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MONTRÉAL - Vingt-huit ans après sa dernière conquête de la coupe Stanley, voilà que le Canadien de Montréal se retrouve à une victoire d’un retour en grande finale. Une victoire qu’il pourra signer jeudi, au Centre Bell, donnant ainsi une saveur particulière à la grande fête nationale de la Saint-Jean-Baptiste.

 

Qui l’eût cru?

 

Vous pouvez rayer mon nom de la liste tout de suite.

 

Car oui j’étais convaincu que le Canadien serait balayé du revers de la main par les Golden Knights. Non seulement les Knights avaient connu une bien meilleure saison, mais la victoire difficile (sept matchs) contre le Minnesota en première ronde et celle ô combien émotive aux dépens de l’Avalanche en deuxième ronde devaient logiquement leur servir de tremplin pour atteindre la grande finale.

 

Et voilà que le Canadien est à une victoire de bafouer cette logique sur laquelle je me suis appuyé pour favoriser les Knights... en cinq matchs.

 

Comment expliquer pareil renversement ?

 

Premier facteur : Carey Price est intraitable devant son but. Après avoir été bien meilleur que Jack Campbell et Connor Hellebuyck en première et deuxième rondes, il est encore le meilleur gardien sur la patinoire en finale de l’Ouest.

 

Mais si Price a multiplié les miracles contre Toronto et Winnipeg, s’il a volé des buts à quelques joueurs des Golden Knights et qu’il joue à la hauteur de son talent, de sa réputation et de son salaire, il n’est pas en train de battre les Golden Knights à lui seul.

 

Loin de là.

 

Le Canadien est à une victoire d’une 33e présence en finale de la coupe Stanley parce que collectivement il joue beaucoup mieux que les Golden Knights. Parce qu’il joue avec plus de conviction. Parce qu’il joue de façon méthodique. Parce qu’il applique à la lettre un système de jeu qui permet de mettre ses forces en évidence et de minimiser les risques que l’adversaire puisse profiter de ses lacunes.

 

Mais pour profiter des lacunes du Canadien, encore faudrait-il que les Golden Knights mettent l’effort afin d’y arriver. Ce qu’ils n’ont pas fait mardi du début à la fin du match. Ce qu’ils n’ont pas fait assez souvent depuis le début de la série. Ce qu’on pourra leur reprocher longtemps s’ils sont envoyés en vacances par le Tricolore.

 

En plus de manquer d’intensité, les Knights ont une fois de plus mis en évidence leur manque de profondeur au centre. Une ligne de centre qui est loin de rivaliser avec celle du Canadien qui compte sur un mélange efficace d’expérience avec Phillip Danault et Eric Staal et de jeunesse avec Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi.

 

Malgré le retour de Chandler Stevenson au sein de la formation, ce dernier n’a pas été en mesure de relancer Mark Stone et Max Pacioretty.

 

Pete DeBoer a même permuté Pacioretty et Jonathan Marchessault de trio afin de secouer son attaque. « On a tenté de survolter notre attaque, mais n’avons pas obtenu les résultats qu’on souhaitait », a reconnu l’entraîneur-chef des Golden Knights.

 

Un pour tous, tous pour un

 

 

 

Pendant que les Knights cherchent un moyen de retrouver l’efficacité qui leur a permis d’éliminer le Wild et l’Avalanche lors des deux premières rondes, le Canadien respecte à la lettre la recette qui lui permet de connaître du succès.

 

Tous les joueurs acquis, embauchés et repêchés par Marc Bergevin donnent au Canadien ce que le Canadien attend d’eux pour connaître du succès. Bien qu’il ait été devancé par Lou Lamoriello dans la course au trophée Jim Gregory et au titre de directeur général de l’année, Bergevin voit les nombreuses décisions qu’il a prises au fil des dernières saisons se traduire par des victoires qui le rapproche d’un trophée qui pourrait largement faire contrepoids à celui qui s’est retrouvé entre les mains de Lamoriello et non entre les siennes.

 

Pour gagner, le club bâti par Marc Bergevin doit d’abord et avant tout pouvoir compter sur les arrêts de son gardien. Carey Price les multiplie.

 

Ce gardien doit compter sur une défense qui lui vient en aide pour protéger l’enclave et prendre possession de retour. Weber, Chiarot, Edmundson et Petry protègent mieux leur gardien que les masques N-95 nous protègent de la COVID. Même Jon Merrill et Erik Gustafsson font du bon boulot en appui à un top-4 qui joue du hockey impressionnant on doit le dire haut et fort.

 

Ce gardien et cette défense doivent aussi compter sur l’appui des 12 attaquants. Pas juste pour marquer les buts nécessaires pour permettre à Carey Price de protéger une victoire. Mais aussi pour compliquer les relances des adversaires en contrôlant la zone neutre. Et pour couper des passes, bloquer des tirs et presser l’adversaire en jouant du hockey actif en défense et non passif.

 

Le Canadien a fait tout ça mardi. Et plus encore. Chacun à sa façon, les joueurs du Tricolore ont été des monstres d’efficacité. Ils ont disputé un match pratiquement parfait. En se donnant corps et âme pour la cause de l’équipe, ils n’ont pas seulement battu les Golden Knights 4-1 pour prendre les devants 3-2 dans la série qui se poursuivra jeudi au Centre Bell. Ils les ont fait mal paraître.

 

Pendant de grands pans du cinquième match, on avait l’impression que Marc-André Fleury et l’excellent défenseur Alex Pietrangelo étaient les seuls joueurs vraiment impliqués dans le match pour les Knights.

Les autres étaient soit carrément mauvais, soit éteints par les efforts du Canadien à leurs dépens. Ou par un mélange des deux...

 

Sur le premier but, Josh Anderson a battu Zach Whitecloud de vitesse et a sorti Marc-André Fleury de son filet en tentant de le déjouer. Flairant la bonne affaire, Jesperi Kotkaniemi s’est moqué de Nick Holden qui a regardé KK le battre de vitesse avant de sauter sur une rondelle rabattue dans l’enclave par Anderson pour marquer dans un filet désert.

 

Sur le deuxième but, le Canadien est demeuré bien concentré après que Mark Stone eut envoyé Phillip Danault cul par-dessus tête avec une solide mise en échec assénée après que le Québécois eut amorcé une relance en territoire du Tricolore. Suzuki a poursuivi le travail et Eric Staal venu en relève à Danault a déjoué Fleury.

 

Sur le troisième but, Mark Stone qui est totalement invisible à l’attaque, s’est rendu coupable d’un revirement à la ligne bleue du Canadien. Déjà que ce revirement était inacceptable étant donné que le Tricolore était en attaque massive et que Stone est l’un des finalistes au trophée Selke remis au meilleur attaquant défensif de la Ligue, il est devenu lamentable lorsque le capitaine s’est laissé glisser en zone défensive afin de s’offrir une vue imprenable sur le tir qui a permis à Cole Caufield de marquer son troisième but des séries.

 

Quand la conviction mène aux succès

 

Ces trois buts ont mis en évidence la conviction affichée dans le jeu du Canadien et le manque total de conviction affiché dans celui des Knights.

 

Cette conviction affichée depuis le début de la remontée gagnante aux dépens des Maple Leafs en première ronde se traduit par des victoires bien sûr. Mais aussi par des statistiques éloquentes qui démontrent que ces victoires sont loin de tomber du ciel. Qu’elles couronnent les efforts et l’efficacité du Tricolore.

 

  • Le Canadien a maintenant une fiche de 92 lorsqu’il marque le premier but. Un premier but qui leur permet de fermer le jeu et d’attendre les erreurs de l’adversaire pour aller en ajouter d’autres. Comme on l’a vu mardi soir...

 

  • Le Canadien a maintenant un dossier de 72 dans les neuf matchs qu’il a disputés sur des patinoires ennemies. Il a battu les Leafs trois fois à Toronto, les Jets deux fois à Winnipeg et a signé son deuxième gain en trois rencontres au T-Mobile Arena. Une fiche qui lui inspirera confiance s’il doit y retourner pour un septième match et qui donne raison à Brendan Gallagher qui assurait avant le départ pour Vegas lundi que : « les bonnes équipes gagnent à la maison, alors que les grands clubs gagnent aussi sur la route... »

 

  • Le Canadien a un dossier de 90 lorsqu’il marque au moins trois buts. Cette fiche grimpe à 10-0 dans les matchs au cours desquels le Tricolore a offert au moins deux buts à Carey Price...

 

  • Meilleure statistique encore, le Canadien a non seulement écoulé les 13 attaques massives obtenues par les Knights, mais il a écoulé les 28 derniers désavantages numériques sans accorder de but. Une séquence qui s’étend sur 12 matchs. Il s’agit d’un record. Les Devils en 2000, les Rangers en 1940 et les Red Wings en 1937 partageaient l’ancien record de 10 matchs de suite sans accorder de buts en désavantage numérique...

 

  • Fort d’un autre match parfait, le Canadien n’a accordé que trois buts en 44 désavantages depuis le début des séries. Ce qui lui donne une efficacité sensationnelle de 93,2 %. Une efficacité qui auréole bien sûr le travail de Carey Price devant son filet, mais aussi celui des spécialistes qui compliquent la vie des Knights devant lui...

 

  • Nick Suzuki, la pièce maîtresse de la transaction qui a fait passer Max Pacioretty de Montréal à Las Vegas, a scellé l’issue du match de mardi en marquant dans une cage déserte. C’était son cinquième but des séries. Il a ajouté deux passes : ses 7e et 8e des séries...

 

  • Cole Caufield a marqué son troisième but de la finale contre Vegas. C’est un but de moins que tous les attaquants des Golden Knights réunis ont marqué aux dépens de Carey Price en cinq matchs...

 

  • Et il y a Jesperi Kotkaniemi : KK a marqué son 5e but des séries mardi. Il est rendu à neuf buts enfilés en séries depuis son arrivée dans la LNH. Huit joueurs seulement – Jaromir Jagr (14), Jordan Staal (13), Brent Sutter et Jeremy Roenick (12), Dan Quinn et Wendel Clark (11) de même que Claude Lemieux (10) – revendiquent plus de buts en séries avant d’avoir atteint 21 ans que KK...

 

  • Kotkaniemi a aussi rejoint Claude Lemieux (10 en 1986) et Shayne Corson (6 en 1987) à titre de seuls joueurs du Canadien à avoir marqué au moins cinq buts au cours des séries dans une même année avant d’avoir célébré leur 21e anniversaire de naissance...

 

Un dernier match pour Marc-André Fleury ?

 

Bien qu’ils se retrouvent face à l’élimination, les Golden Knights n’entendent pas baisser les bras ou se laisser abattre par le fait qu’ils ont été totalement déclassés mardi devant leurs partisans.

 

« On n’est pas où on voudrait être, mais il n’y a pas de panique dans le vestiaire. On veut tous faire mieux qu’on a fait ce soir. On doit prendre les moyens pour aller gagner le prochain match », que Marc-André Fleury a lancé après la défaite.

 

Victime de trois buts sur les 25 tirs qu’il a affrontés, Fleury était de retour devant la cage des Knights après avoir été remplacé, dimanche, par Robin Lehner. La tenue du gardien suédois dans la victoire de 2-1 laissait croire qu’il obtiendrait à nouveau le filet mardi.

 

Peter DeBoer a pris une autre décision osée.

 

Maintenant que son équipe est acculée au pied du mur, peut-il vraiment demander à Robin Lehner de venir à la rescousse? Si c’est le cas, il se pourrait que Marc-André Fleury ait disputé son dernier match de la série contre le Canadien.

 

Peut-être son dernier dans l’uniforme des Knights.

 

On verra.

 

Mais peu importe le choix du gardien qui croisera le Tricolore jeudi, les Knights devront être beaucoup meilleurs qu’ils ne l’ont été mardi. Bien que Max Pacioretty ait marqué le seul but de son équipe, les autres fers de lance des deux premiers trios – Mark Stone, Jonathan Marchessault, William Karlsson et Reilly Smith – sont toujours en quête d’un premier but en finale de l’Ouest.

 

« Nous sommes tombés dans leur piège ce soir au lieu de jouer le hockey qu’on doit disputer pour connaître du succès. On doit maintenant aller gagner chez eux et nous le ferons », a lancé le défenseur Brayden McNabb.

 

L’auteur du but qui a poussé le quatrième match en prolongation, dimanche, au Centre Bell, a admis que les partisans des Knights avaient des raisons de huer leurs favoris comme ils l’ont fait en fin de période médiane. « Nous avons été déclassés dès la mise en jeu initiale. Nos partisans sont frustrés avec raison. Nous le sommes aussi », que McNabb a conclu.

 

« Nous avons du travail qui nous attend et nous devons prendre les moyens de réussir. Ils jouent très bien. Ils ferment le jeu. Mais en même temps, il y a des jeux que nous devons compléter. Notre exécution fait défaut. On doit améliorer des facettes de notre jeu », a ajouté Alex Pietrangelo.

 

Incapable de mettre le doigt sur une raison qui expliquerait une aussi mauvaise performance de son équipe dans un moment aussi crucial, l’entraîneur-chef Peter DeBoer s’est assuré de partager le blâme au lieu de l’imputer à quelques joueurs.

 

« Nous étions au neutre collectivement. Il est difficile d’expliquer le fait qu’on manquait de jambe ce soir. Ils ont voyagé comme nous. Ils sont fatigués comme nous. Mais nous étions moins efficaces qu’eux ce soir. Nous devons trouver une façon de rebondir. Ce n’est plus le match qu’on vient de disputer qui compte, mais la réponse que nous offrirons à Montréal jeudi. Nous sommes toujours bien vivants. Nous formons un club qui a du caractère. Nous avons fait face à ce genre d’adversité dans le passé. Nous serons meilleurs lors du prochain match que nous l’avons été ce soir », que Pete DeBoer a conclu.

 

C’est bien beau cette promesse.

 

Mais est-ce que le simple fait d’être meilleurs qu’ils ne l’ont été mardi sera suffisant pour gagner jeudi et pousser la série à la limite des sept matchs?

 

Avec la fougue, la conviction, la confiance et l’efficacité affichées par Carey Price et ses coéquipiers, les Knights devront être plus que simplement meilleurs qu’ils ne l’ont été mardi à Las Vegas s’ils veulent se donner une chance de gagner. Ils devront l’être beaucoup plus.