Phillip Danault avait mille et une raisons de disputer un match solide jeudi. Ou plus de 30 millions de bonnes raisons si vous préférez dresser une analogie avec le contrat que le centre québécois espère signer avec le Canadien… ou une autre formation de la LNH.

 

En quête d’un premier but cette saison – lui et Paul Byron sont les deux seuls attaquants en plus des défenseurs Brett Kulak et Victor Mete à ne pas avoir touché le fond du filet après 11 matchs – Danault semblait affecté par cette statistique depuis quelques parties. Déjà qu’il n’affichait que trois mentions d’aide avant d’affronter les Sénateurs.

 

Dans un contexte normal, ces statistiques timides n’auraient pas le poids d’un boulet accroché à l’un de ses patins. Surtout que la saison dernière et les autres avant, Danault pouvait multiplier les actions défensives de qualité pour faire contrepoids au manque à gagner de sa production offensive.

 

Mais dans le cadre d’une dernière année de contrat menant à l’autonomie complète, ces statistiques un brin timides certes, mais qui n’ont rien d’alarmantes, semblaient difficiles à encaisser depuis le début de l’année.

 

Elles semblaient même peser de plus en plus lourd au point de ralentir l’attaquant le plus efficace et peut-être même le plus important du Canadien depuis quelques saisons.

 

Rien pour alléger la pression qui s’accumule sur le dos de Danault, son temps d’utilisation a commencé à s’étioler à la faveur des jeunes Suzuki et Kotkaniemi qui sont en progression. Même Jake Evans a vu ses responsabilités croître au fil des derniers matchs. Il a même parfois été envoyé dans la mêlée pour disputer des mises en jeu importantes.

 

Des mandats qui, jusqu’à l’an dernier, étaient toujours ou à tout le moins très souvent confiés à Danault.

 

Entre encouragement et traitement-choc

 

Jeudi, lors de l’entraînement matinal, Danault a parlé longuement avec Claude Julien. Ou Claude Julien a longuement parlé avec Phillip Danault. C’est selon!

 

De son propre aveu, le coach voulait rassurer son vétéran joueur de centre. Après l’entraînement, Julien a d’ailleurs vanté l’ensemble du travail de Danault malgré l’absence de but, le faible nombre de passes et la fluctuation à la baisse de la quantité et de la qualité du temps d’utilisation qu’il lui réserve depuis le début de l’année.

 

Un message qui a semblé aider le principal intéressé.

 

Car jeudi soir, même si Danault n’a pas marqué, il a récolté deux passes. Plus encore, son trio a été bien meilleur qu’il ne l’avait été au fil des derniers matchs. Une performance qui, sans totalement apaiser Danault, l’a certainement rassuré.

 

Claude Julien a-t-il simplement encouragé Danault ou s’est-il permis de le piquer afin de lui servir un électrochoc qui semblait nécessaire ?

 

« Les deux », a candidement reconnu Claude Julien.

 

« Quand tu connais Phillip Danault, tu sais qu’il faut choisir le bon moment pour l’encourager et le bon moment pour le piquer. Il a encore disputé un bon match jeudi. Il a travaillé. Il a obtenu des occasions de marquer. Son trio a été le meilleur pour nous hier soir », a ajouté l’entraîneur-chef.

 

« Claude est un excellent coach pour moi. Il sait comment me prendre. Il sait quand c’est le temps de me piquer. Mais ça doit aussi venir de moi. S’il passe son temps sur mon dos, je n’aimerai pas ça et il n’aimerait pas ça lui non plus. Je dois faire ce que j’ai à faire », a reconnu Danault au lendemain de sa sortie encourageante.

 

Situation difficile, voire impossible

 

Mais cette sortie encourageante ne change en rien la réalité qui guette Danault cette année.

 

« Ne vous fiez pas au compteur de Danault »

Les buts qu’il marque, ceux qu’il prépare, les mises en jeu qu’il gagne, les pénalités qu’il écoule sans accorder de but, les replis qu’il multiplie pour briser des attaques ennemies sont d’une importance capitale pour l’aider dans les négociations qui mèneront à la signature de son prochain contrat.

 

Ces données sont aussi importantes que les buts qu’il rate, ceux qu’il n’arrive pas à offrir à ses coéquipiers, les mises en jeu qu’il perd, les buts marqués pendant qu’il écoule une pénalité et les replis qu’il bousille.

 

Chaque action positive est aussi capitale que l’action négative qui la suit ou la précède.

 

Jouer au hockey dans la LNH, à Montréal où tout est analysé à la loupe, encore plus dans le cas d’un joueur francophone est déjà difficile. Ça devient vite presque impossible lorsque le joueur est en quête d’un nouveau contrat, que ses agents se sont permis de lever le nez sur un magot d’une trentaine de millions $ et que des jeunes centres semblent avoir pris ta place, être sur le point de le faire ou qu’ils te soufflent déjà dans le cou comme le font Nick Suzuki, Jesperi Kotkaniemi et Jake Evans.

 

C’est sur cette glace vive que Danault patine cette année. En fait, cette glace ressemble plus à un carré de sable qu’à une belle glace. Mais bon !

 

Phillip Danault savait ce qui l’attendait lorsqu’il s’est présenté au camp. Il savait que rien ne serait facile après que lui et le Canadien n’aient pu s’entendre sur les paramètres d’un nouveau contrat à long terme alors que les Gallagher et Petry y étaient arrivés. Alors que les Anderson, Toffoli et Edmundson accaparaient maintenant une portion de la marge de manoeuvre du Tricolore qui devait servir à assurer son avenir à Montréal.

 

En fait, Danault devait savoir que tout serait difficile et même plus difficile que ce l’était avant. Et ce l’était déjà pas mal…

 

Avant de mettre le cap sur Ottawa où lui et ses coéquipiers tenteront, samedi après-midi, de venger le revers de 3-2 encaissé jeudi aux mains des Sénateurs, Phillip Danault a reconnu que les aléas de cette saison cruciale pour le Canadien, mais surtout pour lui et son avenir, l’ont affecté.

 

« C’est sur que c’était un peu frustrant de composer avec mes changements de responsabilités en début de saison. Mais quand l’équipe gagne, c’est tout ce qui compte. J’ai dû m’adapter, mais ce n’était pas difficile à digérer, car dans le fond j’ai encore mes deux compagnons de trio des années passées. Et tout ce qui compte pour moi c’est de faire ce que je dois faire pour que mon équipe gagne et que mon trio aide l’équipe à gagner. »

 

Et le contrat, les négociations, le fait que ses agents ont refusé une somme colossale ?

 

« J’ai décidé de ne pas parler de ça de l’année parce que je ne veux pas que l’équipe soit affectée », que Danault a tranché vendredi.

 

C’est tout à son honneur.

 

Mais parce que l’homme qui se cache sous l’uniforme du Canadien est un homme de cœur, un bon gars qui n’a rien d’un mercenaire qui ira là où on voudra bien lui verser le salaire qu’il considère mériter, Danault peut bien refuser de parler de sa situation contractuelle tant qu’il le voudra. Il est néanmoins très clair qu’elle l’affecte dans son quotidien.

 

Et c’est tout à fait normal.

 

« J’étais plus passif en début de saison. Je pensais trop. J’hésitais. Mais là j’ai retrouvé mon assurance et je veux que moi et mon trio soyons au top », que Danault a lancer haut et fort afin de rassurer les partisans.

 

Et peut-être pour se rassurer lui aussi.

 

Bien qu’il doive composer avec un tas d’incertitudes qui donneraient le vertige à un funambule, Danault est au moins convaincu d’une chose. À une question posée par mon collègue Mathias Brunet de La Presse il a assuré qu’il tient à demeurer à Montréal avec le Canadien.

 

À quel prix ? Pour combien de temps ?

 

Ça reste à déterminer.

 

Mais il tient à jouer dans l’uniforme du Canadien.

 

C’est ça de gagné !