BOSTON - À l’aube de la série opposant le Canadien aux Bruins, je vous avais suggéré que Carey Price volerait un match, peut-être deux, que les fantômes du Forum l’aideraient un brin ou deux, mais que ce ne serait pas assez pour battre Boston.

Je m’étais trompé.

Oui Carey a volé un match. Le premier. Oui les fantômes ont fait leur part alors que les Bruins ont frappé 11 poteaux contre un seul pour le Canadien, sans oublier le but chanceux de Lars Eller qui a lancé le Tricolore en avant dans le sixième match. Mais j’avais omis un détail important : j’avais omis d’accorder aux autres membres du Canadien la possibilité de rivaliser avec des Bruins qui semblaient pourtant bien trop gros, forts et bons pour eux.

Car au-delà des arrêts de Carey, au-delà la contribution des fantômes, c’est le Canadien au grand complet mené par P.K. Subban qui s’est élevé au rang de grand leader depuis le début des séries, qui a eu le dessus sur les Bruins. C’est le Canadien au grand complet qui passe en finale de l’Est contre les Rangers de New York. C’est le Canadien au grand complet qui m’a fait mentir et fait mentir tous ceux qui croyaient les Bruins trop forts pour le Tricolore.

Après avoir déclassé les Bruins dans les matchs trois et six, le Canadien a su s’imposer une fois encore dans le match décisif qu’il a remporté 3-1 au grand désespoir des Bruins et de leurs partisans qui voyaient leur équipe encore en finale de la coupe Stanley cette année. Et ils n’étaient pas les seuls.

Le Canadien n’a pas disputé un match parfait mercredi soir pour l’emporter et éliminer les Bruins. Loin de là. Il s’est contenté de 18 tirs au but. Il a été très brouillon lors de ses quatre premières attaques massives. Il a été haché finement aux cercles des mises en jeu.

Mais au-delà ces statistiques favorisant les Bruins, le Canadien a été plus opportuniste. Il a aussi été plus combatif. Il m’a surtout donné l’impression de vouloir vraiment gagner, alors qu’on n’a pas senti ce même sentiment du côté des Bruins.

Manque de respect

Pas question de minimiser l’effort déployé par le Canadien. Pas question non plus de minimiser cette victoire en sept matchs. Loin de là.

Mais j’avais l’impression avant même le début de la série que les Bruins ne prenaient pas le Canadien au sérieux. Qu’ils voyaient cet adversaire comme un ennemi démuni qu’ils seraient facilement en mesure de dominer. J’avais ce sentiment avant la série. Je l’avais toujours au lendemain de la victoire du Canadien dès la première rencontre à Boston. Je l’avais surtout mardi midi dans le vestiaire des Bruins alors que personne ne semblait trop préoccupé par le fait d’avoir permis au Canadien de pousser la série à la limite avec sa victoire par jeu blanc (4-0) de lundi.

« Le CH était la meilleure équipe ce soir »

Je sais bien que ce n’est pas vrai. En fait non je ne le sais pas et c’est peut-être au fond un des facteurs qui a le plus joué en faveur du Tricolore. Mais j’ai eu l’impression que les Bruins n’avaient pas peur de perdre aux dépens du Canadien. Qu’ils ne croyaient pas que cela pourrait arriver. Et qu’ils ne le croient probablement pas encore ce matin alors qu’ils sont vacances et que le Canadien a pris la place qu’ils croyaient assurée en finale d’association.

Et c’est peut-être là le plus bel exploit du Canadien dans cette série contre ses grands rivaux de Boston. Le Canadien a affiché le sérieux nécessaire dans chacun des matchs qu’il a disputés. Dominé outrageusement samedi dernier lors de la cinquième rencontre, dominé sur le plan physique comme sur celui du hockey, le Canadien ne s’est pas pointé à Boston la tête basse pour le match ultime. Il s’est pointé au Garden en reconnaissant que le défi était de taille et que l’adversaire l’était tout autant. Mais il a toujours été convaincu que ce défi était possible à relever. Que cet adversaire était possible à renverser. Mieux encore, il a pris les moyens pour relever ce défi, pour renverser cet adversaire.

Victoire d’équipe

Le Canadien n’a pas eu besoin de Carey Price et des fantômes pour gagner le match ultime. Ou si peu.

Il a eu besoin de Daniel Brière et du quatrième trio qui a uni ses efforts pour lancer le Canadien en avant dès la troisième minute de jeu. Brandon Prust avec un échec avant solide, a permis à Daniel Brière de refiler une passe parfaite à Dale Weise qui a inscrit son deuxième but de la série contre les Bruins, son troisième depuis le début de la vraie saison.

Il a eu besoin de David Desharnais qui a non seulement été le meilleur attaquant du Canadien hier en affichant fougue, vitesse, talent et combativité, mais le meilleur attaquant tout court.

But de Pacioretty : Mtl 2 - Bos 0 (2e)

Desharnais a offert une passe parfaite à Max Pacioretty pour doubler l’avance du Canadien en deuxième période. Il a offert une passe tout aussi parfaite à Andrei Markov en troisième, mais le défenseur n’a pu déjouer Rask sur un jeu en tous points semblable à celui qui avait mené au but de Pacioretty. Seule ombre au tableau, Desharnais a été atrocement dominé aux cercles des mises en jeu dont il est sorti avec quatre duels gagnés sur les 17 disputés. Mais après avoir perdu ces mises en jeu, Desharnais n’a jamais baissé la tête. Il ne s’est jamais laissé abattre. Il a patiné, s’est démené, s’est défoncé pour tenter d’aller récupérer les rondelles qu’il avait perdues sur ces mises en jeu.

Desharnais n’est pas le seul à avoir gardé la tête haute malgré les épreuves perdues. Que dire de Daniel Brière. Souffre-douleur de son entraîneur-chef Michel Therrien qui l’a confiné au banc plus souvent qu’à son tour, qui lui a même fait l’affront de le chasser de la formation lors du 5e match, Brière s’est tenu debout.

Non seulement a-t-il préparé de brillante façon le premier but du Tricolore mercredi soir, mais après avoir été limité à deux petites présences en deuxième période et avoir été confiné au banc pour la majorité du dernier tiers, le petit Gatinois est allé marquer le but d’assurance lors de la cinquième tentative du Canadien en attaque massive.

Avec un but et une mention d’aide récoltés en neuf présences totalisant 8 min 6 s d’utilisation, Brière a démontré une fois encore à quel point il est un joueur important en séries éliminatoires. Fort de ses deux buts et six points récoltés en 10 matchs de séries, 10 matchs au cours desquels il s’est contenté d’une dizaine de minutes d’utilisation par rencontre, Brière a maintenu sa production en séries qui s’élève maintenant à 115 points, dont 52 buts, en 118 rencontres.

Le mirage des Bruins

C’est justement cette détermination affichée par Desharnais, Brière et tous leurs coéquipiers qui a permis au Canadien de gagner hier et d’éliminer les Bruins. Des Bruins qui se sont contentés de croire qu’ils étaient meilleurs que le Canadien.

Les échos de vestiaire du CH

Finaliste dans la course au trophée Vézina, Tuukka Rask n’a pas été en mesure de rivaliser avec Carey Price dans cette série.

Finaliste dans la course au trophée Norris, Zdeno Chara n’a pas été l’ombre du défenseur qu’il a déjà été et qu’il a dû être cette saison pour mériter sa place avec Duncan Keith et Shea Weber. Lent, brouillon avec la rondelle, Chara a placé son équipe dans le pétrin plus souvent qu’il ne l’en a sorti au cours de la série. Au cours du septième match. C’est d’ailleurs un juste retour des choses que Chara ait fait dévier la rondelle sur le but de Daniel Brière en avantage numérique en fin de match.

David Krejci, Milan Lucic, Jarome Iginla et la presque totalité des joueurs des Bruins n’ont pas été à la hauteur des prétentions qu’ils affichaient avant la série.

Pourquoi presque? Car Patrice Bergeron, finaliste dans la course au trophée Selke, a lui été à la hauteur de sa réputation. Il a joué à la hauteur de son talent. Il a même été le meilleur des siens confirmant non seulement sa place au sein de l’élite de la LNH, mais aussi les prétentions selon lesquelles il soit le vrai capitaine des Bruins.

Place aux Rangers

Ça nous amène où tout ça? Ça nous amène à New York. En fait non. Ça nous ramène à Montréal où le Canadien profitera de l’avantage de la patinoire aux dépens des Rangers qui se présenteront au Centre Bell pour les deux premiers matchs de la série samedi et lundi.

Maintenant qu’il vient d’éliminer un adversaire qui semblait pourtant bien plus redoutable que le prochain, le Canadien comme ses partisans devra faire bien attention de ne pas commettre la même erreur que les Bruins. De croire que la série sera facile. De se voir déjà en grande finale. De se voir avec la coupe Stanley à bout de bras pour la 25e fois de l’histoire.

On peut compter sur Michel Therrien qui affiche une attitude bien différente cette année derrière le banc que celle qu’il affichait l’an dernier pour calmer ses joueurs, pour calmer le jeu. Depuis qu’il a trouvé une façon de contrôler ses émotions derrière le banc, de les canaliser de façon positive au lieu de les laisser fuir dans toutes les directions, l’entraîneur-chef inspire confiance et une forme de respect derrière le banc de son équipe. Une confiance et un respect qui sont essentiels pour qu’un club patine dans la même direction, accepte et adhère au système qui l’aidera à gagner, à battre des équipes contre qui il ne devrait pourtant pas gagner.

On verra ce que ça donnera en finale.

Mais ce qui est certain, c’est que le Canadien n’a certainement pas volé sa victoire en première ronde alors qu’il a éliminé le Lightning en quatre. Et qu’il n’a certainement pas volé sa victoire en sept matchs aux dépens des Bruins qui pourront prétendre tant qu’ils voudront qu’ils auraient dû gagner, bien qu’ils aient été battus « fair and square » par un club qui était peut-être moins bon sur papier, mais qui a su mieux jouer là où ça compte pour vrai : sur la patinoire.