Samedi dernier, après la victoire en tirs de barrage aux dépens des Maple Leafs de Toronto, Nathan Beaulieu a reçu de ses coéquipiers la cape remise au joueur du match. Beaulieu n’avait pas marqué. Il n’avait pas obtenu de passe. Pas même un tir au but.

Beaulieu s’était toutefois imposé physiquement en jetant les gants devant David Clarkson qui venait de frapper sournoisement son partenaire de jeu et parrain : le vétéran défenseur Sergei Gonchar.

Ce samedi, après la victoire de 3-1 du Canadien aux dépens des Blue Jackets de Columbus, c’est au casier de Max Pacioretty que la cape du joueur de la rencontre était accrochée. Avec deux buts, ses 28e et 29e de la saison, deux très beaux buts marqués sur des tirs sur réception, Pacioretty méritait sans doute cet honneur réservé par ses coéquipiers. Il méritait aussi la première étoile de la rencontre qui lui a été décernée.

Mais dans l’ombre de Pacioretty, Beaulieu a disputé tout un match de hockey. De loin, de très loin, son meilleur depuis qu’il est avec le Canadien. Un match sans faille au cours duquel Beaulieu a patiné, a effectué des montées incisives avec la rondelle, a multiplié les passes de qualité, a obtenu deux tirs au but en plus de s’impliquer défensivement en réalisant plusieurs bons jeux et en bloquant six tirs pour aider la cause de Carey Price.

À la hauteur de son talent

Samedi contre Columbus, Nathan Beaulieu a joué comme le Nathan Beaulieu qui évoluait avec les Sea Dogs de Saint John dans la LHJMQ. Comme le défenseur qui contrôlait tout sur la patinoire. Qui jouait avec une confiance frisant l’arrogance. Avec une efficacité tellement prometteuse que le Canadien l’a sélectionné en première ronde (17e sélection) du repêchage de 2011.

« Nathan joue du hockey vraiment solide »

Samedi contre Columbus, Beaulieu a joué à la hauteur de son talent.

Il n’a pas obtenu la cape du joueur du match. Il n’a pas même obtenu l’une des trois étoiles de la rencontre.

Mais une semaine après s’être porté à la défenseur de Sergei Gonchar qui n’a pas revêtu l’uniforme depuis sa blessure, Beaulieu a fait oublier l’absence de Gonchar en assumant le gros du travail au sein du deuxième duo défensif de son équipe.

Derrière Markov et Subban, qui forment l’un des bons duos de la LNH, Beaulieu a été rien de moins que magistral. Ses 27 présences – totalisant 23:45 d’utilisation alors que sa moyenne cette année est de 15:46 – ont été solides, efficaces. Après avoir profité de la présence de Gonchar qui l’aidait à bien paraître, c’est Beaulieu qui aidait Tom Gilbert à bien paraître.

Ça vous donne une idée.

En plus d’être menaçant en attaque – Pacioretty a qualifié de magistrale la passe que lui a servie Beaulieu sur son premier but – et efficace en défense, Beaulieu a même obtenu du temps d’utilisation timide en attaque massive (37 secondes), mais généreux (2:34) en désavantage numérique.

Une confirmation que la qualité de son jeu n’était pas seulement remarquée dans les gradins, les salons et du haut de la galerie de presse, mais aussi derrière le banc du Tricolore.

Bon! Certains diront que Michel Therrien, en raison des blessures qui privent sa brigade des services de Gonchar et d’Alexei Emelin, n’avait pas vraiment le choix de faire autant appel à Beaulieu.

Ce n’est pas faux.

Mais Beaulieu n’a pas seulement été autant envoyé dans la mêlée par dépit, ou défaut. Il l’a été parce qu’il offrait du jeu de qualité.

Confiance assumée

Invité à l’Antichambre après la rencontre, j’ai demandé à Beaulieu si sa prestation face aux Blue Jackets et ses performances de qualité depuis qu’il est jumelé à Gonchar étaient de réponses à tous ceux qui réclament du renfort à la ligne bleue du CH? Si ces performances étaient une façon bien à lui de dire aux partisans, aux observateurs et surtout à son patron Marc Bergevin et à l’ensemble de l’état-major qu’il n’était pas nécessaire d’aller chercher du renfort aux quatre coins de la LNH? Que ce renfort était déjà disponible dans le vestiaire?

Nathan Beaulieu dans l'AC

« M. Bergevin prendra la décision nécessaire pour aider la cause de l’équipe en fonction des besoins présents et futurs de l’équipe. Il fait de l’excellent travail et je lui fais confiance », a d’abord répondu avec prudence Beaulieu.

Une fois l’entrevue terminée, j’ai demandé à Beaulieu qui quittait le plateau s’il était nerveux à quelques jours de la date limite des transactions? S’il craignait voir un ou des défenseurs s’amener pour ainsi lui « voler » un brin, ou deux, ou trois de temps d’utilisation. Il a répondu : « Pas du tout! »

La confiance de Nathan Beaulieu a toujours été remarquée. Reconnue. Ses petits excès d’arrogance tout autant. Même qu’ils ont souvent été dénoncés. L’an dernier et encore en début de saison lorsque Beaulieu a rechigné parce que la direction de l’équipe lui indiquait de prendre la route de la Ligue américaine. Une attitude qui a ouvert la porte à des doutes quant à ses chances de réussite dans la grande ligue.

Des doutes que Beaulieu s’assure de balayer du revers de la main.

« C’est plate jouer dans la Ligue américaine. Personne ne veut se taper les voyages interminables en autobus. Il y a sûrement du bon à tirer de ce mal nécessaire et j’ai certainement appris beaucoup en jouant à Hamilton. Mais la réalité est que chaque année, des joueurs sont prêts à faire le saut dans la LNH et qu’il n’est pas toujours nécessaire de prolonger les séjours dans les mineures », a candidement répondu Beaulieu.

S’il est clair que Beaulieu considère qu’il est maintenant un joueur du Canadien et de la LNH à part entière, il reconnaît que les derniers doutes ont mis du temps à s’effacer. Car oui, même un Nathan Beaulieu, avec la confiance qu’on lui attribue, peut avoir des épisodes de doutes de temps en temps.

« Le déclic s’est fait à deux moments cette saison. Je crois que j’ai tiré une leçon de la très longue période de temps qu’il m’a fallu traverser avant de marquer mon premier but dans la LNH. Je ne croyais jamais que ce serait si long. Et pour être franc, j’espérais en marquer un pas mal plus beau comme tout premier – un tir de loin qui s’est faufilé entre quelques jambières avant de déjouer Andrew Hammond, à Ottawa, mercredi dernier. Mais quand ce premier but est venu, il m’a enlevé beaucoup de pression des épaules. Il m’a donné de la confiance. L’autre effet déclencheur est attribuable à Sergei Gonchar. Il m’a énormément aidé autant sur la patinoire qu’à l’extérieur. Il m’a beaucoup calmé. Il m’a donné confiance. Il m’a guidé vers la meilleure façon de jouer pour offrir de bonnes performances à l’équipe. Pour être efficace », a expliqué Beaulieu à l’Antichambre.

Cette efficacité du jeu offert par Beaulieu, cette nouvelle efficacité, est la plus grande métamorphose que l’on puisse souligner depuis quelques semaines.

On a toujours su que le talent était là. Bien présent. Presque débordant. Mais la quête d’efficacité se noyait parfois dans la quête d’être flamboyant.

En jouant comme il l’a fait samedi contre les Blue Jackets, en jouant comme il le fait depuis la perte de son parrain Sergei Gonchar, Beaulieu confirme que le Canadien a bien eu raison de le sélectionner. Et de patienter avec son développement. Il est même en train de confirmer ses prétentions selon lesquelles le renfort réclamé à la ligne bleue est peut-être déjà au sein du vestiaire du Tricolore.

Les prochains matchs et les prochains jours nous le diront. Mais disons que Beaulieu fait sa part.

Jarred Tinordi tente de l’imiter. En compagnie de Greg Pateryn – je ne suis pas convaincu qu’il soit en mesure de jouer dans la LNH sur une base régulière – Tinordi a disputé un autre match honnête samedi. Il faudrait peut-être que Michel Therrien le convoque à son bureau pour lui dire que s’il est essentiel qu’il s’impose physiquement, il n’est pas nécessaire de jeter les gants pour y arriver. Surtout que Tinordi, malgré sa taille et son courage, ne semble pas le meilleur pour se défendre une fois les gants tombés.

Je dis ça juste de même...