Le nouveau circuit LIV présentera le premier événement de son histoire à compter d’aujourd’hui au Centurion Club de Londres. Si ce nouveau joueur dans le monde du golf professionnel a d’abord suscité un certain scepticisme, il est maintenant considéré comme un rival qui pourrait faire tomber le circuit de la PGA. Au-delà des manchettes, des questions demeurent en suspens.

Pourquoi?

Pour comprendre les tractations d’aujourd’hui, il faut remonter aux origines de la création de ce qui est devenu le circuit de la PGA, en 1968. À l’époque, c’est la PGA of America qui chapeautait le circuit et deux clans s’affrontent au sujet de la redistribution des revenus, qui ont décuplé au cours de la décennie en raison de la retransmission des tournois dans de plus en plus de pays.

D’un côté, les réguliers du circuit souhaitent une majoration des bourses, tandis que de l’autre, les professionnels de clubs veulent que la manne soit consacrée au développement du sport. Un terrain d’entente est vite trouvé et le circuit de la PGA opérera de façon indépendante dès 1969.

Au fil du temps, les deux entités y trouveront leur compte. Les bourses des différents tournois augmentent de manière substantielle, alors que le PGA of America continue de brasser d’excellentes affaires en organisant le Championnat de la PGA et la Coupe Ryder, notamment.

Mais plus de 50 ans plus tard, un nouveau schisme apparaît entre les joueurs et l’entité qui contrôle le circuit. Et contrairement au passé, un tiers vient complètement changer le rapport de force : le Fonds public d’investissement saoudien (PIF), dont la valeur avoisinerait 620 G$ US.

Le PIF n’en est pas à ses premiers investissements dans le domaine du sport, étant donné qu’il s’est notamment porté acquéreur de Newcastle United en 2020 et d’une partie de l’écurie de Formule 1 McLaren en 2021. Le PIF n’est également pas étranger à la présentation d’un Grand Prix de F1 en Arabie saoudite depuis 2021 et de combats de boxe majeurs dans le royaume.

Les experts appellent ce phénomène le « sportswashing » qui consiste pour un pays à utiliser le sport pour laver sa réputation. L’Arabie saoudite est d’ailleurs dans le collimateur de plusieurs organisations internationales pour ses manquements aux droits de l’homme. Le régime est notamment suspecté d’avoir participé à l’assassinat du journaliste et dissident Jamal Khashoggi.

Mais encore?

Dans leurs critiques, les opposants au circuit LIV reprochent aux super-vedettes qui ont accepté de se joindre à la nouvelle entité de jouer à l’autruche en échange de sommes hallucinantes. Les montants ont de quoi donner le tournis, d’après les informations publiées par différents médias.

Phil Mickelson (200 millions $ US) et Dustin Johnson (125 ou 150 M$), sont en effet passé à la caisse avant d’avoir frappé la moindre balle. Les montants offerts à Bryson DeChambeau, Patrick Reed, Kevin Na, Sergio Garcia, Lee Westwood ou encore Ian Poulter n’ont pas encore fuité.

En conférence de presse mercredi, Westwood, qui est âgé de 49 ans, ne s’est pas défilé. Bien au contraire. « C’est ma 29e saison, a-t-il mentionné. S’il y a une hausse de salaire à mon âge, je serais stupide de ne pas la prendre, ou du moins de ne pas y réfléchir avant de la refuser. »

D’autres golfeurs ont rapidement souligné que les circuits nord-américains et européens avaient l’indignation à géométrie variable et n’avaient aucun remords à accepter l’argent des Saoudiens ou d’autres pays où la démocratie peut être jugée bancale dans le passé. Que le seul motif pour lequel le circuit de la PGA proteste, c’est parce qu’il voit que le tapis lui glisse sous les pieds.

« Le [circuit de la] PGA et le [circuit européen] s’inquiètent de l’origine des fonds parce que ça les arrange bien afin de protéger leurs circuits, a dit Grégory Havret à golfplanète.fr. Je trouve ça paradoxal de les voir s’en offusquer aujourd’hui alors que ça ne les a pas gênés à l’époque. Dans ce cas, on peut également discuter du Qatar, de la Chine, des pays où l’on joue depuis 20 ans. »

Au final?

Bien malin celui ou celle qui peut prédire la suite des choses. Plusieurs golfeurs regarderont le premier tournoi du circuit LIV avec attention et pourraient même le rejoindre. Des golfeurs comme Johnson et Kevin Na ont démissionné du circuit de la PGA, mais tout indique qu’ils pourront néanmoins participer à l’Omnium des États-Unis du 16 au 19 juin au Massachusetts.

Les tournois majeurs sont historiquement ceux qui retiennent le plus l’attention des amateurs et si les dissidents peuvent y prendre part, cela portera un très dur coup au circuit de la PGA. Ils devraient cependant renoncer à la Coupe Ryder, mais la compétition perdrait énormément d’intérêt sans la présence des meilleurs golfeurs au monde. Peu de gens s’en souviennent, mais la Coupe Ryder se déroulait dans l’indifférence avant que les joueurs de l’Europe continentale se joignent à ceux de la Grande-Bretagne et de l’Irlande pour affronter les Américains en 1979.

Ce n’est pas la première fois qu’un nouveau venu souhaite briser un monopole dans l’univers du sport professionnel. Historiquement, les joueurs en ont toujours profité, mais chose certaine, le monde du golf est appelé à changer. D’ailleurs, une refonte du calendrier du circuit de la PGA était déjà dans l’air avant l’arrivée du circuit LIV. Est-ce que cela sera suffisant pour subsister?