MONTRÉAL - Au fil des quelque 1 300 parties qu’il a dirigées à titre d’entraîneur-chef dans la LNH, Alain Vigneault a guidé plusieurs centaines de joueurs. De ce groupe, trois seulement lui ont donné l’impression qu’ils avaient les capacités de prolonger leur carrière dans la grande ligue à titre d’entraîneurs.

Propulsé derrière le banc du Canadien jeudi à titre d’adjoint au nouvel entraîneur-chef Dominique Ducharme, Alex Burrows est l’un de ces trois candidats.

«J’ai toujours cru qu’Alex, Manny Malhotra et Martin St-Louis avaient les aptitudes pour devenir coachs. Je ne savais pas s’ils avaient le désir de le devenir, mais Alex est maintenant avec le Canadien, Manny est derrière le banc des Maple Leafs, à Toronto, et Martin s’implique dans le développement de ses gars et des jeunes de leur âge dans des programmes avancés aux États-Unis. En plus, Torts – John Tortorella – qui l’a dirigé à Tampa Bay, a fait appel à ses services à titre de consultant pour aider l’attaque à cinq des Blue Jackets. Disons que j’avais vu assez juste», lance Alain Vigneault joint par RDS plus tôt cette semaine à Philadelphie.

Quels facteurs ont attisé les impressions de l’entraîneur-chef des Flyers que ces trois joueurs avaient les aptitudes pour se tourner vers le «coaching» une fois leur carrière active terminée?

«Ce n’est pas parce qu’un joueur a été une vedette dans la LNH ou au contraire qu’il a dû se battre pour y arriver et y rester qui fait qu’il sera un bon coach. C’est la façon de voir la «game», de l’analyser, d’élaborer des stratégies et de les adapter à ce que l’adversaire te met dans les jambes. Quand un gars vient te voir pour te faire des observations sur le plan de match et sur celui de l’adversaire, quand il suggère des ajustements, c’est qu’il a ces qualités de base», souligne Vigneault.

Quand la défensive sert l’attaque massive

Que Martin St-Louis soit appelé en renfort pour maximiser le rendement des spécialistes de l’attaque massive des Blue Jackets va de soi. Membre du Temple de la renommée du hockey, St. Louis a marqué 391 buts et récolté 1033 points au cours des 1134 matchs qu’il a disputés dans la LNH. Cent-un de ces buts et 317 de ces points ont été marqués et amassés en supériorités numériques.

Inversement, Burrows et surtout Malhotra ont toujours été reconnus pour leur sens des responsabilités défensives sur la patinoire. Burrows a inscrit 21 de ses 205 buts lors d’attaques à cinq. Malhotra en compte seulement 12. C’est d’ailleurs surtout pour gagner des mises en jeu importantes alors que son équipe écoulait des pénalités qu’il était envoyé sur la glace.

Voilà que sous la direction de ce spécialiste de la défensive, Auston Matthews, Mitch Marner et leurs coéquipiers ont enfilé 21 buts en supériorité numérique en 21 matchs en plus d’afficher une efficacité de 31,3 %. Des résultats qui les placent au sein de l’élite de la LNH.

Tout juste débarqué avec le Canadien, Alex Burrows aura la tâche difficile de relancer une attaque massive qui après un excellent début de saison – 6 en 20 lors des cinq premiers matchs – a piqué du nez au point de contribuer aux congédiements de l’entraîneur-chef Claude Julien et de son adjoint Kirk Muller dont l’une des responsabilités était justement d’orchestrer l’attaque à cinq.

Jeudi, à Winnipeg, le Canadien a marqué lors de son premier avantage numérique. Jesperi Kotkaniemi a profité d’une bévue de Nathan Beaulieu à la ligne bleue des Jets pour prendre d’assaut la zone ennemie et de servir une passe parfaite à Tomas Tatar. C’était le premier but en attaque massive du Canadien après une disette (0 en 6) de six matchs; après une séquence difficile d’un petit but en 21 occasions lors des neuf dernières parties.

Le but de Tatar a représenté un baume sur une plaie vive. Mais l’incapacité du Canadien d’obtenir le moindre tir lors de son deuxième avantage numérique du match a démontré l’ampleur du défi qui attend Burrows.

«Ce n’est pas surprenant de voir des gars comme Alex et Manny s’occuper du «power play». À Vancouver, ils étaient mes deux spécialistes avec Ryan Kesler. Ils ont affronté des tas de très bons «PP». Ils ont appris à composer avec ces situations difficiles. Ils ont vu ce qui était plus facile à contrer ce qui l’était beaucoup moins. Quand ils élaborent leurs plans, je suis sûr qu’ils le font en se disant : qu’est-ce qui serait difficile à défendre. C’est pour ça que je ne suis pas surpris des succès de Manny à Toronto. Il a de bons joueurs pour compléter les stratégies, c’est sur. Mais les stratégies doivent être bonnes pour que ça marche. Dans le cas d’Alex, donne-lui le temps de s’installer et de bien comprendre les qualités des gars à sa disposition. Je ne suis pas inquiet pour lui. Il va trouver des pistes de solution.»

Tâter le pouls de l’ancien joueur

Comme Manny Malhotra et plusieurs autres adjoints présents derrière les bancs d’équipes de la LNH, Alex Burrows est un tout jeune retraité de la LNH. Une qualité cruciale aux yeux d’Alain Vigneault qui tient à compter sur un ancien joueur au sein de son équipe.

«On a tous joué au hockey à de hauts niveaux et certains coachs en chef ont connu de belles carrières dans la LNH. Mais pour un gars comme moi qui a juste touché à la Ligue comme joueur, c’est vraiment important d’avoir un adjoint qui a joué longtemps. Après mes premières années à Montréal j’ai eu Rick Bowness comme complice à Vancouver. À New York je comptais sur Scott Arneil – carrière de plus de 700 matchs – et j’ai Lappy – Ian Laperrière – ici à Philadelphie. Chaque fois que j’ai des décisions à prendre qui vont avoir un impact sur un ou des joueurs ou sur le vestiaire au complet, je passe par ces gars pour qu’il retourne dans leur peau de joueur et qu’ils me disent comment ils recevraient le message que j’ai à donner. C’est un atout essentiel selon moi d’avoir un gars comme ça sur qui tu peux compter. Et quand tu regardes Alex, je suis sûr qu’à ses dernières années à Vancouver et Ottawa, les coachs allaient déjà le voir pour tâter le pouls du vestiaire. Des gars comme Alex ou «Lappy» étaient des références pour leurs coachs quand ils jouaient. Lappy l’est pour moi ici et je suis convaincu qu’Alex le sera avec le Canadien», a indiqué Vigneault.

Respecté comme joueur et comme entraîneur

Ces joueurs fraîchement sortis de la Ligue courent-ils toutefois le risque de ne pas être pris au sérieux dans le vestiaire en raison de leur manque d’expérience?

«Pas s’ils ont fait leurs armes avant d’arriver derrière le banc», assure Vigneault.

Manny Malhotra a passé trois saisons à titre d’adjoint juché sur la galerie de presse pour analyser le cours des matchs et relayer ses observations derrière le banc des Canucks lorsqu’il a pris sa retraite.

Burrows n’a toutefois pas une longue feuille de route puisqu’il venait d’amorcer sa nouvelle carrière à la droite de Joël Bouchard derrière le banc du Rocket. C’est quand même court comme apprentissage.

«C’est là que la réputation d’un gars comme Alex à titre de joueur va lui servir. Alex a joué à 20 ans dans les rangs juniors. Il est passé par la Ligue de la côte Est avant de venir jouer pour moi au Manitoba dans la Ligue américaine. Il a travaillé fort dans le club-école des Canucks avant de débarquer à Vancouver. Dans le vestiaire, les joueurs savent ce qu’il a fait. Ils savent que c’est à cause de son travail, de son caractère, des sacrifices qu’il s’imposait qu’Alex a impressionné les jumeaux – Daniel et Henrik – Sedin au point qu’ils sont venus me voir un jour pour me dire que c’est lui dont ils avaient besoin pour compléter leur trio. Je viens de franchir le cap des 1300 matchs dans la LNH et j’approche le plateau des 700 victoires. Un gars comme Alex a sauvé ma job bien des fois», que Vigneault a lancé en riant en guise d’éloge ultime à l’endroit de Burrows.

«Avec sa persévérance, Alex a réussi à maximiser toutes ses qualités pour réussir dans la LNH comme joueur. Je suis convaincu depuis longtemps qu’il a les qualités requises pour réussir maintenant comme coach. S’il les maximise comme il l’a fait sur la patinoire, il va réussir de la même façon derrière le banc», de conclure l’entraîneur-chef des Flyers de Philadelphie