« À 16 victoires de la gloire » - Kaiden Guhle
MONTRÉAL - Debout devant son casier après la victoire qui venait de propulser le Canadien en séries éliminatoires pour la première fois en quatre ans, Kaiden Guhle avait le sourire facile et le torse bombé.
Après avoir sué sang et eau lors d'un « match ordinaire » qui n'avait pourtant rien d'ordinaire, un match au cours duquel il a marqué le premier but de la rencontre et celui de la victoire – un premier match de deux buts d'un défenseur du Tricolore cette saison – Guhle transpirait maintenant la confiance.
« On vient d'accomplir quelque chose de très gros, mais le travail est loin d'être fini. En fait, le vrai travail commence alors que nous sommes maintenant à 16 victoires de la gloire. »
Non! Kaiden Guhle n'a pas promis une 25e conquête de la coupe Stanley et la gloire qui vient avec aux Glorieux et à leurs partisans.
Le jeune défenseur a simplement donné raison au vénérable Pat Burns qui avait sa façon bien à lui d'illustrer la surdose de confiance qu'une présence en séries injectait à tout le monde. « Les partisans qui assuraient en début de saison que leur équipe n'avait pas la moindre chance d'accéder aux séries croient aux chances de cette même équipe de se rendre à la coupe Stanley une fois en séries », que le bon Pat expliquait chaque printemps... ou à peu près.
Est-ce que le Canadien a des chances « d'aligner 16 victoires pour atteindre la gloire », comme l'a lancé Kaiden Guhle?
Pas vraiment!
Bon! Le Tricolore n'a pas vraiment de chances de surprendre les Capitals de Washington en première ronde. Tenez : il a peut-être 2 % de chances d'y arriver.
« À 2 % de chances, tu as encore des chances », que Martin St-Louis a tranché en commentant la présence ô combien improbable de son équipe en séries il y a deux mois à peine.
Rappelez-vous : St-Louis et ses joueurs avaient amorcé la pause associée à la Confrontation des 4 nations après avoir perdu huit de leurs neuf derniers matchs (1-7-1).
Cette séquence avait en partie effacé tout ce que le Tricolore avait fait de bien, de bon et de surprenant en gagnant 13 fois en 17 parties (13-3-1) entre le 17 décembre et le 21 janvier.
Ils ont finalement changé le cours de leur saison en gagnant 15 de leurs 26 dernières parties de la saison; en récoltant au moins un « gros point » dans 21 de ces 26 rencontres (15-5-6). Dont une séquence de 7-2-1 pour terminer la saison.
Ce n'est pas rien. C'est énorme!
« À 2 % de chances de faire les séries, je dois admettre que ma confiance était fragile. Surtout qu'on avait toute la durée de la pause pour penser à tout ça ce qui grossissait encore plus le défi qui nous attendait en revenant. Mais là : on est dedans à 100 %», avait illustré le vétéran défenseur Mike Matheson une trentaine de minutes plus tôt dans le vestiaire à l'intérieur duquel des vagues de soulagement et de réjouissance déferlaient au rythme des commentaires des joueurs présents.
Le soulagement était bien sûr associé au fait de ne pas avoir à attendre le résultat du dernier match de la saison des Blue Jackets de Columbus qui recevront, jeudi soir, les Islanders de Patrick Roy dans un match qui n'aura finalement aucune signification.
Nul besoin d'expliquer la réjouissance. On n'a qu'à la savourer.
« C'est vraiment plaisant de retourner en séries, a convenu le vétéran Brendan Gallagher qui les atteint pour la septième fois de sa carrière. On s'est compliqué la vie, c'était un peu stressant cette semaine, mais maintenant on va tenter d'aller le plus loin possible », que Gallagher a poursuivi.
Gestion du stress
Pour battre le club B des Hurricanes venus de la Caroline, un club B à qui on doit toutefois décerner une note de A pour la qualité de l'effort déployé sur la patinoire du Centre Bell – par moments, surtout en période médiane, les « Canes » étaient l'équipe qui jouait le mieux – le Canadien a dû contenir la pression associée à l'importance cruciale de l'issue du match.
Une pression qui aurait facilement pu étouffer les jeunes joueurs.
Une pression qui a même atteint Martin St-Louis.
« C'est tellement plus difficile de composer avec la pression comme entraîneur que comme joueur. Quand je jouais, je n'avais pas de problème avec la pression parce que je savais que j'avais les moyens pour en venir à bout. J'avais le plein contrôle sur ce que je faisais. Comme entraîneur, une fois que tu as tout fait ce que tu peux pour préparer ton équipe, tu n'as plus le plein contrôle entre tes mains. Tu le remets entre les mains de tes joueurs », que St-Louis a reconnu en quittant la salle d'entrevue à l'intérieur de laquelle il est allé échanger des poignées de main avec les journalistes qui défilaient leurs questions quelques minutes plus tôt.
Une fois les appels au calme de l'entraîneur-chef terminés, des vétérans ont pris la relève pour apaiser le groupe. Pour s'assurer que le stress ne vienne pas à bout de la concentration nécessaire pour atteindre l'objectif.
« Je ne suis pas toujours dans le vestiaire, je ne sais donc pas ce qui s'y est dit et qui s'est levé. Mais je suis convaincu que des gars se sont levés », a mentionné St-Louis.
Lane Hutson a levé une partie du voile en sortant le nom de Brendan Gallagher sans la moindre hésitation lorsqu'on lui a demandé qui s'était imposé dans le vestiaire pour compléter le travail amorcé par l'entraîneur-chef.
« Il est le cœur et l'âme de notre équipe », a convenu le jeune défenseur en parlant du vétéran qui complète une saison exceptionnelle, il faut le dire.
Lane Hutson, complice du deuxième but du match de son partenaire de travail Kayden Guhle, a égalé le record de la LNH pour le nombre de passes (60) récoltées par un défenseur recru. Un record établi par Larry Murphy en 1980-1981.
« C'est cool », a simplement répété plusieurs fois Hutson qui semblait très mal à l'aise d'avoir à qualifier l'impact d'un tel record égalé.
Où serait le Canadien sans Suzuki?
Brendan Gallagher a sans l'ombre d'un doute eu un impact important sur ses coéquipiers avant le match de mercredi et au fil des 81 premiers disputés cette saison.
Kaiden Guhle s'est brillamment repris, mercredi, après que la mise en échec illégale qu'il a assénée lundi contre Chicago a réveillé les Blackhawks et transformé l'avance de 2-0 du Tricolore en revers de 4-3 encaissé en tirs de barrage.
Mais où serait le Canadien sans Nick Suzuki. Le capitaine a atteint le plateau des 30 buts mercredi soir. Il a récolté 89 points cette saison. Plus impressionnant encore, il termine la saison avec un différentiel de plus 19 alors que le Canadien a connu une première moitié de saison atroce en défensive; alors que lui et ses compagnons de trio ont affronté sur une base presque permanente les meilleurs trios des clubs adverses.
Tout ça en assumant son rôle de capitaine avec discrétion et efficacité.
Nick Suzuki est le premier « vrai » premier centre sur qui le Canadien peut compter depuis les premières années de Saku Koivu. Depuis l'époque des Vincent Damphousse et Pierre Turgeon.
Depuis longtemps. Depuis très longtemps.
Suzuki – je vous invite à lire ses commentaires dans le texte de mon collègue Éric Leblanc – a pris la parole pour remercier les partisans après la victoire de mercredi.
Une victoire pour tout le monde comme l'a qualifiée Martin St-Louis.
Le capitaine avait raison de remercier les partisans qui ont transporté leurs favoris depuis le premier revirement de situation en décembre dernier.
Mais les partisans ont eu plus raison encore de l'ovationner pour l'ensemble de ce que Suzuki leur a donné cette année.
Car sans Suzuki, le Canadien ne serait pas en séries ce matin. Il ne serait pas à 16 victoires de la gloire d'une 25e conquête de la coupe Stanley.