Le 10 septembre 2011, le footballer des Gaiters de l’Université Bishop’s, Kevin Kwasny a subi un hématome cérébral lors d’une partie contre les Stingers de Concordia. Kwasny prétend que l'entraîneur l’aurait forcé à retourner au jeu après qu’il lui ait mentionné avoir mal à la tête. Subséquemment, il a subi une seconde blessure qui a provoqué une hémorragie cérébrale. Il vit désormais avec des dommages permanents au cerveau, a perdu l'usage du côté droit de son corps et doit être complètement pris en charge. En septembre 2013, sa famille a déposé une poursuite de 7,5 millions contre l’Université Bishop’s. Pour couvrir les soins médicaux depuis l’accident, le montant a été majoré à 9,3 millions en 2014 et à 13,7 millions en 2017. Le procès devait débuter le 5 octobre 2017, mais une entente à l'amiable est intervenue entre les parties.

Responsabilité civile

Sa famille avait intenté une poursuite alléguant que l’entraîneur aurait obligé Kwasny à jouer au moment où il présentait des symptômes de commotion cérébrale. De là, l'essence même du débat, car il est difficile de connaître la teneur exacte de la conversation qui a eu lieu entre Kwasny et son entraîneur préalablement à l’accident. Qu'est-ce qu’il a réellement dit à son entraîneur et comment a-t-il réellement réagi face à cette situation? A-t-il vraiment insisté? Si oui, quel était son niveau d'insistance?

Incontestablement, les préjudices subis par Kevin Kwasny sont bien réels, mais encore faut-il démontrer l’existence d’une faute et d’un lien de causalité pour établir la responsabilité de l'Université Bishop. La responsabilité de l'Université ne peut être encourue que s’il est possible de démontrer qu’elle a commis un manquement à ses obligations. Mais quelle est l’étendue de ses obligations face aux joueurs? Elle a une obligation générale de prudence et de diligence dans l'information et la surveillance qu'elle procure à ses joueurs afin de sauvegarder leur sécurité et leur santé. Cette obligation commande notamment à l'Université de prendre les précautions nécessaires pour prévenir les accidents, mais au surplus d'assurer le respect par les joueurs des mesures de sécurité et des règles de conduite sur le terrain.

Ceci étant, il peut y avoir un partage de responsabilité sachant que le football est un sport violent et que l'athlète doit le pratiquer en toute connaissance de cause. En acceptant de se livrer à ce sport, le joueur accepte de facto les risques de blessures et d'accidents y reliés. En l’espèce, il aurait fallu démontrer que Kwasny avait volontairement accepté de s’adonner à une activité comportant des risques et que la nature et l'intensité de ces risques lui avaient été préalablement divulguées. Pour l'Université, la preuve que les instructions ont été transmises au joueur sur la manière de jouer et que les mesures de sécurité appropriées ont été prises pour prévenir les accidents aurait pu être suffisamment satisfaisante pour exonérer sa responsabilité.

Pourquoi avoir réglé hors cour?

Il est courant dans les affaires civiles que les parties s’engagent dans des pourparlers avant le procès. La certitude de règlement est souvent préférable à l'incertitude d'un procès. La famille de Kwasny peut réclamer et obtenir des dommages-intérêts de la part de l’Université dans la mesure où elle a commis une faute. Ici, il s'agissait d'un dossier très factuel et le débat sur la responsabilité en était davantage un sur la crédibilité des témoins. Chacune des parties avait sa propre version des faits et si le procès avait eu lieu, le tribunal aurait eu à se pencher sur les normes que devait respecter l’Université eu égard au comportement du joueur. Or, même s’il avait été possible de prouver la faute de l’Université lors de l’audition, il n’y avait néanmoins aucune certitude quant au montant que Kwasny aurait eu droit. Le tribunal aurait pu accorder un montant inférieur à ce qui était demandé par Kwasny ou encore un montant inférieur à ce qui était offert par l’Université lors des négociations. Une poursuite n’est pas toujours synonyme de victoire et son résultat est souvent incertain. Une entente hors cour a ses avantages, car un procès engendre des délais et de nombreux coûts.

Comment calculer le quantum des dommages subis par Kevin Kwasny?

Dans le cadre de ce règlement, un montant compensatoire a été offert à Kwasny, lequel est toutefois confidentiel. Cela dit, il est possible d’évaluer hypothétiquement les dommages compensés, sans pour autant établir un montant fixe ou la teneur du règlement. Nous ferons l’exercice de suggérer les dommages qui auraient pu faire l'objet d'une indemnisation dans cette entente, lesquels ne sont que spéculatifs.

D'abord, ce montant aurait pu comprendre la perte de capacité de gains qui s’évalue à partir de ses revenus en dépit de l'accident en tenant compte de l’âge de Kwasny à ce moment précis, de sa situation antérieure quant à ses habitudes de vie et à son occupation. Ce montant aurait pu aussi couvrir la perte de gains futurs. En l’espèce, Kwasny avait 22 ans au moment de l’accident et un avenir prometteur. Il complétait des études universitaires et rêvait de jouer dans la LCF. Toutefois, il a été mentionné que, 6 ans après l'accident, Kwasny souffre toujours de symptômes relatifs à sa commotion cérébrale. En raison de ses problèmes cognitifs découlant directement de sa commotion cérébrale, il n’est pas fonctionnel sur le marché du travail. Comme les gains futurs suivant sa carrière au football et ses études universitaires ont été considérablement compromis, un montant à cet effet aurait pu être comptabilisé dans le règlement. De surcroît, l’entente aurait probablement garanti le paiement de ses frais juridiques partiels ou complets en plus du remboursement des frais engagés pour les soins et les médicaments. Par ailleurs, les préjudices non pécuniaires subis par Kwasny tels que la perte de jouissance de la vie, les inconvénients, les souffrances physiques ou morales, auraient pu être compilés dans la compensation. Sans oublier qu'un montant pour atteinte à son intégrité physique aurait pu être inclus dans cette entente, lequel est normalement établi par expertise médicale en vue de fixer en pourcentage des indices objectifs sur la gravité des blessures et des limitations subies.

Bien entendu, la question du montant des dommages est complexe et nécessite la preuve d'experts. Les deux parties avaient probablement des positions très différentes de ce que constitue une compensation appropriée dans les circonstances. Or, dans la mesure où il y a une entente, elle devrait normalement être conclue à l’entière satisfaction des deux parties. Il importe toutefois de mentionner qu’une entente ne contient aucune admission quelconque de responsabilité de la part de l’Université Bishop’s et que ses modalités sont confidentielles.