MONTRÉAL – Régis Cibasu n’a rien perdu de son grand sourire et de son ardeur au travail. Certes, dans un monde idéal, il rivaliserait d’adresse au camp d’entraînement des Bears de Chicago, mais ce n’est pas dans sa nature de se plaindre.

 

L’imposant receveur des Carabins se prépare plutôt pour sa dernière année universitaire (le premier match a lieu vendredi contre McGill). Au lieu de lever le pied de l’accélérateur, il l’a enfoncé avec encore plus de poids pour se donner une autre chance au sud de la frontière.

 

Au début mai, il a goûté à l’univers de la NFL en étant invité au mini-camp des Bears sans toutefois être retenu pour la suite.

 

« C’était vraiment une belle opportunité, j’ai vu comment ça se passe de l’autre côté. Ça m’aide à mieux me préparer pour la prochaine fois qu’une telle opportunité se présentera », préfère-t-il se dire.

 

Régis CibasuLa colline de l’Université de Montréal est loin de représenter un triste prix de consolation à ses yeux.

 

« Je suis content d’être ici, c’est comme être à la maison. Ce n’est pas un échec pour moi, c’est juste une leçon d’en faire encore plus », a évoqué Cibasu dont les yeux s’illuminent malgré tout quand il repense au Halas Hall, l’impressionnant complexe d’entraînement des Bears où il a exposé ses aptitudes.

 

La question n’était pas posée avec une connotation négative, mais tous les intervenants sondés ont assuré que c’était le même homme qui était revenu de ce passage en Illinois.

 

« C’est le même individu qu’on a rencontré il y a cinq ans, un gars tranquille avec un bon sens de l’humour. Tout le monde l’adore, je parle de la personne et non de ses qualités comme joueur. On est chanceux de l’avoir avec nous, c’est un modèle et je suis convaincu qu’il aide nos jeunes par son exemple », a noté l’entraîneur Danny Maciocia.

 

« Il a zéro changé. Je le connais depuis plus de 10 ans, il a toujours été le même gars qui travaille fort et qui ne parle pas trop. C’est un gars d’action, mais de peu de mots », a raconté son bon ami, Rehda Kramdi, un demi défensif.

 

« Il a toujours la tête baissée et il ne pense pas plus loin qu’à demain. Il s’entraîne, il s’entraîne et il s’entraîne. C’est un modèle pour plusieurs et je parle pour moi aussi. Pas par ses paroles, mais par son éthique de travail. Ça ne lui a pas monté à la tête, zéro », a poursuivi Kramdi.

 

Ce dernier et le receveur Kevin Kaya ont d’ailleurs eu la chance de recevoir un coup de fil quotidien de Cibasu quand il était à Chicago. Il se faisait un plaisir de leur raconter chaque jeu de sa journée, les bons comme les mauvais.

 

Son court, mais très enrichissant, arrêt avec les Bears n’a pas non plus fortifié sa confiance. Cibasu détient cette assurance modeste en ses moyens physiques et son talent.

 

« Rien n’a vraiment changé, il faut juste que je reste travaillant et que je conserve ce côté affamé, ce feu en moi pour montrer ce que je suis capable de faire sur le terrain », a-t-il déterminé.

 

D’ailleurs, soyez certains que ses camarades l’auraient ramené à la réalité s’il avait joué à la « grosse tête ». Question de le taquiner, ils prennent déjà un malin plaisir à lui rappeler qu’il a été « coupé » par les Bears.

 

« Les gars sont toujours drôles avec ça, on plaisante. Ça me fait rire, l’ambiance est bonne », a confié Cibasu.

 

En plus de lui tirer la pipe, ses coéquipiers lui ont posé plusieurs questions sur une tonne de détails. Ils ont tout voulu savoir sur cette chance inouïe. Lorsqu’on lui demande ce qui a été le plus frappant à ses yeux, la réponse ne tarde pas.

 

« C’est le gear (l’équipement et la marchandise), il y en avait juste trop! Tout est vraiment plus gros, tu as accès à tout. Tu n’as pas besoin de te soucier de rien, tu peux juste jouer au foot », a raconté Cibasu avec de grands yeux.

 

Un plan précis sur le terrain et à l'extérieur

 

Le puissant athlète n’est toutefois pas revenu de Chicago avec une petite mission. En raison de son physique imposant, les équipes de la NFL le perçoivent avant tout comme un ailier rapproché et un H-back (un ailier rapproché qui entame le jeu en retrait de la ligne offensive). Ainsi, Cibasu doit se familiariser avec cette position alors qu’il a surtout été utilisé comme receveur avec les Carabins.

 

Il redoublera donc d’efforts sous les directives des entraîneurs Pronovost, Narbonne et Cousineau comme il le précise. Sa vitesse doit être au rendez-vous, son positionnement sans reproche, ses blocs dominants, ses enjambées précises et explosives.    

 

« On va le rapprocher de la boîte (offensive) pour lui donner cette expérience et cette visibilité qu’il mérite. Il doit aussi avoir un impact sur les unités spéciales. On sait qu’il est fort et qu’il court bien donc il pourrait avoir un impact sur les unités », a spécifié Maciocia qui l’a vu y obtenir un plaqué au Shrine Game.

 

« La grande différence, c’est au niveau de la vitesse du jeu. Quand tu joues avec Miami, Michigan ou Ohio State, il y a une certaine vitesse de jeu que tu ne vois pas ici », a ajouté l’entraîneur.

 

Ce n’est pas juste la préparation sur le terrain qui est étudiée attentivement. Maciocia a révélé que les discussions ont été fréquentes entre lui, Cibasu, ses parents et son agent. Une fois que les Bears ont rendu leur verdict et qu’il a été repêché dans la LCF (en troisième ronde par Toronto), un plan a été établi.

 

« Il lui restait neuf cours pour aller chercher son baccalauréat. On s’est assis et on a regardé tous les chiffres sur ce qu’il pouvait toucher comme à sa première année avec les Argos. Il a pris la décision qu’il voulait terminer son diplôme en deux sessions pour ensuite se tourner vers la LCF. La décision a été prise en sachant que c’était la dernière année de la convention collective dans la Ligue canadienne. Il pourrait donc bénéficier des améliorations à cette entente à son arrivée », a dévoilé Maciocia sans craindre d’aborder la réalité économique.

 

Bien sûr, l’entraîneur des Carabins rappelle que la possibilité de la NFL demeure bien présente. Lui et son agent vont s’assurer que la braise ne s’estompe pas. Ils vont conserver des contacts avec des équipes de la NFL et des séquences vidéos seront acheminées.

 

« Je prie pour qu’il ait une autre chance, je pense que c’est là qu’il mérite d’être. Je lui souhaite avec tous ses efforts », a exprimé Kramdi qui sent que toute l’équipe va pousser pour l’aider.

 

Le jeu des comparaisons reste imparfait, mais Antony Auclair se forge tranquillement un rôle intéressant avec les Buccaneers de Tampa Bay. Cibasu possède des atouts qui pourraient lui permettre d’en faire autant.

 

« Ça prend une équipe, la bonne équipe, pour lui donner une chance. C’est clair qu’il a le potentiel pour jouer dans la NFL. Avec tout le respect que j’ai pour Antony – et on est tous fiers de ce qu’il accomplit - Régis mérite d’être sur le même terrain que lui dans la NFL », a conclu Maciocia.