MONTRÉAL – « Il aurait pu bouder, se plaindre ou pleurer dans un coin. »

 

Jim Madigan, l’entraîneur de Cayden Primeau avec les Huskies de Northeastern, a bien raison. S’il n’avait pas été solide psychologiquement, sa jeune carrière aurait pu être anéantie à la suite du repêchage de 2017. Pressenti comme un choix de troisième ou quatrième ronde, il aura fallu que le Canadien procède à une transaction pour choisir Primeau en septième ronde (199e rang) en tant que 21e et dernier gardien de cette cuvée.

 

Mais que s’est-il passé pour que la valeur de ce gardien de six pieds quatre pouces périclite de cette façon ?

 

La réponse est venue dans un article du confrère Eric Engels. Victime des paroles négatives de Clay Adams, son entraîneur des gardiens dans la USHL, à quelques recruteurs, Primeau a été boudé par toutes les équipes, sauf le Canadien.

 

À vrai dire, la formation montréalaise aurait également ignoré le fils de Keith sans l’intervention du vétéran recruteur Bill Berglund. Dans le cadre de son dernier repêchage pour le Canadien, il a convaincu Trevor Timmins et Marc Bergevin d’acquérir un dernier droit de parole pour le réclamer.

 

Primeau devait donc se relever de cette expérience éprouvante ainsi que d’une saison ordinaire – même décevante selon certains – pour son entrée universitaire. Disons que les attentes n’étaient pas extraordinaires surtout qu’il devait camper un rôle de réserviste comme la logique le veut pour les recrues universitaires.

 

Contre toute attente, c’est son rendement qui a été extraordinaire. Même les spécialistes du hockey universitaire américain sont encore épatés par ses débuts. En plus de se hisser comme gardien numéro un, il a été choisi parmi les cinq meilleurs gardiens de la NCAA et le seul qui n’était pas âgé de 20 ans ou plus.

 

Cayden PrimeauAu lieu de se laisser abattre par les répercussions de ces commentaires, « il a plutôt utilisé cette épreuve pour se motiver et démontrer qu’il est bien meilleur qu’un choix de septième ronde et que les autres gardiens sélectionnés avant lui », a relevé Madigan qui a grandi à Montréal jusqu’à l’adolescence.

 

Voici la deuxième question qui s’impose. Comment expliquer que le Canadien n’ait pas réagi de la même manière que les autres organisations ?

 

« Bill Berglund, qui est un ancien gardien, a d’abord été l’un de mes entraîneurs à Northeastern et j’ai ensuite été entraîneur adjoint avec lui. Il connaissait très bien Cayden et il l’a regardé avec ses yeux de gardien. Il savait que l’entraîneur des gardiens à Lincoln n’avait pas raison de dire ce qu’il a dit à son sujet. Il a fait ses devoirs, il m’a appelé souvent pour s’informer », a expliqué Madigan.

 

Au moment de rencontrer les médias, à Chicago, quelques minutes après avoir été choisi par Montréal, Primeau avait préféré voir le positif au lieu de déplorer l’interminable attente qui avait marqué sa journée. Cela dit, à cet instant, il ignorait la cause de sa chute dans l’estime des recruteurs.

 

« Ce n’était clairement pas une sensation agréable, mais j’essaie de ne pas trop m’en faire avec ça. Je suis content de voir que Montréal a décelé quelque chose de prometteur dans mon jeu au lieu de se laisser influencer par des commentaires », a exprimé Primeau, qui mesure maintenant six pieds et quatre pouces, à ce sujet.

 

L’attitude de Primeau est louable et elle laisse présager la grande force de caractère qui anime ce jeune homme. Imaginez, dans la cour d’école, le garçon qui se fait choisir en dernier pour une partie de ballon-chasseur et qui réplique en étant dominant et meilleur que des élèves plus vieux que lui de quelques années.

 

« C’est clair que ça en dit long sur un athlète de son âge quand il est capable de rebondir de cette manière. Bien sûr, il voulait montrer que les autres équipes ont eu tort et il l’a fait avec panache. Il y a aussi son père qui a été d’une aide précieuse pour l’encadrer. Cayden a gravité dans le monde du hockey pour la plupart de sa vie. Il a comme un pedigree, il comprend, via l’influence de son père, ce que ça prend pour se préparer adéquatement », a confié Madigan avec admiration.

 

S'imposer contre des hommes à 18 ans

 

Son exploit ne s’arrête toutefois pas à cette démonstration de « dureté du mental ». Primeau vient d’accomplir l’une des saisons les plus remarquables pour un gardien de son âge dans la NCAA. Même les experts de ce calibre universitaire sont épatés par ses démonstrations en 2017-2018 contre des hockeyeurs de 18 à 23 ans.

 

« Étant natif de Montréal, je sais que plusieurs Canadiens ne réalisent pas à quel point le calibre du hockey universitaire américain est relevé parce qu’ils sont habitués au hockey junior canadien. Il est arrivé, à 18 ans, contre des hommes et il a été excellent pendant toute l’année contre ce type d’opposition. Ses mauvais moments ne se calculent même pas en matchs, mais bien en périodes. Je dirais qu’il a connu quatre mauvaises périodes dans l’année et c’est tout », a décrit Madigan.

 

Confiant en ses moyens, Primeau reconnaît cependant qu’il a été quelque peu surpris par son rendement.

 

« Oui, parce que je n’ai pas connu la meilleure saison l’an passé. J’abordais l’année en sachant que ce serait difficile, mais on avait tellement une bonne équipe que la transition s’est effectuée bien plus facilement », a réagi Primeau qui ne s’attendait jamais à figurer parmi les finalistes au trophée Mike Richter.

 

« C’est plutôt fou. Cale (Morris, le gardien de Notre Dame) a été très bon cette saison, il a permis à son équipe de gagner plusieurs matchs. Je veux apprendre de lui et faire la même chose la saison prochaine. Je n’ai pas besoin d’aucun titre pour me motiver, mais ça peut aider de viser des objectifs comme ça », a noté Primeau qui s’inspire autant du côté athlétique de Pekka Rinne, du contrôle de Carey Price et de l’approche active et agressive de Sergei Bobrovsky. Jim Madigan

 

Le constat est partagé par son entraîneur. Madigan n’a eu d’autre choix que de lui confier le poste de partant.

 

« On savait qu’il était bon, mais, pour être honnête, on ne croyait pas qu’il serait dominant à ce point dès cette année », a dit Madigan qui a remporté le Beanpot (photo à droite) grâce à Primeau notamment.

 

Il pourrait faire le saut après 3 saisons

 

Les rapports des dépisteurs indiquent que Primeau a modifié quelques aspects de son arsenal en oeuvrant auprès d’Ed Walsh, l’entraîneur des gardiens à Northeastern. Il se tient moins reculé devant son filet et il a progressé quant au contrôle des retours.

 

« Je sens vraiment que je défie mieux les tireurs que par le passé. Je suis capable d’être plus avancé dans mon demi-cercle et même au-delà de celui-ci. Je parviens à mieux suivre du regard la rondelle depuis quelques mois. Je me suis retrouvé dans un état d’esprit que la rondelle était grosse comme un ballon de plage, ça rendait mon travail nettement plus facile », a raconté Primeau qui n’est pas encore satisfait de sa gestion des retours.

 

Maintenant qu’il a attiré les regards vers lui pour les bonnes raisons, Primeau devra composer avec des attentes immenses.

 

« Ce n’est pas un problème à mes yeux, je veux laisser parler mon jeu tout simplement », a commenté celui qui est né alors que son père s’apprêtait à entamer son parcours avec les Flyers de Philadelphie.

 

D’abord adjoint pendant sept ans à Northeastern, Madigan a ensuite été dépisteur pendant 18 ans (de 1993 à 2011) avec les Islanders et les Penguins. Il a repris le collier avec les Huskies depuis 2011 à titre d’entraîneur-chef. Au fil du temps, il a dirigé des joueurs comme Josh Manson, Matt Benning et Adam Gaudette qui ont choisi de quitter les rangs universitaires après trois années. Nolan Stevens, Dylan Sikura et Zachary Aston-Reese ont toutefois préféré de compléter leur stage universitaire de quatre années avant de grimper chez les professionnels.

 

Quand il songe à la situation de Primeau, il parle de son « énorme potentiel » et du fait qu’il n’est pas du style à se vanter. Madigan se prépare même déjà à l’idée que son protégé fasse le grand saut après sa troisième saison.

 

« Cette possibilité existe, absolument. Il jouera beaucoup de hockey pendant sa deuxième et sa troisième année. Sa tangente laisse sans doute croire qu’il peut partir après sa troisième année, mais il y a quand même Carey Price, et un gros contrat, devant lui en plus des autres gardiens », a conclu Madigan.