TORONTO – Marc Bergevin joue son avenir à la tête du Canadien.

Une élimination rapide, une élimination sans que l’équipe qu’il a bâtie pour qu’elle atteigne son apogée en séries éliminatoires n’offre la moindre opposition, lui vaudrait une avalanche de critiques qui pourrait le chasser de Montréal si son patron et propriétaire du CH Geoff Molson coupait finalement les liens de confiance qui unissent les deux hommes depuis des années. Cette avalanche de critiques pourrait même lui enlever le goût de rester en poste même si Geoff Molson décidait qu’il est toujours son homme de confiance.

Mais avec les excellentes transactions qu’il a multipliées, avec les embauches solides qu’il a effectuées et avec la réputation dont il profite – une réputation qui est bien meilleure aux quatre coins de la LNH qu’à Montréal – le directeur général du Canadien se trouverait rapidement un autre emploi. S’il en a encore envie...

Dominique Ducharme joue plus gros encore.

Déjà qu’il a obtenu de pires résultats que Claude Julien qu’il a remplacé en cours de saison – le Canadien a récolté 22 points sur 36 (efficacité de ,611) sous Julien alors qu’il n’a pas même joué pour ,500 (37 points sur 76) sous Ducharme – Dominique Ducharme doit profiter des séries qui commencent jeudi, à Toronto, pour racheter sa saison.

Il doit profiter des séries pour mousser ses chances de voir le qualificatif « par intérim » associé à son titre être levé au lieu d’être tout simplement remercié. Il doit profiter des séries qui commencent ce soir pour s’offrir une chance d’obtenir une deuxième chance quelque part ailleurs dans la LNH si sa première chance avec le Tricolore se termine dans un cul-de-sac.

Dans ces circonstances qu’on peut facilement qualifier de périlleuses, d’autant que le Canadien est très largement négligé dans les prédictions associées à l’issue de la série qui l’attend contre les Maple Leafs, vous croyez une seconde que Bergevin et Ducharme garderaient hors de la formation un joueur plus en mesure de les aider à sauver leur job respectif que ceux sur lesquels ils ont décidé de miser?

Il me semble que ça n’a pas de sens!

Armia préféré à Caufield

Comme plusieurs, pour ne pas écrire la majorité, j’aimerais bien voir Cole Caufield sur la patinoire dès ce soir.

Il a prouvé ses qualités de marqueur. Il a prouvé qu’il est rapide sur la patinoire; incisif dans ses attaques vers le filet adverse; efficace pour se libérer et attirer des passes susceptibles de se transformer en occasions de marquer; plus efficace encore lorsque vient le temps de décocher ses tirs qui sont vifs et précis. Toutes ces qualités en font un atout de premier plan qui aiderait à rendre plus menaçante une attaque massive qui devra être menaçante et efficace si le Canadien veut surprendre bien du monde et sortir les Leafs en première ronde.

Un alignement pour éviter les babounes

En plus, il a prouvé qu’en dépit sa jeunesse et le fait qu’il ne sera jamais un candidat au trophée Selke il est en mesure de ne pas faire mal à ses coéquipiers et à son équipe en se rendant coupable de graves lacunes défensives.

Pour toutes ces raisons, j’aimerais le voir au sein de la formation.

Pourquoi ne jouera-t-il pas ce soir? À moins qu’il soit finalement intégré après une semaine de brouhaha provoqué par l’état-major pour détourner l’attention? À l’heure des grands complots, peut-être que quelqu’un quelque part pourrait croire à ça...

Caufield ne jouera pas parce que Ducharme n’ayant pas le dernier changement, il tient à éviter d’exposer un jeune qui a 10 matchs d’expérience dans la LNH contre certains des meilleurs attaquants de la LNH, contre une formation qui est supérieure à la sienne. Du moins sur papier.

Ça, c’est la première raison.

La deuxième qui est tout aussi valide à mes yeux est que le Canadien a décidé de miser sur deux trios pour contrer – ou tenter d’y arriver – les deux premiers trios des Leafs.

Phillip Danault, flanqué de Tomas Tatar et Brendan Gallagher, devrait sauter sur la patinoire dès qu’Auston Matthews y posera les patins.

Nick Suzuki, flanqué de Tyler Toffoli et Joel Armia, fera la même chose lorsque John Tavares viendra en relève à Matthews.

Si ça ne fonctionne pas, Jake Evans, qui s’est rendu indispensable en fin de saison avec la qualité du jeu qu’il a offert dans les deux sens de la patinoire en compagnie de Paul Byron et Artturi Lehkonen, pourra tenter de compliquer la vie à Tavares... ou un autre centre des Leafs!

Le nom de Caufield est plus « sexy » que les noms de Byron, Lekhonen et Evans mis ensemble. J’en conviens. Mais ces trois joueurs n’obtiennent pas la confiance de leurs coachs en raison de la valeur marketing de leurs noms. Ils l’obtiennent en raison de l’efficacité de leur jeu sur la patinoire. Ce qu’ils offrent, Caufield ne l’offre pas. Et l’inverse est aussi vrai. Mais ce que Evans, Byron et Lehkonen offrent est essentiel pour mousser les chances de victoires du Canadien.

Tout ça est bien beau, mais ça prend des buts pour gagner. Et Caufield a impressionné bien du monde avec ses quatre buts enfilés en dix matchs.

Il m’a d’ailleurs grandement impressionné.

Mais quand j’entends et que je lis qu’il est déjà le meilleur marqueur du Canadien, je trouve qu’on y va un peu fort... comme d’habitude.

Toffoli a marqué 28 buts en 52 matchs cette saison. Il est non seulement le meilleur franc-tireur du Canadien, mais a terminé la saison régulière au septième rang de la LNH au grand complet.

Me semble que c’est difficile à oublier et encore plus à balayer du revers de la main même si Caufield a été impressionnant.

Josh Anderson a frappé un mur en fin de saison. J’en conviens. Mais ses 17 buts et ses performances dans les matchs opposant le CH aux Leafs le placent devant Caufield dans la liste des menaces du Tricolore vous ne croyez pas? Du moins pour le moment.

C’est là qu’arrive Armia.

Je l’ai dit souvent, écrit plus souvent encore, et je vais l’écrire encore ce matin : c’est Armia que j’aurais laissé de côté pour faire une place à Caufield.

J’aurais alors donné à Suzuki deux tireurs de premier plan en Toffoli et Anderson. J’aurais confié aux vétérans Corey Perry et Eric Staal le parrainage de Caufield à cinq contre cinq pour ensuite sortir le petit américain dès que les Leafs écoperaient une pénalité.

L’état-major du Canadien a décidé que la présence d’Armia était nécessaire en compagnie de Suzuki et Toffoli afin d’offrir un ancrage défensif nécessaire lorsque ce trio se retrouvera devant l’un des deux premiers des Leafs.

C’est une décision qui se tient.

Et ce n’est certainement pas une décision prise pour nuire à Caufield et miner son développement comme plusieurs le claironnent depuis une semaine; pas plus qu’une décision prise pour faire un pied de nez aux partisans.

C’est la décision qui permet à Ducharme et Bergevin de croire le plus en leur chance de surprendre les Leafs dans le cadre du premier match de la série et de mousser leurs chances de conserver leur job.

Tout simplement!

KK s’est sorti de la formation

Ce qui est vrai pour Caufield l’est tout autant pour Jesperi Kotkaniemi et Alexander Romanov.

Le Canadien ne sort pas Kotkaniemi de sa formation. C’est KK lui-même qui s’est sorti de la formation en jouant comme il l’a fait dans le dernier tiers de la saison.

Danault, un élément majeur pour le CH

Les défenseurs de KK répliquent que Staal est loin d’avoir mieux fait que le Finlandais. Ce qui est effectivement le cas.

Mais après avoir passé bien du temps avec Kotkaniemi, en tête à tête, devant les vidéos, en séances de motivation, les coachs n’ont pas été rassurés par leur jeune qui est perdu sur la patinoire.

Staal le sera peut-être un peu moins. Surtout qu’il croisera de vieux rivaux qui sont dans la LNH depuis tout aussi longtemps que lui… peut-être même plus. Sans compter qu’avec Perry qui est le genre de gars à obtenir une surdose d’énergie en séries et Anderson, Staal pourra peut-être débloquer offensivement.

J’ai volontairement associé Staal deux fois au mot peut-être. Car il est impossible de prévoir s’il y arrivera. Mais dans son comportement sur la patinoire et dans le vestiaire, un comportement témoignant le fait qu’il est complètement perdu, Kotkaniemi n’incitait même plus les coachs à lui faire bénéficier d’un peut-être.

D’où la décision de lui faire amorcer la série dans les gradins?

Romanov?

L’expérience de John Merrill, acquis à la date limite des transactions, en fait un candidat plus attrayant. Mais pas beaucoup plus attrayant si on considère le fait que ce défenseur reconnu pour l’efficacité de son jeu défensif est loin d’avoir été très efficace depuis son arrivée.

Mais l’expérience joue en sa faveur.

Regardez les Leafs, rappelez-vous le Lightning

C’est à la mode depuis une semaine de souligner que le Canadien est complètement dans le champ en misant sur l’expérience des Staal, Merrill et Armia plutôt que sur la jeunesse des KK, Romanov et Caufield.

Les Leafs seront-ils prêts à payer le prix?

Pourtant, quand on regarde autour de la LNH, ce genre de décision est non seulement la norme, mais elle donne des résultats.

À Tampa Bay l’automne dernier, les joueurs et la direction ont reconnu que les acquisitions de vétérans comme Blake Coleman, Barclay Goodrow, Zach Bogosian et Pat Maroon avaient grandement contribué à la deuxième conquête de la coupe Stanley de l’histoire des « Bolts ».

À Toronto cette année, la direction des Leafs a misé gros à la date limite des transactions pour aller chercher Nick Foligno malgré le fait que ce club comptait déjà sur des vétérans comme Joe Thornton, Jason Spezza et Wayne Simmonds.

Remis d’une blessure, Foligno sera inséré au sein de la formation et devrait chasser Alex Galchenyuk qui connaissait de bons moments avec les Leafs. Même chose pour le vieux Bogosian qui chassera sans doute Travis Dermott de son poste à la ligne bleue. À moins qu’on décide que Rasmus Sandin devra céder sa place.

À Pittsburgh, les Penguins ont misé sur Jeff Carter.

À Boston, les Bruins ont misé sur Taylor Hall.

À Uniondale, après avoir fait l’acquisition d’Andy Greene l’an dernier, Lou Lamoriello a misé sur deux « vieux » qu’il connaissait bien en obtenant des Devils Kyle Palmieri et Travis Zajac.

Je vous fais grâce d’un grand tour de la LNH.

Comme quoi il n’y a pas qu’à Montréal où on mise sur l’expérience à l’aube des séries.

Tous ces vétérans ont pris ou prennent la place d’un jeune espoir. Et ça ne met pas en péril leur développement pour autant.

L’automne dernier à Tampa, Mathieu Joseph a écopé en raison des acquisitions multipliées par son directeur général Julien BriseBois. Ça n’a pas miné sa confiance et son développement. Il l’a prouvé tout au long de la saison.

Kotkaniemi, Romanov et surtout Caufield ont toutes les raisons au monde d’être déçus d’être écartés de la formation ce soir. C’est d’ailleurs le contraire qui serait inquiétant.

Ça ne fait pas d’eux des parias pour autant. Ça ne veut pas dire non plus que plus personne au sein de l’organisation ne croit en leurs chances de connaître de belles, de très belles, voire de brillantes carrières.

Et si les décisions prises à leurs dépens minent à jamais leur confiance comme plusieurs le prétendent, et bien ce sera une preuve qu’ils n’avaient pas la confiance nécessaire pour réussir dans la LNH. Car ces trois joueurs devront surmonter des épreuves bien plus difficiles au cours de leur carrière que celle d’être laissés de côté pour le ou les premiers matchs de la série qui opposera le Canadien aux Leafs ce soir.

C’est sur la glace et non sur les tribunes ou les réseaux sociaux qu’on saura si Bergevin et Ducharme ont eu raison ou se sont trompés.

Et heureusement, on le saura très bientôt. Car après une semaine interminable, ça commence ce soir. Enfin!

Bon match! Bonne série!

Et souhaitons-nous que celle opposant le Canadien aux Leafs soit aussi enlevante que tous les duels déjà amorcés depuis un bon moment dans les trois divisions américaines.