BUFFALO – Le problème du Canadien est-il relié au développement ou plutôt au recrutement? La réponse n’est sans doute pas à sens unique, mais Marc Bergevin a tranché au cours des dernières semaines en sacrifiant des hommes du côté de l’encadrement.
 
Du même coup, Trevor Timmins a hérité d’un certain vote de confiance, mais on présume qu’il ne pourra pas retirer sa tête de la guillotine tant que les résultats des sélections du repêchage 2018 n’auront pas été obtenus.

À moins d’une transaction, Timmins pourra garnir la réserve du Canadien de 10 espoirs. Même si Bergevin a défendu son bilan plus d’une fois, sa marge d’erreur est probablement mince.  Quant au principal intéressé, il plaide en sa faveur.
 
« La seule façon d’analyser le recrutement, c’est de retourner dans le passé et de voir le nombre de matchs disputés dans la LNH par les joueurs choisis. Il faut aussi regarder où le joueur a été sélectionné en comparaison avec ceux qui ont été repêchés autour de lui. C’est facile de tirer des conclusions plusieurs années après, mais quand tu te places dans nos souliers, c’est difficile de projeter ce qui arrivera. On est payés pour ça et, grâce à l’expérience accumulée au fil des années, tu deviens plus éduqué pour les projections. Je gravite dans la LNH depuis 26 ans maintenant. J’ai travaillé avec plusieurs directeurs généraux et recruteurs », a témoigné le grand patron du recrutement du Canadien.
 
Les statistiques peuvent donner raison à Timmins qui se classe bien dans sa profession pour les matchs joués. Par contre, il a surtout déniché des joueurs de soutien et non des athlètes de premier plan et la différence pèse lourd dans une évaluation.
 
Dans une année névralgique comme celle-ci, le Canadien a décidé de procéder à une première. L’organisation aura une délégation à Stockholm pour évaluer environ 16 espoirs européens de son choix qui n’ont pas été invités au Combine de la LNH tenu cette semaine à Buffalo.
 
De plus, le Canadien organisera de nouveau ses propres évaluations à Brossard – le 7 juin - en épiant 28 hockeyeurs qui n’ont pas pu se faire valoir dans les derniers jours.
 
« Mais ce ne seront pas seulement des espoirs pour le repêchage, ça inclut des joueurs envers lesquels on pourrait avoir un intérêt pour un contrat de Ligue américaine ou de la LNH », a précisé Timmins qui profite généralement de cette occasion pour épier quelques patineurs de la LHJMQ.
 
« Chaque année, on essaie de faire le plus de travail qu’on peut sur les espoirs qu’on aime. On ne veut pas repêcher un joueur qu’on n’a jamais rencontré, avec lequel on n’a pas passé de temps ou pas fait de tests. Ça peut mener à des erreurs comme du côté médical et tu peux gaspiller un choix », a ajouté le dirigeant.  
 
Selon un règlement de la LNH, le Canadien et les autres équipes peuvent aussi pousser les démarches plus loin avec les espoirs qui ont été invités à Buffalo à condition d’éviter de nouveaux tests physiques.
 
« Tout est important (les entrevues autant que les tests physiques). C’est comme au golf,  chaque information est comme un bâton dans ton sac. Tu dois tous les utiliser pour faire de ton mieux et avoir la projection la plus précise pour un joueur. Mais, le plus important demeure ce qu’on voit sur la patinoire, c’est comme le putter au golf », a comparé Timmins qui était notamment accompagné de Shane Churla, Serge Boisvert, Pierre Allard et Ken Morin, samedi, à Buffalo.
 
Après ces démarches, le Canadien se retrouvera avec sa liste qui sera différente des 30 autres équipes du circuit Bettman. Questionné à savoir s’il élaborait aussi une liste des joueurs à éviter, Timmins a confirmé indirectement que lui et ses confrères en identifiaient certains sans les classer sur papier ou support informatique.
 
Parlant des fameuses listes, Timmins a joué de prudence avec Rick Dudley qui a quitté le Canadien pour relever un nouveau défi avec les Hurricanes de la Caroline.
 
« C’était bien de l’avoir avec nous. Il a beaucoup d’expérience et c’est un bon recruteur. Il a travaillé étroitement avec Shane Churla et moi cette saison et durant la deuxième moitié de la précédente. J’ai été prudent de ne pas lui montrer de liste avant son départ avec les Hurricanes. Il ne sait pas ce que je pense, mais je sais ce qu’il pense », a lancé Timmins en souriant.
 
Après 3 choix de 2e ronde en 2013, en voici 4

Le joueur que le Canadien sélectionnera au troisième échelon va attirer une tonne d’attention et avec raison. Cela dit, la série de quatre choix en deuxième ronde pourrait devenir extrêmement utile à moyen terme. Avec autant de possibilités à sa disposition, Timmins osera-t-il risquer avec un espoir qui semble détenir un immense potentiel.
 
« On cherche des gars qui ont un grand potentiel. Voilà ce qu’on veut repêcher, des gars qui seront de notre top-6 en attaque et du top-4 en défense ou un gardien partant. On veut ajouter des habiletés, de la vitesse, du caractère, de l’éthique de travail. Mais le hockey se joue rapidement maintenant », a-t-il répondu.
 
« Si on repêche un gars qui peut devenir un centre de deuxième trio, mais qui pèse 155 livres présentement, ça ne m’inquiète pas », a utilisé Timmins à titre d’exemple.  
 
En 2013, le CH s’était retrouvé dans une position semblable en pouvant repêcher trois espoirs en deuxième ronde. Timmins et ses collègues avaient jeté leur dévolu sur Jacob de la Rose, Zachary Fucale et Artturi Lehkonen. Sans que ce soit extraordinaire, les joueurs repêchés dans ces environs par les autres formations n’ont rien cassé. Des leçons ont sans doute été tirées de ce contexte.  
 
« Chaque repêchage est différent et le jeu a changé aussi. À ce moment, on cherchait un peu plus de gabarit. Regardez celui qui a le plus de valeur présentement, c’est le plus petit du lot. Le physique n’est plus aussi important. Même en défense, qui aurait pu prédire que Victor Mete serait en mesure de jouer à cet âge dans la LNH, je n’aurais pas pu le faire », a confié Timmins.
 
Le lieutenant de Bergevin sait également qu’il ne veut pas trop se laisser influencer par les besoins actuels du Tricolore.  
 
« Si tu repêches précisément pour des besoins, c’est possible que le joueur ne devienne pas assez bon pour combler cette lacune dans le futur », a justifié Timmins devant les médias montréalais.
 
Le jeu de patience sera probablement l’aspect le plus difficile. Les dirigeants du Canadien vont sans doute se croiser les doigts assez souvent pour que leurs candidats préférés ne soient pas sélectionnés avant chacun de leur droit de parole (les 35e, 38e, 56e et 61e sélections). Comme l’a confirmé Timmins, c’est certain que des joueurs positionnés en première ronde par Montréal seront encore disponibles au deuxième tour.
 
« Oui, assurément. Ça se produit chaque année. »
 
Le danger des jeux vidéos, le départ de Dudley
 
Le sujet peut sembler étonnant, mais il représenterait une préoccupation depuis quelques années. Les équipes de la LNH se méfient des jeunes qui qui consacrent trop de temps aux jeux vidéos.
 
Souvent, ceux-ci s’adonnent à ce passe-temps jusqu’au point de négliger leur repos et leur récupération. Certains vont même jouer durant la nuit avec des amis qui habitent en Europe par exemple.
 
« C’était connu depuis quelques années. Je me souviens d’Ales Hemsky dans son entrevue avant le repêchage. Il était enfoncé dans la chaise, il n’avait pas l’air d’un athlète du tout. On lui a demandé ce qu’il faisait dans ses moments libres et il a répondu qu’il jouait à ça tout le temps », a conclu Timmins.