La fumée blanche peut apparaître au-dessus du Centre Bell puisque Geoff Molson et Serge Savard ont terminé leur réflexion. Ils ont trouvé leur homme, un Montréalais de surcroît, dans la cour des Blackhawks de Chicago. Marc Bergevin aura maintenant toute une commande sur les bras, celle de sortir le Canadien de la dèche.

Il était déjà acquis que le successeur de Pierre Gauthier, tout comme celui de Randy Cunneyworth d'ailleurs, seraient francophones. C'est ce qu'on avait promis, même si le président de l'équipe l'avait dit du bout des lèvres. On a senti d'ailleurs qu'il ne lui en aurait pas fallu gros pour qu'il se laisse tenter par la possibilité de retenir les services d'un anglophone comme directeur général. Jim Nill, ça vous sonne une cloche?

Serge Savard, lui, avait été catégorique, tranchant même, dès le début de sa réflexion. Le prochain architecte de l'équipe allait devoir parler français. Parler correctement. Pas lancer occasionnellement des «bonjour, comment ça va» pour calmer la galerie, comme Randy Cunneyworth l'a fait certains soirs quand il était de fort belle humeur après une victoire.

Après la confirmation de Bergevin, il faudra se pencher sur la nomination du prochain entraîneur. À qui faut-il penser dans les circonstances? Certainement à Patrick Roy. Le moment n'est-il pas venu pour le Canadien de se donner un gagnant, un vrai, derrière le banc?

Jean Perron, Pat Burns, Mario Tremblay, Alain Vigneault, Michel Therrien, Claude Julien et Guy Carbonneau étaient tous des recrues quand le Canadien leur a donné leur première chance. Quant à Jacques Martin, qui était bourré d'expérience, il n'avait jamais rien gagné quand le duo Gainey-Gauthier l'a présenté comme celui qui allait conduire le Canadien à la coupe Stanley.

Actuellement, Molson a la possibilité de choisir un ex-grand athlète qui voulait gagner comme un enragé et qui n'a négligé aucun moyen pour y arriver. Un gardien de but qui détestait être battu durant les entraînements. Un homme qui aurait pu sauter sur la première occasion venue pour diriger une formation de la Ligue nationale, mais qui a préféré les rangs juniors pour parfaire ses connaissances et pour s'assurer de pouvoir gagner à nouveau, un jour, à un autre niveau. Un jeune coach qui pousse sa soif de savoir jusqu'à donner des coups de fil à des entraîneurs d'expérience comme Vigneault, Julien et Hartley pour profiter de quelques judicieux conseils.

Bref, Roy ne peut pas être mieux préparé pour un job dans la Ligue nationale. Pourtant, il n'est pas le candidat numéro un à la succession de Cunneyworth en ce moment. Pourquoi? Sans doute parce que c'est trop évident. Dans cette organisation, il faut souvent que ce soit compliqué. Il faut toujours qu'on se dirige là où personne ne va.

Quand Serge Savard a téléphoné à Roy récemment, c'était pour sonder son intérêt pour le poste de directeur général. C'était un appel de courtoisie parce qu'il connaissait déjà sa réponse. Roy a souvent dit publiquement que son unique intérêt était le coaching. Et c'est probablement ce qu'il a répété à son ex-directeur général.

Savard, on s'en rappelle, avait concocté un plan pour l'échanger à l'Avalanche du Colorado quelques jours avant d'être remercié par Ronald Corey. Il voulait se départir du gardien qui lui avait donné ses deux dernières bagues de la coupe Stanley parce qu'il occupait trop de place dans le vestiaire, selon lui. Or, pourquoi son opinion sur Roy serait-elle différente aujourd'hui? Pourquoi n'imaginerait-il pas Roy exerçant un impact trop fort au sein des hommes de hockey?

Molson, qui était occupé à populariser des marques de bière à l'époque, se souvient peut-être vaguement de ça. Comptez sur son conseiller pour lui raconter comment les choses se passaient avec Roy dans le décor. En espérant qu'il puisse lui rappeler du même souffle que si Roy n'avait pas été là, le Canadien n'aurait pas gagné la coupe depuis 1979.

J'ai l'impression que le Canadien attend de voir ce qui se passera à Vancouver avant de prendre sa décision. Si jamais Vigneault est remercié, il pourrait devenir le premier entraîneur à profiter d'une deuxième chance chez le Canadien depuis qu'on avait demandé à Claude Ruel, il y a 33 ans, de relever Bernard Geoffrion après avoir gagné lui-même la coupe Stanley 11 ans plus tôt.

Vigneault et Savard ont des atomes crochus depuis que le coach des Canucks est devenu le premier entraîneur du Rocket de l'Île-du- Prince-Édouard, propriété en partie de Savard et administré par son fils Serge junior. La présence de Vigneault derrière le banc de cette équipe avait contribué à donner de la crédibilité à cette nouvelle concession dans les Maritimes. Ça ne s'oublie pas facilement un coup de main comme celui-là. Pariez que Savard ne détesterait pas lui retourner l'ascenseur.

Surtout qu'il aurait l'occasion de travailler à ses côtés, car lorsqu'il en aura terminé avec son rôle de conseiller principal auprès de Molson, Savard acceptera de rester associé à l'organisation durant deux ans à titre de vice-président aux opérations hockey.

Néanmoins, si le président de l'équipe est vraiment désireux de donner un solide coup de barre et de secouer ce vestiaire qui a perdu autant ses repères que sa fierté, il devrait le démontrer en choisissant une ancienne gloire de l'équipe qui n'attend que son appel pour élaborer son plan de redressement. Le Canadien a un urgent besoin d'un gagnant notoire derrière le banc.

Julien BriseBois devra attendre son tour

On a fait le tour de l'Amérique pour trouver le bon homme pour relancer le Canadien quand on avait sous les yeux un successeur des plus logiques qui a fréquenté deux écoles avec un succès évident: Celle du Canadien et celle d'un leader de premier plan, Steve Yzerman.

Julien BriseBois était un candidat fort crédible. Il est jeune, intelligent, brillant et posé. Durant son stage à Montréal, il a contribué à bâtir sur du solide la filiale de Hamilton. À son arrivée à Tampa, il a demandé à ce qu'on lui confie la même responsabilité au sein de la filiale des Admirals de Norfolk, dans la Ligue américaine. Malheureusement pour lui, le duo Molson-Savard a choisi de regarder ailleurs.

On apprécie l'expérience de Bergevin au niveau de la Ligue nationale. Pour son nouveau rôle, sa feuille de route est plus longue que celle de Brisebois dont le tour viendra avant longtemps. Bergevin est un ancien défenseur qui a patiné dans pas moins de 12 villes du hockey professionnel, soit huit dans la Ligue nationale, trois dans la Ligue américaine et une autre dans la Ligue internationale.

Rappelez-vous les deux grands critères d'embauche émis par Savard dès le départ: Le candidat devait parler français et il était préférable qu'il soit un ancien joueur afin qu'il puisse mieux juger de certaines situations qu'il a déjà vécues de l'intérieur.

Après avoir confirmé l'embauche de Bergevin, ils vont garder un oeil sur Vigneault. La suite des choses s'annonce intéressante. Chose certaine, si on passe outre à la possibilité d'embaucher Patrick Roy sur la seule crainte qu'il puisse occuper une trop grande place dans l'équipe ou qu'il pourrait constamment dire haut et fort ce que tous les autres n'ont pas le cran de dire à voix basse, on commettra une erreur. Ça ne nécessite pas beaucoup de cran pour écarter le meilleur candidat pour une raison aussi faible que celle-là.

Choisir Roy leur éviterait d'avoir à se dire un jour: «On aurait donc dû».