MONTRÉAL – La dépêche, longue de trois paragraphes, date du mois de mars 2013. Signée par l’organisation des Cougars du collège Champlain et publiée sur le site internet de la Ligue Junior AAA du Québec, elle se veut une petite tape dans le dos à Alex Belzile, qui vient d’obtenir un premier essai dans la Ligue américaine avec les Bulldogs de Hamilton. 

« Toute l’organisation des Cougars souhaite bon succès à son ancien joueur, y lit-on en guise de conclusion. En espérant le voir intégrer les rangs du Canadien de Montréal très bientôt! »

Ça aura finalement pris sept autres années, mais Belzile, après moult détours, a finalement atteint son but. Au cours des dernières semaines, les partisans du Tricolore ont appris à connaître cet infatigable attaquant qui, profitant des circonstances exceptionnelles qu’on sait, a donné ses premiers coups de patins dans la LNH à l’âge de 28 ans.  

« C’est un amoureux de la game. Et quand tu aimes la game comme lui et que tu as un certain talent, tu vas toujours finir par faire quelque chose avec ça. La preuve est là », observe fièrement Stéphan Longpré, qui était gouverneur des Cougars lorsque Belzile y est passé en coup de vent au début de la vingtaine.   

Les joueurs qui connaissent une ascension aussi lente que Belzile jettent généralement l’éponge bien avant de pouvoir sentir les roses. À 17 ans, l’âge auquel les plus prometteurs deviennent admissibles au repêchage de la LNH, le petit gars de St-Éloi jouait Midget AA à Rivière-du-Loup. L’année suivante, il a joué une demi-saison à Lennoxville en espérant un rappel de l’Océanic de Rimouski qui est finalement venu aux Fêtes. 

« Il était arrivé chez nous avec une super bonne attitude, a retenu Stéphan Longpré. Ce qui m’impressionnait, et je m’en souviens très bien, c’est que c’était un petit gars qui adorait le hockey. Il était très difficile à affronter, il ne s’avouait jamais vaincu dans n’importe quelle circonstance. Dans les pratiques, dans les exercices, dans les matchs, c’était un travailleur acharné. Ça a été payant pour lui. Il n’a jamais rien volé à personne. »

Après deux saisons à Rimouski, Belzile est passé chez les professionnels dans l’ECHL. Pendant cette saison recrue, il est tombé dans l’œil de Vincent Riendeau, que le Canadien venait d’embaucher pour s’occuper des gardiens de son club-école. Quand les Bulldogs ont été touchés par les blessures en fin d’année, le nom de Belzile s’est retrouvé sur le bureau de l’entraîneur-chef Sylvain Lefebvre. On lui a accordé un contrat d’essai. Il a obtenu huit points en 14 matchs. 

L’année suivante, une blessure a empêché Belzile de poursuivre sur sa lancée. C’est dans l’ECHL qu’il est de nouveau atterri une fois rétabli. Il y a joué une centaine de matchs avant de recevoir un autre appel du niveau supérieur, cette fois des Rampage de San Antonio. Il a fini par s’y établir comme régulier dans la Ligue américaine. 

« Et quand son nom est repassé sur les listes, les [Canadiens] n’ont pas hésité à le ramener à Laval », raisonne Longpré. 

Des racines fortes

Chaque fois qu’il retourne dans le Bas-du-Fleuve, Belzile fait un arrêt chez Joël Daris. Les deux se sont liés d’amitié au niveau Bantam et ne se sont jamais lâchés. Dans un été normal, on peut trouver les anciens coéquipiers sur un terrain de golf. Il aura fallu des circonstances exceptionnelles pour briser cette tradition. 

« Je suis content pour lui, racontait Daris, un ancien gardien devenu électricien, quelques heures avant le sixième match de la série contre les Flyers. Il l’a tellement voulu, il voulait tellement jouer au moins une game dans la Ligue nationale. Il a travaillé fort, il y a cru. Je suis fier de lui, je suis content pour lui. »

Daris admet que la foi de Belzile n’a pas toujours été réciproque chez ses amis d’enfance. 

« Il a tout le temps été positif. Même cet hiver, après s’être déchiré le muscle pectoral, il continuait de répéter : "C’est l’année prochaine que ça se passe, l’année prochaine..."  Il était descendu voir ses parents à Noël et il est arrêté chez moi. Il avait le bras dans une attelle mais il répétait toujours : "l’année prochaine!". Je crois qu’on était tous moins confiant que lui. » 

« Il a toujours dégagé une attitude très positive, confirme son cousin François Caron. Évidemment les blessures ça n’a pas été facile, mais il m’a toujours dit qu’il voulait continuer, que c’était sa passion. Il aimait ça faire ça et il travaillait fort pour. Des fois les gars, quand ils vieillissent un peu, ils vont se tourner vers autre chose, la passion est moins là. Le corps n’est plus capable de suivre. Mais Alex a toujours continué de travailler avec sérieux. Tant que la passion était là, je crois qu’il allait y croire. Et il a été récompensé. C’était vraiment quelque chose la première fois qu’on l’a vu sur la glace. En séries, contre Pittsburgh... »

Les membres de la famille et les amis de Belzile ont dû suivre son initiation à la LNH chacun de leur côté, les limitations provoquées par la pandémie empêchant les grands rassemblements. Mais ils savent qu’ils reverront bientôt leur fier représentant. Le nouveau numéro 60 du CH a peut-être parcouru l’Amérique pour pourchasser son rêve, mais il n’a jamais oublié d’où il vient.

« Ça c’est sûr et certain, affirme François Caron. Il y a eu trois éditions d’un tournoi de balle qu’il organise dans son village natal. Il y a une partie des profits qui va aux Centre des Loisirs et l’autre partie sert à donner un coup de main aux écoles de la région. C’est sûr et certain qu’il n’a jamais oublié ça. »

Quelques jours avant que la LNH annonce la trêve qui allait ironiquement lui permettre de s’y tailler une place, Belzile a signé un nouveau contrat d’un an avec le Canadien. Sa place est évidemment loin d’être assurée à Montréal pour la prochaine saison. Il y aura toujours un jeune plus prometteur ou un vétéran plus talentueux qui menacera de le faire descendre de son nuage. 

Mais ce n’est rien qu’il n’a pas déjà connu.

« What you see is what you get, fait remarquer Stéphan Longpré. Je ne pense pas qu’il a fait un shift qui a nui à l’équipe, il n’a rien fait de tout croche. Il a donné des minutes où ils n’ont rien à lui reprocher. Il a fait sa job. C’est ça Alex Belzile. Tu peux savoir à quoi t’attendre tout le temps. Il va toujours avoir le pied dans le plancher. »