J’en étonnerai peut-être quelques-uns en débutant ma chronique en félicitant les Falcons d’Atlanta pour leur performance défensive de dimanche, lors du 51e Super Bowl.

Évidemment, leur efficacité n’a pas été la même en deuxième moitié de rencontre, mais on a clairement pu observer qu’ils avaient pris bonne note des erreurs commises par les Steelers de Pittsburgh face à la puissante attaque des Patriots de la Nouvelle-Angleterre deux semaines plus tôt.

Face aux Pats, c’est absolument impératif de briser le rythme en dérangeant les receveurs à la ligne de mêlée, en jouant de manière physique. C’est exactement ce que les Falcons ont accompli dès les premiers instants du match, et je crois que leurs adversaires ne s’attendaient pas à les voir jouer autant de couverture homme à homme.

Robert Alford et les FalconsÀ preuve, les cibles de Tom Brady n’ont pas fait le boulot durant les 30 premières minutes. Dominés au point de vue de la robustesse, ils ne parvenaient pas à se démarquer. Chapeau donc aux demis défensifs d’Atlanta pour leur agressivité en première mi-temps.

Mais ce qui m’a réellement impressionné en début d’affrontement a été le travail effectué par le front défensif. On le savait rapide et dynamique, mais dimanche, il s’est aussi montré physique. C’est lui qui s’est imposé dans les duels de tranchées en première demie. La ligne offensive des Pats, elle, s’est fait brasser.

Le résultat de cette domination? Brady s’est fait frapper à répétition et les sacs du quart se sont mis à s’accumuler rapidement. Il manquait aussi de précision sur ses passes, et c’est ce qui explique qu’il ait mis autant de temps à prendre son rythme.

Ce qui est venu rattraper les Falcons, cependant, est un ensemble de facteurs en leur défaveur, dont le temps de possession, nettement à l’avantage des Patriots malgré l’importante priorité que s’étaient donné les hommes de Dan Quinn.

Le pourcentage de jeux réussis en situations de troisième essai et les nombreuses pénalités dont ont écopé les Falcons ont aussi contribué à ramener les Pats au plus fort du match. Ils ont aussi pu faire durer leurs séquences offensives et essouffler méthodiquement la défense adverse.

Les Falcons se sont fatigués

Les chiffres dressent un portrait assez facile à saisir : l’attaque de la Nouvelle-Angleterre a déployé 93 jeux, tandis qu’Atlanta en a eu 46. Assez incroyable… Et dire qu’on considère que lorsqu’on atteint les 75 jeux offensifs, il s’agit d’une soirée très occupée! Ne cherchons pas de midi à 14 h la raison pour laquelle les Pats ont marqué avec aisance dès qu’ils ont mis le grappin sur le ballon en prolongation : ils se frottaient à un adversaire exténué. Ça se voyait dans le langage corporel. Les plaqués étaient moins convaincantes, les couvertures moins serrées.

Ce facteur, combiné au fait que la couverture homme à homme était la stratégie privilégié par les Falcons, on comprend pourquoi l’unité défensive était carrément exténuée au quatrième quart et en prolongation. Contrairement à la couverture de zone, qui est moins exigeante, celle-ci requiert de courir pas à pas avec son receveur. J’aurais aimé qu’on munisse les demis de coin des Falcons d’un GPS pour qu’on calcule la distance parcourue durant ce Super Bowl!

PatriotsVers la fin du troisième quart et pour le restant de la rencontre, la pression exercée sur Brady était carrément inexistante. Ses receveurs, eux, se démarquaient avec plus d’aisance. Et tout a découlé de là.

Oui, les Pats ont dû bénéficier d’un peu de chance (on n’a qu’à penser à l’attrapé de Julian Edelman alors que son équipe cherchait à se rapprocher de la zone payante et d’égaler le pointage), mais ils ont créé leur chance.

À la blague, je dirais que les partisans des Pats l’ont bien mérité, ce catch invraisemblable d’Edelman, après qu’ils aient été habitués que les receveurs de l’équipe rivale réussissent ce genre de miracle lors du match ultime!

L’un des chiffres qui m’ont marqué avec le recul est la rapidité à laquelle les Falcons ont inscrit leurs points durant le Super Bowl. En fait, la plus longue séquence qu’ont connue Matt Ryan et son club a duré 4 minutes et 14 secondes (huit jeux pour des gains de 85 verges et un touché).

Les autres majeurs ont écoulé 1 minute 53 secondes (71 verges) ainsi que 1 minute 49 secondes (62 verges). Ajoutons à cela le touché marqué sur l’interception ramenée par Robert Alford jusqu’à la zone des buts au deuxième quart, et on s’aperçoit que l’attaque d’Atlanta n’était pas souvent sur le terrain. Les secondes ne se sont pas égrainées au tableau. Patience et volume de jeux ont donc été la recette de la remontée des Patriots au point de vue offensif.

Au retour de la mi-temps, l’accent aurait logiquement dû être mis sur le jeu de course pour l’équipe en avance. Mais pourtant, j’ai recensé cinq jeux au sol après que les Falcons se soient donné une priorité de 25 points, à mi-chemin au troisième quart. C’était vraiment une drôle de sélection de jeux. D’ailleurs, le coordonnateur offensif Kyle Shanahan ne s’est pas défilé en conférence d’après-match. Il a simplement admis : j’ai gaffé (« I blew it ») aux membres des médias.

Autopsie d'un quatrième quart désastreux

Beaucoup d’observateurs ont blâmé l’échappé de Ryan sur troisième et une verge à franchir pour le revers crève-cœur de son équipe. La décision des entraîneurs a été vivement critiquée. Mon avis sur la question est qu’on a toutes les raisons de faire confiance au joueur par excellence de la saison régulière en lui remettant le ballon dans cette situation. Sur cette séquence, c’est plutôt le porteur de ballon Devonta Freeman qui a commis un impair en bousillant complètement son bloc aux dépens de Dont’a Hightower, qui a eu le champ libre pour se rendre jusqu’au quart-arrière.

Il faut dire que sur le jeu précédent, l’autre demi offensif des Falcons, Tevin Coleman s’était blessé et avait dû revenir sur les lignes de côté. Était-il censé disputé toute cette série offensive? Freeman était-il confus quant à son assignation sur ce jeu précis? C’est certainement une explication possible, parce qu’on l’a vu débuter le jeu du mauvais côté et demander des directives à ses coéquipiers.

Bref, c’est un jeu qui a fait extrêmement mal, mais pas autant que le sac encaissé par Ryan pour une perte de 12 verges alors que les Falcons étaient en excellente position pour ajouter trois points sur un botté de placement.

Il ne restait que quatre minutes à la rencontre. Pour la troupe de Dan Quinn, il y avait deux avenues possibles pour s’assurer la victoire : écouler du précis temps au tableau indicateur ou forcer les Patriots à marquer à deux reprises en relativement peu de temps. Chose certaine, la tâche des représentants de l’Américaine aurait été drôlement plus compliquée.

Mais qu’est-il arrivé à partir de ce moment? Un jeu négatif au sol, un sac impardonnable et une pénalité d’accrochage tout aussi difficile à digérer pour l’équipe en avance. Soudainement, on était à la ligne de 45 en situation de troisième essai et 33 verges à franchir, avec l’obligation de dégager.

Bilan d'un Super Bowl historique

Il y a certains endroits sur le terrain où tu ne peux absolument pas te permettre une perte de terrain. Compte tenu des circonstances, le fait d’avoir permis à Trey Flowers de rabattre Ryan au sol est inadmissible. À mon sens, c’est précisément là que les Falcons d’Atlanta ont perdu ce qui aurait été le premier Super Bowl de l’histoire de la concession.

Je dois souligner toutefois le boulot abattu par la défense des Pats. Elle n’a alloué que 21 points (les sept autres ayant été obtenus par la défense des Falcons) à une équipe qui en marquait près 36 en moyenne à ses huit dernières sorties. Elle a accordé quelques gros jeux, mais en général, elle a fait ce qui fallait, en plus de réussir cinq sacs.

Et fidèle à son habitude, la défense de Bill Belichick a forcé son rival à faire passer son attaque par ses armes « secondaires ». Qui ont été les receveurs les plus ciblés par Ryan? L’ailier rapproché Austin Hooper (six fois) et le demi inséré Taylor Gabriel (visé cinq fois). Aucune mention ici de Julio Jones et de Mohamed Sanu, les deux premiers receveurs des Falcons.

Jones a terminé avec quatre réceptions pour 87 verges (des attrapés incroyables, soit dit en passant), mais il n’a pas eu le même impact sur la partie que lors des précédents matchs éliminatoires des siens. C’est ça que parvient à faire la défense des Patriots dans les matchs importants!

Pas d’autre choix que d’admirer la résilience dont ont fait preuve les Pats. Pensez-y : de tirer de l’arrière par 25 points alors que la dernière fois où tu as tiré de l’arrière remonte au 25 novembre (face aux Jets de New York), ce n’est pas rien. Ces joueurs ont fait preuve d’une grande force mentale pour ne pas baisser les bras.

Brady : le plus grand à mon avis

Un mot sur Tom Brady à travers tout ça. Il s’est avéré une fois de plus un meneur exceptionnel. Le no 12 a fait face à l’adversité avec brio pour remporter son cinquième trophée Vince-Lombardi. Pourtant, il a été frappé solidement, a encaissé de nombreux coups et a été victime d’une interception ramenée pour six points.

C’était d’ailleurs la première fois en 51 ans d’histoire que le Super Bowl était remporté par une équipe victime d’une interception ramenée jusqu’à la zone des buts. C’était 12-0 pour l’équipe auteure du touché auparavant.

Bill Belichick et Tom BradyCe sera toujours matière à argumentation, et chacun a sa pensée à ce sujet, mais Brady m’a personnellement convaincu avec cette épatante remontée qu’il est le plus grand de tous les temps à sa position.

La raison pour laquelle je le place en première position est l’ère dans laquelle il évolue. Le général des Pats joue à une époque où le marché de l’autonomie fait une énorme différence. Depuis son entrée dans la NFL, en raison du plafond salarial, il a dû s’aligner avec un renouvellement continuel du noyau l’entourant.

Joe Montana et Terry Bradshaw ont été excellents, mais évoluaient tous les deux dans une ère où les équipes, si elles repêchaient bien, pouvaient conserver les services de leur noyau dur pendant une décennie. Pas mal plus facile de bâtir une dynastie!

Les Patriots, avec leur philosophie de ne pas payer les gros sous s’ils ne sentent pas le besoin de le faire compte tenu de leur système de jeu, ont un défi supplémentaire. À preuve, au cours des dernières saisons, on a laissé filer Chandler Jones et Jamie Collins, deux joueurs étoiles en défensive.

Cette fois, Brady a réalisé l’exploit en lançant le ballon à qui? Julian Edelman, Danny Amendola, Chris Hogan et Malcolm Mitchell. Il y a dans le lot deux joueurs non repêchés, un choix de septième tour et un choix de quatrième. C’est une valeur ajoutée pour lui dans l’évaluation de qui est le plus grand. En ce sens, les prouesses de Brady ont un cachet encore plus spécial.

Et avec la deuxième moitié de match à laquelle on a assisté dimanche, je peux vous confier que j’ai déjà hâte au botté d’envoi de la saison 2017, qui opposera les deux finalistes à Foxborough et la cérémonie de dévoilement de la banderole des champions. Que demander de mieux, me direz-vous!

* propos recueillis par Maxime Desroches