L'embauche de Marc Trestman par les Bears de Chicago m'a surpris dans une certaine mesure, mais se veut dans le fond une décision remplie de bon sens quand on s'y attarde plus attentivement.

Trestman répondait parfaitement aux critères établis par le directeur général des Bears, Phil Emery, qui avait clairement affirmé qu'il cherchait un cerveau offensif pour prendre la barre de son équipe. L'an dernier, les Bears ont affiché la 29e attaque aérienne de la NFL. Trestman, ce n'est pas un secret, est vu comme un véritable guru de l'attaque West Coast et du jeu par la passe.

Les Bears se sont également classés au 25e rang du circuit au chapitre des sacs du quart concédés. Ça aussi, c'est une grande spécialité de Trestman, qui a depuis longtemps compris un concept très simple : il ne sert à rien de développer des tracés de passes si on ne pense pas d'abord à la protection de celui à qui on demandera de les effectuer. La première question qu'il se pose avant de penser à l'exécution, avant de se demander où ira le ballon, c'est « Est-ce qu'on peut protéger le quart-arrière? »

Une preuve? L'année avant que Trestman arrive à Montréal, en 2007, la ligne à l'attaque des Alouettes avait alloué 68 sacs du quart, le pire rendement de la Ligue canadienne. Avec les cinq mêmes hommes au front, la saison suivante, Anthony Calvillo n'a été rabattu que 25 fois derrière la ligne d'engagement, la marque à battre dans la LCF.

Tous les quarts-arrières qui ont profité de l'enseignement de Trestman ont noté une amélioration dans leur jeu, qu'on parle de Steve Young à San Francisco, Rich Gannon à Oakland, Scott Mitchell à Detroit, Jake Plummer en Arizona ou Bernie Kosar à Cleveland. C'est exactement ce dont les Bears avaient besoin, un entraîneur qui va développer le jeu aérien.

Je ne serais pas surpris d'apprendre, lorsque l'embauche sera officialisée en conférence de presse, que Trestman a épaté les dirigeants des Bears avec une entrevue spectaculaire. Marc est un homme très intelligent, un communicateur et un orateur hors-pair.

Lorsque les Alouettes l'avaient mis sous contrat, le propriétaire de l'équipe, Robert Wetenhall, avait été soufflé par la verve d'un candidat qui l'avait jeté par terre. C'était la meilleure entrevue qu'il avait jamais vue, avait dit le proprio. Alors selon moi, Trestman a frappé un autre grand coup à son arrivée dans la Ville des Vents.

C'est important de le souligner. Chicago est l'un des plus grands marchés de football aux États-Unis et les Bears représentent l'une des équipes les plus prestigieuses du pays. Pour que l'organisation prenne le pari de faire confiance à un entraîneur qui arrive du Canada, il faut que l'heureux élu ait fait toute une impression lors de sa présentation!

C'est la question que je me posais lorsque les rumeurs sont arrivées à mes oreilles. Je me demandais si les Bears auraient vraiment l'audace, voire le courage, de sortir des sentiers battus et de prendre une décision qui ne ferait certainement pas le bonheur d'un bon groupe de partisans.

Mais rappelez-vous, il y a cinq ans, lorsque les Alouettes nous avaient présenté un certain Marc Trestman. Plusieurs observateurs, moi le premier, s'étaient dit QUI? QUOI? À l'époque, Trestman ne répondait pas aux soi-disant critères d'évaluation de l'équipe. On était sorti des sentiers battus, on a pris une chance et ça a donné un coup fumant.

Aujourd'hui, plusieurs personnes à Chicago ont sûrement eu la même réaction que nous à l'époque. Il faudra attendre et donner à Marc Trestman la chance de se faire valoir.

Pas la fin du monde pour les Alouettes

Pour les Alouettes, le départ de Trestman amène une certaine dose d'incertitude. On doit changer d'entraîneur-chef, il faudra probablement rebâtir l'équipe d'adjoints et ce qui est quand même particulier, c'est que celui qui est en charge de mener ce dossier, Jim Popp, est lui-même présentement en recherche d'emploi aux États-Unis.

La situation n'est pas idéale. Le coach est parti, le directeur général cherche à déménager et le quart-arrière, Anthony Calvillo, est sur ses derniers milles. On s'apprête à entrer dans une période d'incertitude qui rend les décisions à venir très importantes pour l'avenir du club. Il sera intéressant de suivre le dossier parce que depuis cinq ans, l'une des grandes forces des Alouettes était leur stabilité. On a toujours eu ce que j'ai baptisé la Sainte-Trinité avec Popp, Trestman et Calvillo. Mais présentement, l'un est parti, un autre veut partir et on ignore pendant encore combien de temps l'autre sera là.

La bonne nouvelle, c'est que Popp, pour l'instant, est encore à Montréal. Et ce n'est pas le premier entraîneur qui quitte le nid. Si les Alouettes ont survécu au départ d'une légende vivante comme Don Matthews (!), la fin de l'ère Trestman n'est quand même pas la fin du monde.

C'est juste une intuition, mais mon petit doigt me dit que Popp pourrait fort bien utiliser la même tactique qu'en 2008 et nous surprendre avec un autre gars sorti de nulle part. Je ne serais pas du tout surpris qu'il tente de frapper un coup de circuit en dénichant une perle rare.

Mais évidemment, certains noms familiers s'immisceront dans les discussions au cours des prochaines semaines, des prochains mois. Celui de Danny Maciocia ressort immédiatement du lot. Il a déjà œuvré dans l'organisation des Alouettes et connaît donc bien le patron et son bras droit. Il a été entraîneur-chef et directeur général dans la Ligue canadienne, il a gagné la coupe Grey. On entendra parler de lui, c'est certain.

Ne soyez pas surpris si on fait mention de Doug Berry, un ancien adjoint chez les Alouettes qui a ensuite été en charge des Blue Bombers de Winnipeg. Marcel Bellefeuille a connu un cheminement similaire.

Décidera-t-on plutôt de donner la chance à un jeune? Je pense à Chris Jones, des Argonauts de Toronto, qui a longtemps été à l'emploi des Alouettes. Jacques Chapdelaine, des Lions de la Colombie-Britannique, serait-il un candidat intéressant? Est-ce qu'un gars comme Dave Dickenson, coordonnateur à l'attaque des Stampeders et ancien quart vedette des Lions, pourrait faire partie d'un vent de renouveau? On peut aussi mentionner des gars comme Paul LaPolice et Greg Marshall, d'autres candidats potentiels dont la légitimité sera discutée éventuellement.

Mais je le répète, je ne tomberais pas en bas de ma chaise si Popp nous sortait un autre lapin de son chapeau.

Un héritage positif

En conclusion, je crois qu'on devrait tous regarder le portrait global de cette situation. La promotion de Trestman et toute la couverture médiatique dont elle a fait l'objet représente une très belle vitrine pour les Alouettes et pour la LCF. C'est une publicité dont il ne faut pas négliger l'importance!

L'arrivée d'un entraîneur de la LCF dans le cercle fermé de la NFL lance le message à un paquet de joueurs talentueux et d'entraîneurs prometteurs que notre circuit peut représenter une avenue intéressante pour lancer - ou relancer - une carrière. Ça peut valoir la peine de venir relever un défi au nord de la frontière. C'est ça, le message que le départ de Trestman envoie.

Je comprends les partisans qui trouvent dommage de voir partir un gars qui est venu faire son nom ici dans le but avoué d'obtenir un jour l'appel d'un autre employeur. Mais ce n'est pas grave! Si ça peut amener plus de talent éventuellement, pourquoi pas? C'est de cet œil que je le vois et je pense qu'il est important de le comprendre et de le souligner.

Marc Trestman laisse un super bel héritage pas seulement aux Alouettes, mais à toute la Ligue canadienne de football. Depuis qu'il est arrivé au Québec, il a eu un impact certain sur les façons de faire de Vancouver à Toronto. Il a été innovateur dans sa façon de voir les entraînements comme dans les nouvelles stratégies qu'il a implantées. Plusieurs équipes s'en sont inspirées. Il a donné un nouveau souffle au circuit, rien de moins.

Bref, pour faire le résumé du règne de Trestman à Montréal, il faut regarder plus loin que le bout de son nez et éviter de se limiter à ses accomplissements avec les Alouettes. On devrait être heureux pour lui et célébrer son départ de façon positive.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.