MONTRÉAL – Quand on se place dans la tête d’un jeune hockeyeur, Cam Hillis avait toutes les raisons du monde d’être stressé en début de saison. D’abord, il devait se relever d’une horrible campagne en raison de multiples blessures et il n’avait participé qu’à deux matchs éliminatoires du championnat conquis par son équipe. Ensuite, il venait d’être nommé capitaine de sa formation. Mais, surtout, c’était sa dernière chance de prouver aux Canadiens de Montréal qu’il méritait un premier contrat professionnel.

Repêché en troisième ronde par le Tricolore à l’été 2018, Hillis n’était devenu qu’un produit parmi tant d’autres dans une cuvée qui avait ajouté 11 espoirs à l’organisation montréalaise qui ne dispose pas d’une grande latitude de contrats à accorder. Il se retrouvait avant tout en compétition avec Allan McShane, Cole Fonstad et Samuel Houde parce que la LNH fixe une date limite, le 1er juin deux ans après le repêchage, pour s’entendre avec les patineurs en provenance du hockey junior canadien.

Résultat, il a entamé l’année avec une mince récolte d’un but et deux aides en sept matchs.

« Il s’imposait beaucoup de pression dans les trois premières semaines environ. On a eu de bonnes discussions et je lui ai rappelé que c’était important qu’il s’amuse à l’extérieur du hockey pour se changer les idées. Il a fait de petits changements à sa routine pour alléger son esprit, je sais qu’il est notamment un lecteur avide. Ce n’est pas nécessaire de décortiquer sans cesse chaque séquence d’un match », a expliqué son entraîneur, George Burnett, au RDS.ca.

« C’est aussi une évidence qu’il a réalisé que c’était sa dernière chance d’obtenir un contrat avec le CH. C’est clair qu’il veut jouer dans la LNH », a ajouté l’entraîneur du Storm de Guelph.

« C’est vrai, j’ai de grandes attentes envers moi et j’avais tendance à trop m’en faire mentalement. Le hockey est ma vie, mais je dois aussi m’amuser ailleurs et le lancement de ma Fondation (Hillis Found8tion) est relié à ça. Je peux oublier un peu ce qui se passe sur la glace et redonner aux jeunes. Ça me procure du plaisir », a témoigné Hillis à propos d’un sujet sur lequel nous reviendrons.

Le centre droitier a explosé grâce à cette approche modifiée. En 62 parties, il a amassé 24 buts et 59 aides pour 83 points. Rien à voir avec sa saison précédente de 22 points en 33 matchs alors qu’il a été blessé aux côtes, à un genou et deux fois à la même clavicule – ce qui a nécessité une opération pour insérer une plaque et cinq vis. Les doutes à son endroit étaient légitimes après un tel scénario, mais il ne fallait pas sous-estimer sa conviction.

« J’ai continué de croire en mes moyens, je voulais vraiment revenir en force, ça m’a fait du bien de me prouver que je pouvais le faire », a admis Hillis que l’on peut très bien comprendre.

Avec l’ascension de Nick Suzuki et Isaac Ratcliffe au hockey professionnel, Hillis détenait moins de ressources autour de lui. Ça ne l’a pas empêché de dicter le ton.

« Dans une année dans laquelle notre équipe devait être écartée des séries après notre championnat, Cam a été notre meneur pas uniquement comme notre capitaine, mais aussi comme notre joueur le plus constant. C’est dommage pour lui, on aurait aimé qu’il puisse se reprendre pour les séries cette année, mais il a été le meneur du club », a cerné Burnett.

Le travail exposé par Hillis a été reconnu dans le cadre d’un sondage mené auprès des entraîneurs de la Ligue junior de l’Ontario. Il a été choisi dans le top-3 de sa division dans trois catégories : meilleur fabricant de jeux, meilleur attaquant défensif et meilleur centre sur les mises au jeu.

« Il a vraiment connu une saison épatante alors qu’on s’attendait à ce que ça survienne l’an dernier. Il s’est établi comme l’un des meilleurs centres dans les deux sens du jeu dans le circuit. Il a été en mesure de prouver qu’il peut se classer dans l’élite et ne pas être simplement ce bon joueur de 60 à 70 points par saison », a statué le journaliste Tony Saxon qui couvre les activités du Storm depuis plus d’une dizaine d’années.

Une personnalité similaire à Nick Suzuki

L’idée n’est surtout pas de comparer le talent et le style de jeu de Cam Hillis et Nick Suzuki. Oui, il s’agit de deux centres droitiers doués offensivement et défensivement, mais Suzuki dispose de ressources plus vastes dont comme marqueur.

Là où les deux jeunes hockeyeurs se ressemblent avant tout, c’est au niveau de leur personnalité. Hillis et Suzuki sont des jeunes hommes réfléchis qui décodent le hockey de manière cérébrale.

« On a vu comment Suzuki a rapidement saisi plusieurs nuances de la LNH alors que certains joueurs ne sont jamais en mesure de s’adapter. Je vois également Cam comme un joueur qui se démarque des autres via son intelligence », a argué Saxon.

Cameron HillisCette compréhension du jeu a atteint un tout autre niveau en 2019-2020 d’après Burnett et c’était nécessaire puisqu’il n’a pas le physique le plus imposant (cinq pieds onze pouces et 174 livres).

« Il initie les choses sur la patinoire, il n’est pas un gars passif qui attend que ses partenaires exécutent le travail. Parfois, il pousse même un peu trop et il a d’ailleurs réussi une belle transition dans ce sens cette année. C’est-à-dire qu’il parvient à moins se placer dans des situations physiques risquées pour lui. Il faut choisir les situations, tu ne peux pas toujours aller à la guerre, tu dois faire une bonne sélection. Il ne recule pas, mais il a appris à éviter les mauvaises situations », a félicité Burnett.

Au terme du repêchage de 2018, Trevor Timmins disait que le Canadien avait sélectionné un joueur qui n’arrête jamais. Il n’a pas perdu cette identité, mais il l’utilise de manière plus rusée.

Ses qualités de patineur ont progressé en redoublant d’ardeur l’été précédent auprès de Barb Underhill, une référence dans le domaine. Un autre allié a été très utile dans son parcours et il s’agit de Corey Locke, un attaquant que le Canadien avait repêché en quatrième ronde en 2003 et qui a été ajouté au personnel d’entraîneurs du Storm après une carrière qui s’est conclue en Europe.

« Il a été un très bon mentor pour moi, on partage bien des choses en commun. Je veux devenir un centre dans la LNH donc j’ai passé beaucoup de temps sur mes mises au jeu et ça s’est drastiquement amélioré cette année, il m’a aidé sur une multitude de détails après les entraînements », a souligné Hillis.

Une fondation et des cours universitaires

Alors qu’il est privé de son sport de prédilection par la pandémie de la COVID-19 comme des milliers d’athlètes à travers le monde, Hillis a trouvé une façon très honorable d’utiliser une partie de ses temps libres.

Après des mois de démarches, il a lancé sa fondation, en partenariat avec Canadian Tire, pour aider des jeunes défavorisés à pouvoir pratiquer des activités sportives.

« En étant souvent à l’écart du jeu l’an dernier, ça m’a fait aimer le hockey encore plus, ça le rend plus précieux à mes yeux. Avec ce projet, j’essaie de redonner aux jeunes qui n’ont pas autant de chance. On a d’autres idées après l’objectif initial de 8000$ », a déclaré Hillis qui a appris le français à l’école, comme deuxième langue, durant son enfance.

« Ça dit tout, c’est un jeune homme complet qui veut avoir un impact positif. Il fait partie des jeunes dont on souhaite ardemment voir connaître du succès en raison de sa détermination. Il a eu à composer avec bien plus d’adversité que d’autres jeunes et je suis excité de le voir connaître ce succès », a tenu à dire Burnett.

De plus, Hillis trouve le moyen de suivre un ou deux cours universitaires par session et il entend poursuivre le tout. Puisqu’il célébrera son 20e anniversaire en juin, il pourrait faire le saut avec le Rocket de Laval la saison prochaine. L’horaire de la Ligue américaine permet de jumeler le hockey et les études comme le démontre Alexandre Alain.