MONTRÉAL – Les rapports des dépisteurs étaient clairs : Gianni Fairbrother n’était pas un défenseur offensif. Pourtant, c’était par son bâton que transitaient bon nombre de chances de marquer de son équipe au camp de développement du Canadien. Une semaine à peine après avoir été repêché, le jeune homme avait trouvé le moyen d’attirer l’attention.

La tendance s’est répétée quelque mois plus tard, alors que les recrues du Canadien ont voyagé à Belleville pour se frotter à celles des Sénateurs d’Ottawa et des Jets de Winnipeg. Dans les deux matchs amicaux qu’il y a disputés, Fairbrother a bien sûr commis son lot d’erreurs, mais il a aussi continué d’afficher cette audace offensive qu’on lui connaissait moins. On le revoit encore, par exemple, faire une toupie sur lui-même pour trouver la palette d’un coéquipier dans l’enclave, sans regarder, contre les Jets.

On ne gagne pas sa place sur un bulletin de vote du Temple de la renommée dans un tournoi de recrues, inutile de nous le rappeler. Mais vous savez ce qu’on dit à propos des premières impressions, et Fairbrother venait d’en laisser une bonne.

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Mais le grand défenseur n’a pas seulement accroché le regard de ceux qui ne le connaissaient pas durant l’été de ses 18 ans. Quand Dennis Williams l’a accueilli dans son club junior, en septembre, il a lui aussi été témoin de flashes qu’il n’avait pas vus la saison précédente.

« Il avait toujours eu un excellent tir et ça, ça n’avait pas changé, se rappelle l’entraîneur des Silvertips d’Everett au bout du fil. Mais il transportait la rondelle avec beaucoup plus de confiance et de sang-froid. Il attaquait la ligne bleue adverse sans hésitation et il feintait et préparait des jeux en cachant bien ses intentions. Il y avait un nouveau swag dans son jeu. Ce n’était pas de l’arrogance, mais on pouvait voir qu’il avait ramené quelque chose de son séjour à Montréal. »

Cet aplomb nouveau s’est traduit par une production offensive accrue. Délogé de la première unité d’avantage numérique par le retour d’un vétéran de 20 ans de la Ligue américaine en début de saison, Fairbrother a récolté 25 points en 37 matchs avant de voir sa saison écourtée par une blessure à une épaule.

« Il était en voie de connaître une saison de 50 points en jouant derrière des défenseurs qui en ont récolté 65 et 50 », note Williams en bon père de famille.

Ne nous prêtez pas ici l’intention de comparer Fairbrother, un choix de troisième ronde du CH, à un jeune Paul Coffey. De toute façon, Dennis Williams serait lui-même le premier à nous ramener à la réalité. Le jeu défensif était le pain et le beurre de son jeune poulain avant qu’il ne soit repêché et c’est encore le cas un an plus tard, insiste-t-il.

« Dans toute la Ligue de l’Ouest, je suis incapable de nommer un défenseur qui était meilleur que lui en désavantage numérique, s’enflamme de nouveau le pilote de 40 ans. Il y a une expression dans le monde du hockey qui lui va à merveille : il ne bloque pas seulement les tirs, il les mange! Il n’y a rien qu’il ne fera pas pour arrêter une rondelle. Et si vous êtes un joueur qui doit aller se placer devant le filet, croyez-moi qu’il vous fera savoir que c’est son territoire. »

Comme un autre coach

Williams décrit Fairbrother comme un « véritable guerrier » et un « leader accompli », des compliments qui nous semblaient familiers et qui nous ont incités à aller fouiller dans nos archives. Voici ce qu’on y a trouvé : il y a quatre ans, son prédécesseur à Everett, Kevin Constantine, utilisait sensiblement les mêmes termes pour louanger Noah Juulsen.

Williams ne peut se lancer dans le jeu des comparaisons. Juulsen jouait ses premiers matchs dans la Ligue nationale lorsqu’il est arrivé à la barre des Silvertips.

« Mais le nom de Noah revient assez régulièrement dans les conversations ici, souligne-t-il. Pour ma part, je l’ai rencontré une fois dans un tournoi de golf. Il est aussi venu assister à quelques-uns de nos matchs de séries. Je sais donc que c’est un individu ‘A+’ et c’est vrai que le style jeu de Gianni, quand j’y pense, est probablement assez similaire. »

Un rappel : à l’époque où il jouait junior, Juulsen aimait comparer son style à celui de Kevin Bieksa, l’une de ses idoles de jeunesse.

« J’ai parfois l’impression que [Gianni] vient d’une autre époque, poursuit Williams. C’est difficile de trouver des joueurs qui en donnent autant. Il se fait une fierté de dominer sans la rondelle, il frappe, il défend ses coéquipiers, il fait un peu de tout. Il suffit de le voir jouer une fois pour comprendre ce que je veux dire. »

Et même quand il ne jouait pas, Fairbrother s’est avéré un atout précieux pour son entraîneur. Dès qu’il est devenu clair que sa blessure ne le tiendrait plus à l’écart pour bien longtemps, le convalescent a été invité à accompagner ses coéquipiers sur la route.

« Je l’utilisais quasiment comme un autre coach, une autre paire d’yeux, et je crois qu’il a apprécié cette opportunité, retient Williams. Dans le vestiaire, c’est un gars qui parle peu, mais dont chaque mot a de l’importance. Il comprend la game, il peut rapidement identifier un problème et sa solution. Et quand il parle, les gars l’écoutent. »    

Fairbrother en ajoute avec un but