PONTE VEDRA - Il y a dix ans, lorsque Rory McIlroy est débarqué au TPC Sawgrass pour y disputer son tout premier Championnat des joueurs, le petit Irlandais n’a fait que passer.

Après des premières rondes de 74 et 77, McIlroy s’est fait montrer la sortie et il a quitté le club sans même toucher un traître sou pour couvrir ses menues dépenses. Sa déception ne s’est pas arrêtée là : âgé de 19 ans l’époque, il s’est également fait montrer la porte au bar de Jacksonville Beach où il s’était ensuite rendu pour adoucir la déception d’avoir été évincé des rondes de la fin de semaine.

Dix ans plus tard, McIlroy n’avait qu’à brandir son trophée de champion du «Players» -- ou le chèque de 2,25 millions $ l’accompagnant – pour se faire ouvrir toutes grandes les portes de tous les établissements de Jacksonville Beach ou d’ailleurs dans ce coin du nord de la Floride.

Fort d’une ronde de 70, McIlroy a gagné son premier Championnat des joueurs avec un cumulatif de 272, soit 16 coups de mieux que la normale.

C’est sa première victoire de la saison. C’est aussi sa première en un an, soit depuis son titre au Tournoi Arnold Palmer Invitationnal au printemps 2018.

«Les années doivent raccourcir, car je ne sens pas que cela fait un an déjà que j’ai gagné. En fait oui. C’était le jour de la Saint-Patrick l’an dernier et ce l’est encore aujourd’hui. Il faut croire que St.Patty’s est bon pour moi», a indiqué en riant McIlroy.

En plus de l’enrichir de plus de deux millions $ et de consolider sa place au sein de l’élite mondiale, cette 15e victoire sur le circuit de la PGA – dont quatre titres majeurs – calmera le vent de critiques qui soufflait de plus en plus fort au visage d’un jeune champion qu’on commençait à qualifier d’incapable de terminer ses tournois en force.

«J’ai appris à me détacher des critiques. Je n’ai pas gagné depuis un an c’est vrai. Mais j’étais souvent dans le coup. Et souvent c’était bien davantage mes adversaires qui gagnaient que moi qui perdais. Je joue du très bon golf depuis un an même si je n’avais gagné qu’une fois avant aujourd’hui. Je ne joue pas pour répondre aux critiques. Je joue au golf parce que c’est le sport que j’aime et parce que j’ai un certain talent. Le reste m’importe peu. Il m’importe beaucoup moins qu’avant alors que mes performances au golf influençaient aussi le reste de ma vie», a indiqué McIlroy en insistant sur le fait qu’il y a maintenant deux Rory : celui qui joue au golf et qui veut gagner et celui qui vit une vie la plus normale possible.

Ce dernier Rory recevra d’ailleurs, dès lundi matin, avec son épouse une décoratrice professionnelle pour remodeler l’intérieur de leur maison…

Expérience, maturité, confiance

Le Rory golfeur a puisé dans ses ressources, dans ses expériences, dans la maturité acquise au fil des dernières années et dans la confiance qui l’habite la potion qui l’a aidé à gagner dimanche.

Une potion qui n’a rien de magique, mais qui est reliée au message qu’il s’est plusieurs fois répété en marchant entre le vert du 16e trou et le tertre du 17e. Un message tout simple : «Effectue trois bons élans et tu vas gagner.»

Fort d’un oiselet sur la normale cinq qu’il venait de quitter, son sixième birdie en 11 trous, l’Irlandais venait de prendre seul la tête avec un cumulatif de moins-16. Un coup devant Jim Furyk qui était déjà rentré au chalet. Derrière McIlroy, Tommy Fleetwood représentait encore une petite menace, mais l’Anglais avait besoin que Rory se barre les pieds et les mains pour espérer le rejoindre, voire le dépasser.

Une fois sur le tertre du 17e, Rory a regardé la petite île qui sert de vert en se concentrant sur le premier des trois bons coups qu’il devait effectuer pour gagner.

McIlroy remporte le Championnat des joueurs

Cette île est redoutée par tous les golfeurs. Pas seulement par les amateurs qui, bon an mal an, envoient 100 000 balles à la flotte plutôt que sur le magnifique gazon où dans la petite fosse de sable blanc située à l’avant du vert, mais aussi par des professionnels qui ont vu des rêves de victoires couler à pic aux sens propres comme figurés.

Mais McIlroy n’avait pas l’intention de se laisser impressionner. «Le 17e est intimidant. Mais dans le fond, tout bon golfeur devrait normalement être en mesure de mettre la balle sur le vert à moins d’effectuer un très mauvais élan. J’ai saisi un fer 9, je l’ai coupé un petit peu, j’ai effectué quelques élans de pratique en regardant la trappe et en me disant de simplement envoyer la balle au-dessus et je me suis élancé.»

Première mission accomplie : avec une balle bien placée au centre droit du vers, Rory y est allé pour deux roulées afin de sauver la normale. Bon! Un oiselet aurait assuré sa victoire un peu plus, mais l’important ici était bien plus de sauver une normale que d’affichée une agressivité potentiellement très coûteuse.

Deuxième bon élan

La deuxième mission était plus difficile à réaliser.

«Le coup de départ du 18e me faisait peur. C’est d’ailleurs le coup le plus difficile que j’ai eu à frapper aujourd’hui. Le vent soufflait davantage et les possibilités d’erreur étaient plus grandes que sur le tertre du 17e, a convenu Rory lors du point de presse qui a suivi sa victoire.

Il a relevé le défi avec brio. Et là encore, McIlroy a expliqué avoir puisé sans ses ressources pour y arriver.

«En 2011 à Hong Kong, j’étais dans une position semblable et je me souviens que je m’étais convaincu de mettre les doutes de côté et de m’élancer de toutes mes forces pour réussir. Je ne sais pas pourquoi, mais cette expérience m’est revenue en tête au 18e aujourd’hui. Je me suis aussi souvenu d’un tournoi en 2012 où, à l’image d’aujourd’hui, une dizaine de gars étaient en mesure de gagner. Je m’étais convaincu que ce gars pouvait très bien être mois et j’avais gagné. De la façon dont la ronde se déroulait cet après-midi, plusieurs gars étaient en position de gagner. Et je me suis répété cette même phrase : c’est à toi de gagner», a expliqué McIlroy.

Troisième bon élan

Bien campé dans l’allée du 18e, Rory McIlroy devait réussir sa troisième mission et effectuer son troisième bon élan pour placer sa balle sur le vert du 18e et assurer sa victoire avec deux roulés.

Bon! Ce troisième bon élan n’était plus vraiment nécessaire.

McIilroy ne le savait pas, mais Tommy Fleetwood, son dernier rival potentiel, venait d’envoyer son coup de départ à l’eau au 17e. Et en passant, 17 balles se sont retrouvées à l’eau au cours de la dernière ronde dimanche, pour un total de 45 cette année. Comme quoi le 17e est peut-être plus redoutable que Rory ne le laisse entendre après tout.

Bien qu’il n’était pas nécessaire, le troisième bon élan a suivi les deux premiers. Il a permis à McLlroy d’attaquer le drapeau et de lui offrir une belle occasion d’oiselet. Il s’est contenté d’une normale, mais c’était suffisant pour gagner.

Une fois la rencontre avec la décoratrice terminée et les commandes passées, Rory McIlroy pourra se tourner vers le tournoi des Maîtres ou il devrait être le favori pour succéder au champion en titre Patrick Reed.

«Je ne regarde pas si loin devant. Je viens de gagner un tournoi important. Mon premier à Sawgrass où je n’avais vraiment connu de succès – il a raté les rondes finales l’an dernier pour une quatrième fois en neuf ans et un partage du sixième rang était son meilleur résultat jusqu’ici – et j’ai bien l’intention de le savourer comme il faut. Je vais m’entraîner», a conclu le champion qui a bien aimé que le fait que le tournoi soit ramené au mois de mars alors qu’il était disputé en mai depuis 2007.

«Ce terrain est intimidant, mais le fait de jouer plus tôt le rend plus attrayant visuellement. On pouvait facilement voir les démarcations entre les allées et l’herbe longue en raison des variations des teintes de vert. En mai, on confond les deux parce que gazon est plus uniforme. Il est aussi plus sec ce qui rend les coups d’approche plus aléatoire», a conclu le champion qui n’allait certainement pas se plaindre du changement après sa victoire.

Surtout que la journée d’hier a offert des conditions un brin irlandaises en raison des nuages, du vent frisquet et des gouttes de pluie qui sont tombées pendant quelques heures.

Sans oublier que ça coïncide avec la St.Patrick.

Ce sont tout bon Irlandais peut profiter et surtout apprécier!