. Quand je travaillais pour le Canadien, j’étais aussi consultant pour la Ligue canadienne de football. J’ai travaillé pour les Gee-Gee’s de l’Université d’Ottawa avant de mettre le cap sur Pittsburgh avec Gary Roberts. Le football, c’est mon vrai sport. À 58 ans, je peux dire que depuis cinq ans j’ai vraiment trouvé ma place. Et avec Ben comme seul client ou seul patron selon votre façon de voir les choses. Je réalise un rêve. »