« Je me souviens d’avoir appelé mes parents, je ne savais pas trop ce qui se passait... »

Voilà comment Yohann Benson a décrit les moments qui ont suivi sa qualification pour l’Omnium de golf des États-Unis, en 2008, un exploit jamais accompli par un Québécois depuis Adrien Bigras, 44 ans plus tôt.

Évoluant sur le circuit canadien depuis seulement deux ans, Benson avait alors déjoué tous les pronostics en méritant son billet pour le 108e US Open lors d’une qualification disputée au Old Oaks Country Club, dans l’État de New York.

« Je suis arrivé la veille de la qualif », se souvient celui qui agit maintenant comme analyste lors de la couverture des tournois majeurs sur les ondes de RDS.

« J’avais mal joué, je n’avais pas eu le temps de jouer de ronde de pratique. Le terrain était super privé, il aurait fallu planifier tout ça d’avance, mais je viens de Montréal, à six heures de route. »

Après avoir eu la chance de marcher seulement quelques trous du parcours, Benson se lance lors de la première ronde des qualifications et se contente d’un 75.

« Je connaissais maintenant un peu le terrain, je savais que je n’étais pas en dehors du tournoi. Il prenait quatre qualifiés et je devais être 20e, à trois ou quatre coups de la dernière place donnant accès au tournoi. »

Benson se présente pour la deuxième et ultime ronde libérée de toute pression.

« J’ai frappé des drivers partout, même si c’était un terrain super étroit. Ça avait super bien marché, et j’ai même fait un trou d’un coup sur le 3e trou! Des journalistes et des caméras ont commencé à apparaître sur les trois ou quatre derniers trous. Je ne savais même pas si c’était pour moi, je n’ai jamais su que j’étais qualifié avant le 18e. »

Grâce à une excellente ronde de 67, Benson mérite son billet pour la Californie. Il réalise un exploit assez exceptionnel pour un golfeur québécois, une province peu réputée pour ses succès sur la scène internationale.

« La nouvelle a commencé à se propager au Québec. C’est vraiment là que la scène golfique québécoise s’est rendu compte que je suis un Québécois, et que je parle français. »

Avec un nom à consonance anglophone, Benson dit avoir un peu passé sous le radar avant de réaliser son fait d’armes.

« En revenant de New York, j’ai passé les six heures au téléphone à la télévision et à la radio. Ça l’a ouvert les yeux de plusieurs. La scène du golf au Québec s’est rendu compte que j’étais l’un des leurs. »

« Comme un enfant dans un magasin de bonbons »

L’Omnium des États-Unis est réputé comme étant le tournoi le plus difficile des quatre tournois majeurs. Les conditions de jeu y sont poussées à l’extrême, que ce soit la hauteur de l’herbe haute ou la vitesse des verts.

Benson se rend donc à San Diego avec ses parents et il ne sait sincèrement pas trop à quoi s’attendre. Il va tout d’abord à la rencontre de son cadet et futur bon ami, Mark Long, associé de longue date du golfeur américain Fred Funk.Yohann Benson

Guidé par son cadet d’expérience, le Québécois s’élance sur le parcours pour des rondes de pratique aux côtés de vétérans aguerris comme Vijay Singh et de Mike Weir. Tout se passe très vite et il est difficile de réaliser l’ampleur de la tâche qui l’attend.

« Tu es comme un enfant dans un magasin de bonbons. Tous les manufacturiers sont après toi pour te faire essayer tous les bâtons, les balles et les gants. »

L'Omnium des États-Unis, c’est aussi le nec plus ultra en termes d’installations et de service. Facile pour le jeune golfeur originaire de Pincourt de se laisser distraire dans un tel environnement, qui n’a absolument rien à voir avec les conditions dans lesquelles il évolue sur le circuit canadien.

À travers tout ça, Benson doit gérer les nombreuses demandes qui affluent de toutes parts.

« Tu achètes des drapeaux, des souvenirs, et les médias, ça continuait... », se souvient le professionnel au Club de golf Laval-sur-le-Lac.

« Je me suis fait appeler par une station de radio de Montréal, il était quatre heures du matin! Ils n’avaient même pas aucune idée que le tournoi se tenait en Californie! »

Dans tout ce brouhaha et ces nombreuses distractions, Benson se rappelle que c’est cette semaine-là qu’il s’est découvert une passion pour les médias, ce qui lui sert aujourd’hui très bien dans ses nouvelles fonctions d’analyste à la télévision.

À l’assaut du test de golf le plus difficile au monde

Yohann Benson amorce l’Omnium des États-Unis sur le 10e trou, dans l’un des derniers départs de la journée. Le terrain est dans les conditions qu’on devrait s’attendre pour un US Open, c’est-à-dire impardonnables. En plus, le parcours de Torrey Pines est long, très long. 7643 verges pour être exact, une distance hallucinante il y a 11 ans.

« Ce sont des gros nerfs... j’étais nerveux au boute », se remémore-t-il.

Ses deux partenaires de jeu prennent le départ avant lui et envoient leurs coups de départ dans la forêt, sur la gauche, hors des limites du terrain. Encore une autre raison d’être un peu plus nerveux. Pourtant, Benson frappe un excellent premier coup et continue sur sa lancée sur les cinq premiers trous, qu’il joue à la normale.

« J’ai alors vu mon nom... Benson... apparaître sur le tableau des meneurs. Après ça, ce fut une dégringolade assez solide. Ça fait partie de l’apprentissage. »

Le golfeur termine sa journée avec une carte de 83. Déjà, il sait que ses espoirs de participer aux rondes finales sont quasi inexistants. Reste que son expérience lui a apporté des souvenirs impérissables et a pavé la voie à la carrière de golfeur professionnel, d’enseignant et de cadet qu’il allait connaître dans les années suivantes.

« Ce fut une semaine extraordinaire », a confié Benson qui a finalement inscrit un 78 lors de sa deuxième ronde. « Mais je n’étais pas préparé pour ça. Ayant été cadet pendant cinq ou six ans sur le circuit de la PGA, je serais bien mieux préparé aujourd’hui. Je suis même un meilleur joueur que je l’étais à l’époque. J’ai tellement vu de golf, j’ai vu la façon dont se préparent les meilleurs. »

Benson dit probablement vrai quand il se targue d'être meilleur qu'à l'époque, lui qui vient justement de remporter la 90e édition de l'Omnium Printanier, présenté au club de golf Beaconsfield il y a à peine 10 jours. À sa première présence au tournoi en près de 10 ans, celui qu'on doit maintenant considérer comme un vétéran a ramené une carte de 66, truffé de sept oiselets.

Aux premières loges pour assister à l’histoire

On se souvient surtout du 108e Omnium des États-Unis pour la victoire de Tiger Woods, sur une jambe, en prolongation contre Rocco Mediate.Tiger Woods

Jusqu’au Tournoi des Maîtres il y a deux mois, c’était encore la plus récente victoire majeure du célèbre golfeur et Benson en garde des souvenirs bien précis. Il était encore sur les lieux pour les rondes finales.

« Le roulé pour forcer la prolongation, qui a courbé de droite à gauche, j’étais aux côtés de mon ami Mike, qui est caméraman pour NBC et qui produisait du contenu pour le circuit canadien. Quand Tiger fait son putt, je suis couché à côté du gars qui a filmé le roulement de la balle! »

Si vous étiez à l’écoute à ce moment, vous vous souvenez certainement de la réaction de Woods, hurlant du même coup sa douleur et sa joie sur le 18e vert de Torrey Pines.

« Quand le putt a tombé, on a regardé par en haut et on a tout reçu... De la bière, du vin, du Coke, des nachos… les gens se sont levés comme des malades! »

Voilà comment s’est conclu la semaine de Benson à Torrey Pines. Depuis, aucun golfeur québécois n’a participé à un tournoi majeur, ce qui rend l’exploit du golfeur encore plus significatif aujourd’hui alors qu’on attend toujours le prochain jeune espoir qui pourra percer sur la scène internationale.

Benson le dit, le talent est là au Québec. On n'a qu'à penser aux Hugo Bernard, Étienne Brault et Joey Savoie qui font très bien actuellement un peu partout sur la scène du golf amateur. Pour passer à l'étape suivante, celui qui prodigue maintenant ses conseils aux jeunes et moins jeunes croit qu'il est nécessaire de laisser de côté le complexe d'infériorité qui habite les produits locaux.

« L'enseignement est désuet ici. On rend le golf beaucoup trop complexe pour rien. La choses la plus importante à faire, c'est de s'entourer de gens compétents. Regarde au hockey, ces jeunes-là, ils grandissent autour d'anciens grand joueurs de hockey. »

La réflexion de Benson mérite certainement d'être explorée de façon plus profonde. Si on trace un parallèle avec un autre sport individuel, le tennis, où nos représentants font extrêmement bien sur la scène internationale, il serait grand temps de repenser les fondements des mécanismes de développement des jeunes talents locaux si on veut un jour encourager un Québécois sur le circuit de la PGA.

Un autre tournoi enlevant à prévoir

Dès jeudi, l’Omnium des États-Unis se transporte du côté du magnifique parcours de Pebble Beach pour la 119e édition du tournoi. Cette fois, Benson sera campé dans les studios de RDS pour vous faire vivre ce grand rendez-vous.

« Ça va être un excellent tournoi. Il y a beaucoup de joueurs qui peuvent prétendre à la victoire. »

Le parcours de Pebble Beach est plutôt particulier dans les standards normalement requis par la USGA pour la présentation de son tournoi annuel. La distance n’est pas un problème, le terrain étant plutût court, mais c’est plutôt la petitesse des verts et ses ondulations qui mettront les golfeurs au défi. Le mot d’ordre est donc précision et si le vent se lève sur les berges du Pacifique, la prudence sera de mise.

« Tu peux être à quatre pieds du trou et ton roulé va casser d’un pied ou deux », explique celui qui a eu la chance d’agir à titre de cadet à maintes reprises sur les lieux.

En attendant de revoir un talent local s’élancer sur la plus grande scène du golf en Amérique, le rendez-vous est donné pour un autre tournoi majeur enlevant où les histoires à suivre sont nombreuses.Un golfeur s'élance à Pebble Beach

Brooks Koepka pourrait-il gagner un troisième titre consécutif à l’Omnium des États-Unis? À 48 ans, Phil Mickelson peut-il enfin gagner son omnium national sur un terrain où il a connu beaucoup de succès dans le passé? Tiger Woods sera-t-il en mesure de répéter ses exploits de l’an 2000, où il l’avait emporté par 15 coups dans une démonstration absolument unique de son talent?

Nous aurons des réponses à ces questions dès jeudi en après-midi dans un tournoi qui s’annonce, à l’image de cette saison 2019, très excitant.