MONTRÉAL – Après avoir évalué la question de tous les côtés, Marc Bergevin en est venu à la fâcheuse réalité du sport professionnel : « Un moment donné, le message ne passe plus » et il assure que Dominique Ducharme s’est imposé, dans sa tête, comme le candidat idéal pour redresser la barque.

 

Bergevin admet que sa nuit de mardi à mercredi a été longue dans le sens qu’il n’a pas beaucoup dormi afin d’en arriver à la bonne conclusion. Il a donc avisé, tôt en matinée, Claude Julien et Kirk Muller que leur association avec le Canadien était terminée.

 

« Je n’arriverai pas ici avec un sourire pour faire des blagues. Je l’avais dit au camp d’entraînement, on a élevé les attentes cette année, c’est du sérieux. Ce n’est pas une journée facile pour personne. Je m’attends à virer le bateau de bord », a commenté le directeur général en admettant que l’émotion était au rendez-vous lors de la conversation avec les deux hommes.

 

Mais le verdict était inévitable, à son avis, puisque le rendement de sa formation ne cessait de s’effriter.

 

« Un moment donné, le message ne passe plus », a-t-il conclu en regardant sa troupe qui en arrache particulièrement depuis le 4 février (2-4-2). 

 

Cela dit, Bergevin s’est empressé de témoigner son respect envers Julien et Muller.

 

« Comme on a pu le remarquer mardi soir, l’effort a toujours été là. Ça prouve que Claude n’a pas perdu son vestiaire. Mais j’ai vu une équipe qui était perdue, qui manquait un peu de sens de direction. Ce sont des choses qui arrivent dans le sport professionnel, que le message ne passe plus après un certain temps », a mentionné le dirigeant en visioconférence à partir de Winnipeg.

 

Il a toutefois refusé d’imputer le blâme à la répartition du temps de glace des attaquants, un sujet qui a suscité de vives réactions.

 

« On n’a pas de joueurs comme McDavid, Matthews ou MacKinnon et on en n’aura pas non plus. On a ce qu’on a, mais on a une très bonne équipe avec de l’équilibre. Le temps de glace n’était pas égal pour chacun, mais on allait jouer beaucoup de matchs et les punitions doivent être considérées. Je ne suis pas prêt à envoyer Claude en-dessous du bus pour le temps de glace », a tranché Bergevin.  

 

Mais, inévitablement, Bergevin a commencé à revoir le film de la saison dernière alors que le Canadien a sombré avec deux séquences de huit matchs sans victoire. Ce douloureux souvenir a pesé dans l’équation tout comme la réalité d’un calendrier écourté.

 

« C’est une décision qui a été très réfléchie. Elle a été finale, dans ma tête, durant la nuit. C’est une décision très importante et que j’assume, mais qui n’a pas été prise à la légère », a précisé Bergevin qui ne ressentait pas l’énergie négative évoquée, lundi, par le capitaine Shea Weber.

 

Bien sûr, c’était fâchant pour Bergevin d’assister au changement de visage son équipe qui avait décollé à vive allure.

 

« C’était frustrant pour moi. Parfois, tu peux blâmer les blessures, mais on en a aucune, zéro ! », a-t-il insisté avec déception.

 

Par contre, les partisans se demandent sans doute pourquoi il n’a pas procédé à ce changement durant la semaine de congé afin de donner plus de temps pour implanter des correctifs.

 

« J’ai voulu donner une chance légitime à Claude et Kirk. Peut-être que cette semaine allait donner l’occasion à l’équipe de se regrouper donc je ne voulais pas appuyer sur la gâchette trop vite. […] Je pensais qu’on allait revenir en feu après le congé, mais je n’ai pas vu ça », a justifié Bergevin en précisant qu’il aurait pu être accusé d’avoir agi trop vite s’il avait bougé à ce moment.

 

Au final, c’est indéniable que Ducharme hérite de l’équipe dans un contexte éprouvant. Il devra procéder, avec ses adjoints, à la vitesse de l’éclair en prévision du match de jeudi contre les Jets. Le rythme ne va pas ralentir par la suite alors que les matchs s’enchaîneront.

 

« Le calendrier n’est pas idéal malheureusement et j’en suis conscient. Ce sera un défi pour Dominique. On a déjà parlé de ce sujet ensemble et on va vivre avec », a réagi Bergevin qui a déniché Alex Burrows, à Laval, pour venir appuyer Ducharme. 

 

« Quarantaine ou non, Dom était mon homme »

 

Une fois qu’il a été convaincu de son geste, Bergevin n’a pas choisi de se tourner vers l’option facile de confier sa troupe à Muller.

 

« J’ai pensé à beaucoup de scénarios, mais à la fin, j’étais 100% confiant que Dominique était la bonne personne pour renverser la vapeur », a maintenu le DG.

 

Interrogé à savoir s’il avait pensé se tourner vers Joël Bouchard, l’entraîneur du Rocket de Laval, Bergevin en a profité pour effectuer une précision.  

 

« Non, et je veux que ce soit clair, quarantaine ou non, Dom était mon homme depuis que j’ai pris la décision. La raison, c’est que Dom est un entraîneur de la nouvelle génération. Il arrive de loin, il a connu du succès dans le junior et avec Équipe Canada Junior. Une nouvelle voix, voilà ce dont l’équipe a besoin à mes yeux. Il est aussi un bon communicateur et, selon ce que j’ai vu, c’est souvent la chose que les joueurs recherchent », a plaidé Bergevin.

 

La communication est toujours un sujet délicat. Encore là, Bergevin a voulu clarifier une chose.

 

« En disant que Dominique est un bon communicateur, ça sonne peut-être que Claude ne l’était pas. Ils ont juste un style différent et ça fait parfois une grosse différence. Vous pouvez l’écrire, je ne veux pas que ça sorte selon quoi Claude était un mauvais communicateur, pas du tout. En français, en anglais, en tchèque, en russe, ce n’est pas le cas », a noté Bergevin qui a choisi de retenir Luke Richardson et Stéphane Waite notamment car il ne voulait pas procéder à un changement trop drastique.

 

En ce qui concerne le statut par intérim de Ducharme, Bergevin a précisé que c’était son poste jusqu’à la fin de la saison et qu’il ne procéderait à aucune entrevue avec un autre candidat durant cette période. Bref, ce sera à lui de prouver qu’il mérite de garder cet emploi.

 

Ducharme devra donc démontrer qu’il peut accomplir la transition d’adjoint à entraîneur-chef avec aplomb. Heureusement pour lui, il est déjà passé par ce manège dans la LHJMQ et avec ÉCJ.

 

« Avant c’était plus difficile, mais, dans les dernières années, on a vu des entraîneurs faire cette transition avec succès. J’ai confiance en Dominique et son parcours. C’est un petit gars de Joliette qui a travaillé fort, il a effectué les pas nécessaires. Je peux vous dire qu’il est prêt et excité », a exposé Bergevin qui se reconnaît dans l’ascension et l’assurance de Ducharme.  

 

« Je pensais qu’il serait nerveux, mais pas du tout. C’est ça que j’aime. Quand je suis arrivé, je n’avais jamais été DG, mais Geoff (Molson) m’a donné sa confiance. Est-ce que j’étais nerveux? Non, parce que je croyais en mes moyens et j’ai ressenti la même chose avec Dominique et c’est ça que j’aime », a prononcé Bergevin.

 

Bergevin prêt à assumer la pression et pas le moment pour blâmer Price directement

 

Depuis son arrivée à Montréal, Bergevin a procédé au renvoi de Michel Therrien et de Julien. Logiquement, la pression se dirige désormais encore plus vers lui.

 

« Je n’ai aucun contrôle là-dessus. Comme DG, je prends des décisions que j’assume et je vis avec les conséquences. Je n’ai aucun problème à mettre ma tête sur la bûche, comme on dit. J’ai confiance en Dominique et j’ai fait des transactions pour lesquelles je n’ai pas eu froid aux yeux », a répondu Bergevin à ce sujet.

 

La pression est indissociable de l’aspect monétaire. Le sacrifice de Julien provoque une autre dépense pour le propriétaire.

 

« J’en suis bien conscient, j’ai dit à Geoff ce que je faisais et il a supporté mon geste. »

 

Si sa journée a débuté de manière émotive en devant annoncer la nouvelle à Julien et Muller, Bergevin a changé de ton quand il s’est adressé aux joueurs.

 

« J’ai été clair : la barre est haute et j’ai confiance en eux. Mais tous les joueurs ont besoin d’en donner plus encore. Pour avoir une équipe de premier plan, il faut parfois accomplir des choses qui ne sont pas plaisantes, mais il faut être prêt à le faire pour atteindre ce que l’on souhaite. Je crois que Dominique fera en sorte que tout le monde sera sur la même longueur d’onde », a raconté Bergevin.

 

Sans aller trop dans les détails, Bergevin souhaite voir quelques correctifs.  

 

« Je sais ce qu’on peut accomplir. Évidemment, nos unités spéciales doivent être bien plus efficaces. On perdait de l’élan, on avait l’air d’une équipe qui n’était pas synchronisée. Dans notre territoire, on court trop après notre queue. Quand on joue à notre mieux, on récupère les rondelles et on attaque rapidement. Notre fiche à domicile n’est vraiment pas bonne et on est l’une des équipes les plus punies de la LNH, c’est une autre chose à corriger dès que possible », a décrit Bergevin.

 

Et pour ceux qui considèrent que le rendement décevant de Carey Price a pesé lourd dans cette décision majeure, Bergevin a refusé d’aborder le tout individuellement.