Au lendemain de l'élimination des Alouettes, il est certes tentant de pointer du doigt Brian Bratton pour cette abrupte fin de saison. La passe qu'a échappée le receveur dans la zone des buts n'est toutefois qu'un jeu parmi tant d'autres ayant causé la défaite des Montréalais face aux Argonauts de Toronto en finale de l'Est, dimanche.

Oui, en captant la remise d'Anthony Calvillo à la toute fin du quatrième quart, Bratton aurait permis aux Alouettes de niveler le pointage et peut-être de forcer la tenue d'une période de prolongation, mais ce cruel revers ne se résume pas à cette malheureuse bourde.

Je ne peux que compatir avec mon ancien coéquipier. Au cours de la saison, on a notamment reproché à S.J. Green, Jamel Richardson et d'autres receveurs d'échapper des passes parfaites. Or, rarement a-t-on tenu ce discours au sujet de Bratton. Ces mains sont fiables et il attrape généralement toutes les passes précises dirigées vers lui. Dommage qu'il ait erré dans un moment aussi crucial.

Il serait cependant injuste de ne blâmer que lui. N'oublions pas que Calvillo a été victime de deux interceptions et qu'Éric Deslauriers s'est fait arracher le ballon des mains au quatrième quart. Je m'en voudrais également de ne pas souligner la performance des Argos, à qui tout le crédit revient pour cette victoire.

Avant même le début de la rencontre, j'avais avancé que s'ils ne parvenaient pas à appliquer suffisamment de pression sur le quart des Argonauts Ricky Ray, les Alouettes ne l'emporteraient pas. C'est exactement ce qui s'est produit.

Pour se rendre à Ray, le coordonnateur défensif des Alouettes Jeff Reinebold s'y est pris de toutes les façons; avec des blitzs de secondeurs, des jeux en croisé sur la ligne défensive, en appliquant de la pression à 5, 6 ou 7… Ray n'a pas été gêné de l'après-midi.

Lorsque confronté à une couverture homme à homme, Ray a atteint les zones profondes avec précision. Puis, en couverture de zone, il a bénéficié de tout le temps au monde pour faire mal aux Alouettes, qui semblaient alors complètement perdus sur le terrain.

Avec 207 verges de gains par la voie des airs, le receveur Chad Owens a amplifié cette confusion, permettant à l'attaque torontoise de se mettre en marche à compter de la deuxième demie. Il avait fait de même contre les Eskimos d'Edmonton une semaine plus tôt, donnant le coup d'envoi à son attaque. C'est sans compter qu'il a aussi exercé un rôle déterminant sur les unités spéciales, offrant aux siens d'excellents positionnements sur le terrain.

Souvenir de 2008

Au brio de Ray et d'Owens s'ajoute l'excellent rendement de la défense des Argonauts. En appliquant une double couverture sur Richardson et Green et en les frappant sur la ligne de mêlée, l'unité de Chris Jones a drôlement compliqué la tâche de Calvillo, qui a connu sa part de difficulté.

Hésitant dans sa pochette protectrice, le vétéran quart des Alouettes a donc dû se rabattre sur ses autres receveurs. C'est ainsi qu'à titre de dépanneur, le porteur de ballon Chris Jennings a réalisé huit attrapés au cours de la rencontre, un sommet chez les Alouettes. Le centre-arrière Patrick Lavoie (4), Richardson (3) et Green (2) ont suivi.

En éliminant ainsi la menace Richardson-Green, les Argos ont ainsi limité les Alouettes à trois petits points en deuxième demie, tout en en inscrivant 17. Un scénario étrangement semblable à celui du match de la Coupe Grey de 2008.

Face aux Stampeders de Calgary, alors que je portais toujours l'uniforme des Alouettes, nous nous étions d'abord dotés d'une priorité de 13-9 au terme des deux premiers quarts. À notre retour sur le terrain, nous avions toutefois été muselés par la défensive des Stamps, dirigée par un certain Chris Jones…

Limités à un seul point en deuxième demie, nous nous étions finalement inclinés 22-14.

Un vent de changement?

Privés d'une participation au match de la Coupe Grey pour une deuxième saison consécutive, les Alouettes ne devraient pas être soufflés par un vent de changement.

La dernière saison des Oiseaux en a été une de transition à la suite des départs des joueurs Anwar Stewart, Étienne Boulay, du coordonnateur défensif Tim Tibesar et du coordonnateur offensif Scott Milanovich.

Une seule chose pourrait changer le visage des Alouettes et c'est la potentielle retraite de Calvillo. Pour l'avoir côtoyé pendant plusieurs années, j'ai le sentiment qu'il sera toujours à son poste l'an prochain.

D'une part, la réalité financière joue toujours pour beaucoup, bien qu'il ne s'agisse pas du premier incitatif. À quel autre endroit Calvillo pourra-t-il faire autant d'argent? S'il a encore le goût de jouer, s'il est suffisamment en forme pour le faire et qu'il aime son travail autant qu'avant, pourquoi pas. Il a joué de l'excellent football cette année. Il est protégé dans un système offensif où il dégaine rapidement. Je ne vois pas pourquoi il se retirerait.

Quant au vénérable garde Scott Flory, il est tout à fait normal qu'il songe à se retirer après 14 saisons dans la LCF.

Là où j'anticipe le plus gros changement, c'est au poste de coordonnateur défensif. Bien que Marc Trestman ait supporté et défendu Jeff Reinebold tout au long de la campagne, force est de constater que ce dernier a connu une première saison pour le moins ardue avec les Alouettes.

Encore dimanche, on a vu des joueurs se choquer contre Reinebold, lui reprochant certains choix stratégiques. De la discorde, des trous béants, de la confusion… Popp et Trestman pourraient très bien emprunter une autre direction.

Le scénario idéal

Si cette défaite est certes malheureuse pour les Alouettes et leurs partisans, elle permet néanmoins à la LCF d'obtenir le scénario rêvé pour son 100e match de la Coupe Grey.

Les Argonauts, l'une des grandes franchises dans l'histoire du circuit, disputeront en effet cette rencontre ultime devant leurs partisans au Rogers Center.

Ils affronteront alors les Stampeders de Calgary, qu'ils ont vaincu à deux reprises cette saison. Or, la formation albertaine est l'équipe de l'heure dans la LCF et cela n'annonce rien de bon pour les Argos.

De plus, moins de 24 heures après avoir écarté les Alouettes, les Argos dérogeaient déjà à leur routine en participant à un rassemblement à Toronto. Quelques heures auparavant, au Stade olympique, ils célébraient comme s'ils venaient de remporter la coupe Grey. Se laisseront-ils emporter par cette frénésie?

J'ai déjà affirmé que peu importe l'identité des équipes qui atteindraient le match de la coupe Grey, les représentants de l'Ouest allaient être couronnés. Ma prédiction n'en est que renforcée.

*Propos recueillis par Mikaël Filion