SOMMAIRE
CLASSEMENT

 

MONTRÉAL - Une fois ou deux, c’est normal. Trois, quatre ou cinq ; on peut comprendre. Rendu à six, on doit commencer à être préoccupé puisqu’une mauvaise et dangereuse habitude est en train de s’installer.

 

Mais quand tu es rendu à 10 défaites, dont six en temps réglementaire, alors que tu menais après deux périodes (18-6-4) et que tu n’as gagné que sept fois alors que tu menais par un but après 40 minutes (7-5-4) ça devient carrément gênant.

 

Ça remet même en cause les notions les plus fondamentales du hockey comme s’est d’ailleurs assuré de le souligner Carey Price.

 

« On nous enseigne depuis le niveau pee-wee à entreprendre la troisième période comme si le score était 0-0. Il me semble qu’on devrait être en mesure de comprendre ça », que le gardien a lancé, comme ça, sans avertissement après une autre défaite qui a fait très mal paraître le Tricolore.

 

Ce qui est plus gênant encore c’est que le Canadien ne s’est pas seulement contenté d’échapper une avance après deux périodes. Ç’aurait été trop simple. Il s’est assuré de le faire après avoir non seulement marqué le premier but du match, mais après s’être offert une avance de 2-0.

 

Le Canadien a pris les devants 2-0 aux dépens des Rangers dans le cadre d’un troisième match de suite. Il l’a fait pour la septième fois en 14 parties depuis le début du mois de février. Il l’a fait pour la 19e fois cette saison.

 

Mais voilà! De ces 19 avances de 2-0, le Canadien en a maintenant gaspillé neuf. S’il a réussi à résister aux remontées de Sénateurs d’Ottawa et des Golden Knights de Vegas qu’il a battus en prolongation et en tirs de barrage les 11 décembre et 18 janvier, le Canadien s’est écrasé lors des sept autres parties encaissant cinq revers en temps réglementaire – dont deux aux mains des Rangers – et deux autres en prolongation.

 

Le Canadien présente donc un dossier de 2-5-2 lors des neuf matchs au cours desquels il a perdu une avance de 2-0 et s’est contenté de trois victoires seulement (3-7-3) dans les 13 parties au cours desquelles il a perdu une avance de deux buts, peu importe le score.

 

De fragile à friable…

 

Ces statistiques démontrent la grande fragilité du Canadien. Rendu là on doit davantage parler de friabilité que de fragilité.

 

Le Canadien se brûle (encore) en 3e

Pas surprenant que le toit du Centre Bell soit tombé sur la tête de Carey Price et de ses coéquipiers lorsque, en milieu de troisième période, lorsque Mika Zibanejad a finalement nivelé le pointage.

 

Ce n’était pourtant que 2-2. Le Canadien, qui avait pourtant complètement dominé les Rangers lors des deux premières périodes, était encore dans le coup. Où aurait dû l’être.

 

Mais non!

 

Soixante-quinze secondes plus tard, profitant d’une largesse de Carey Price et du fait que ses coéquipiers avaient alors les patins profondément engloutis dans une épaisse couche de mélasse, Adam Fox donnait l’avance aux Blue Shirts. Une mauvaise pénalité écopée par Brendan Gallagher a ouvert la porte à un quatrième but sans riposte et le dernier, qui n’était vraiment pas nécessaire tant le Canadien était déjà K.-O. est venu dans un filet désert.

 

Après cet autre effondrement de son équipe, Phillip Danault parlait « d’un gros nuage gris qui flotte au-dessus de nos têtes et qui nous suit depuis le début de l’année. »

 

Rendu au point où le Canadien est rendu, le nuage n’est plus gris. Il est noir. De fait, le nuage est tellement noir que l’entraîneur-chef Claude Julien semblait décider à le percer avec des mots soigneusement choisis.

 

Car quand un coach, après une autre défaite gênante qui moussera les appels à son congédiement, décide de lancer haut et fort, en français, comme en anglais, qu’il n’a pas de réponse à offrir pour expliquer les effondrements répétés de son club, c’est qu’il tient à passer un message.

 

Qu’il tient à passer son message.

 

ContentId(3.1363110):Claude Julien n'est pas de bonne humeur!!
bellmedia_rds.AxisVideo

« On a joué 40 bonnes minutes de hockey lors des deux premières périodes. Mais encore ce soir, on a été incapables de disputer 60 bonnes minutes. On était sur le bout des pieds pendant deux périodes. On a averti les gars avant la troisième. On leur a dit de rester sur le bout des pieds, de ne pas tomber sur les talons. On leur a dit de continuer à dicter le jeu, de continuer de mettre des rondelles derrière leurs défenseurs comme on le faisait depuis le début du match. À un moment donné, ça doit venir d’eux. Je n’ai pas d’autres choses à dire », que Claude Julien a répété, presque mot pour mot, dans les deux langues officielles, après s’être assuré de répéter qu’il n’avait pas de réponses pour expliquer la paralysie qui semble frapper ses joueurs en troisième période.

 

Ah oui! Claude Julien avait quelque chose à ajouter. Il l’a fait lorsqu’un collègue lui a demandé si le vilain but accordé par Carey Price n’était pas attribuable à la fatigue qui pourrait miner le gardien.

 

Après tout, Price disputait hier une 55e partie cette saison dans le cadre d’un 11e départ consécutif, d’un 17e lors des 18 dernières rencontres de son équipe.

 

Le coach n’a pas apprécié l’allusion. Pas du tout!

 

« Soyez sérieux dans vos questions deux secondes! Carey profite de congé entre chaque partie. Il ne patine pas les matins de match. Avez-vous regardé la partie? Il a réalisé de très gros arrêts et vous profitez d’un but ordinaire pour soulever son niveau de fatigue. Franchement! », que Julien a répliqué avant de retraiter vers le vestiaire.

 

Les Rangers en avance...

 

Le 8 février 2018, les Rangers ont lancé un message clair à leurs partisans en annonçant, par le biais d’une lettre tout officielle, le début d’une rénovation majeure de l’équipe. D’une rénovation dont l’objectif était de faire de cette bonne équipe, une très bonne équipe dans un avenir pas trop rapproché.

 

Le Canadien n’a pas écrit de lettre à ses fans. Mais il a lancé le même genre de message. Refusant de parler de reconstruction, Marc Bergevin et son patron Geoff Molson ont parlé de rénovation eux aussi.

 

Deux ans plus tard, les Rangers semblent bâtis sur du solide autour d’Artemi Panarin, acquis par le biais du marché des joueurs autonomes.

 

Autour d’une défense jeune, mais ô combien talentueuse – quand tu peux te permettre de laisser partir Brady Skjei pour un choix de première ronde, c’est que tu es solide – ancrée sur Adam Fox, Jacob Trouba, Ryan Lindgren et Tony DeAngelo, tous acquis par le biais de transactions. Une brigade défensive qui revendique 167 points récoltés depuis le début de l’année. Une récolte qui les places tout en haut de la pyramide dans la LNH.

 

Sans oublier les Mika Zibanejad, Ryan Strome et Chris Kreider que les Rangers viennent de mettre sous contrat à long terme.

 

Et j’oubliais presque le duo de gardiens russes composé d’Alexandar Georgiev et Igor Shesterkin qui est non seulement en voie de détrôner Henrik Lundqvist dans le vestiaire des Blue Shirts, mais qui pourrait même le chasser de New York.

 

Quant au Canadien, il semble bâti avec de la paille tant il s’effondre devant les moindres intempéries.

 

Un club jeune et affamé

 

Pendant que le Canadien s’écrase comme il l’a encore fait jeudi devant les Rangers, les Blue Shirts prennent les bouchées doubles pour démontrer qu’ils seront bientôt à prendre au sérieux.

 

En fait, ils le sont déjà.

 

« Nous formons un club jeune, mais nous sommes affamés. On compte sur des leaders incroyables en Panarin, Zibanejad et Kreider qui sont des exemples à suivre. La direction nous a lancé un message clair en accordant un contrat long terme à Chris [Kreider]. Elle nous a lancé le message qu’elle voulait gagner et qu’elle faisait confiance à l’équipe en place pour y arriver. On le démontre en jouant comme on le fait depuis un bon bout de temps. Nous sommes maintenant dans le portrait des séries. Nous allons nous battre pour tenter de nous hisser parmi les équipes repêchées ou à tout le moins pour compliquer la vie de tous les clubs qui nous devancent », a insisté Ryan Strome après la victoire.

 

Solides les Rangers? Affamés les Rangers? Mettez-en!

 

Ils ont signé jeudi à Montréal, leur 9e victoire consécutive sur la route. C’est non seulement la meilleure séquence du genre cette saison. C’est aussi la meilleure de l’histoire de cette équipe. Ils ont maintenant marqué 81 buts en troisième période cette année. Ils en ont accordé 56. Ce différentiel de plus 25 les place dans la top-3 de la LNH.

 

Ce n’est pas rien!

 

« On a laissé les gars en parler pendant 15 minutes après la victoire et après c’est tout. Pas question de se glorifier avec ça, ou de se laisser décentrer. On a un autre match dès demain », a lancé l’entraîneur-chef David Quinn.

 

Il s’agira d’un match important puisque les Rangers rendront visite aux Flyers à Philadelphie. Une grosse commande pour les deux rivaux de la division métropolitaine.

 

Si le Canadien habitue ses partisans à des effondrements en troisième période, les Rangers habituent leurs fans à des remontées victorieuses. David Quinn identifie d’ailleurs à la remontée du 23 novembre dernier au Centre Bell – le CH menait 4-0 et les Rangers l’ont finalement emporté 6-5… en temps réglementaire – comme le point tournant de la saison.

 

« Nous savons que nous sommes en mesure de rivaliser avec n’importe quand lorsque nous jouons à la hauteur de notre potentiel et surtout en y mettant le travail nécessaire. Nous étions amorphes ce soir lors des deux premières périodes. Le but en fin de deuxième nous a donné l’étincelle dont j’avais besoin pour fouetter les gars. Au deuxième entracte, j’ai demandé aux gars des deux premiers trios s’ils avaient l’intention de jouer avec la même intensité que nos gars des troisième et quatrième trios. On a vu leur réponse en troisième période. Panarin et Zibanejad ne jouent pas souvent ensemble. Quand je les réunis, ça lance un message. Un message à mon équipe, mais aussi un message à l’autre club également. Le message qu’il arrivera quelque chose sur la patinoire. Nos gars se sont rachetés en troisième période et c’est pour ça qu’on a gagné », a conclu l’entraîneur-chef des Blue Shirts.

 

Pendant ce temps à Montréal, on se demande toujours autour de qui le Canadien ancrera sa reconstruction et on se demande surtout si ces piliers seront assez solides pour éviter que le château de paille ne soit balayé dès que l’adversaire lui souffle un brin ou deux dans le cou.