MONTRÉAL – Au risque d'accroître l'ire des forces occultes qui s’acharnent sur son équipe depuis le début de la saison, Dominique Ducharme s’est permis de rêver à un monde meilleur jeudi après une rare victoire de ses troupes. Un monde dans lequel il n’aurait pas à se contenter du strict minimum et où il récupérerait un minimum de pouvoir de négociation auprès de ses joueurs.

« Éventuellement, on aura 13, 14, peut-être même 15 [attaquants à notre disposition]. Qui méritera de jouer? Je crois que ça sera alors une bien meilleure situation pour nous », a répondu l’entraîneur quand on lui a demandé s’il voyait du positif dans le rendement des remplaçants avec lesquels il doit présentement calfeutrer sa formation.

Laurent Dauphin serait presque assurément dans la Ligue américaine si le Canadien n’avait pas assez de blessés pour remplir un calendrier de l’Avent. Mais il fait partie de ceux qui pourraient rendre les décisions de Ducharme intéressantes lorsque l’infirmerie du Centre Bell commencera à se vider.

L’attaquant de 26 ans avait 11 buts et 16 points en 18 matchs avec le Rocket de Laval au début du mois. Contre toute attente, il produit à peu près au même rythme depuis son rappel avec le grand club. Mardi à Pittsburgh, son échec-avant lui a permis de récupérer une rondelle profondément en zone offensive et de préparer habilement un but de Jonathan Drouin. Deux jours plus tard, il a marqué pour la première fois dans l’uniforme du Canadien en balayant un retour apparu dans l’enclave. Il s’agissait de son premier but dans la Ligue nationale depuis la saison 2016-2017 alors qu’il tentait de percer dans l’organisation des Coyotes de l’Arizona.

« Si tu ne joues pas, tu ne peux pas scorer non plus! », a-t-il répondu avec un habile sens de la répartie à un journaliste qui lui a relayé cette statistique après la rencontre.

On ne commencera pas à prédire une coupe Molson à Dauphin, mais dans une saison où les défaites s’empilent et qu’un grand nombre de ses coéquipiers affichent une inquiétante apathie, sa polyvalence et son efficacité lui permettent de s’extraire avantageusement du lot. Continuer de le faire avec constance pourrait s’avérer être une autre paire de manche, mais à la lumière du bref échantillon qu’il a produit, il y a lieu de croire que cet ancien choix de deuxième ronde trouvera le moyen de prolonger son audition à Montréal lorsque les Gallagher, Perreault, Dvorak et Byron commenceront à réapparaître dans le portrait.

« C’est ça l’objectif, proclame le natif de Repentigny. C’est sûr que je suis plus prêt qu’il y a cinq ans. Ça a peut-être été une bonne affaire que je reste dans la Ligue américaine tout ce temps-là. Je suis plus prêt que jamais. »

Dauphin a à son actif 316 matchs dans l’antichambre de la LNH, dont 158 entre ses deux plus récents rappels. Il croit que ce long passage obligé lui a permis de gagner la maturité physique qu’il affiche aujourd’hui.

« Quand je suis arrivé à 20 ans, c’est sûr que c’était une lacune. Je me sens plus fort dans les batailles et juste meilleur dans mon jeu en général. »

Drouin, qui a frappé le poteau en prolongation avant de marquer le but décisif en fusillade contre les Flyers, se réjouit des succès soudains de son compagnon de trio.

« Je connais Laurent depuis longtemps, je pense qu’on a joué ensemble quand j’avais huit ans dans quelques tournois d’été. On joue au golf ensemble l’été. C’est cool de le voir aller présentement. [...] C’est un gars qui va travailler à chaque match, il est fatigant. Tu ne vois peut-être pas son talent sortir tant que ça, mais c’est un gars qui travaille, il va chercher des rondelles, il va se mettre en avant du filet comme sur son but. »

« Offensivement il garde ça simple, mais il a une présence au filet, approuve Ducharme. Sur le but d’Ylönen [contre Pittsburgh], il vient d’arriver devant le filet. Peut-être qu’il ne récolte pas de point, mais son travail est important. Sur le but de Drouin juste avant, il crée un revirement avec son bâton et ça lui permet de faire une bonne passe en avant. Ces petits détails, des fois ils te permettent d’avoir la rondelle plus souvent et d’être dans des positions pour avoir des occasions comme ça. C’est ce qu’il fait. Ce n’est pas compliqué, mais c’est efficace. »

« On parle d’opportunités, a ajouté Ducharme. On le dit souvent, dans la situation dans laquelle on est, des fois ça ouvre la porte à certains joueurs. Quand la porte s’ouvre, il faut que tu mettes le pied dedans et que tu la pousses. C’est ce qu’il fait. »