MONTRÉAL – Si vous ne le saviez pas, Dominique Ducharme est un homme de peu de mots avec les journalistes. Mais, ce qui compte, c’est qu’il semble fin prêt à assumer son premier mandat d’entraîneur-chef dans la LNH.

 

Calme et confiant en visioconférence, Ducharme ne venait pourtant pas de se voir confier le poste d’entraîneur-chef de l’Action de Joliette dans le Junior AAA comme ce fut le cas en 2004. On parle plutôt du Canadien de Montréal, mais ça ne semblait pas trop gros à ses yeux.

 

« Je sens que je suis bien préparé. C’est comme à l’école, quand tu es prêt pour un examen, aucune question ne te dérangera parce que tu es prêt. Tu es nerveux quand tu n’as pas assez étudié. J’ai confiance en l’équipe et les autres entraîneurs », a parfaitement résumé Ducharme pour expliquer son état d’esprit.

 

Bien sûr, accéder à cette fonction s’avère tout un exploit et de nombreux entraîneurs talentueux ont rêvé à cette chance sans l’obtenir. Par contre, Ducharme détient une solide réputation dans sa profession tellement que son ascension semble être naturelle même si elle n’a pas été de tout repos.

 

« Évidemment, ça veut dire beaucoup à mes yeux. Je n’ai pas emprunté l’autoroute, j’ai dû passer par les petites routes, mais j’en suis fier et ça m’a aidé comme entraîneur si bien que je me sens prêt », a confié Ducharme qui a gagné à tous les niveaux de son cheminement. 

 

En juillet 2014, Ducharme avait vécu sa première expérience avec le Tricolore alors qu’il avait été invité à participer au camp de perfectionnement. Un peu moins de sept ans plus tard, c’est lui qui dirige le club.

 

« Ça part de loin, je me suis toujours dit que je deviendrais un entraîneur de la LNH après avoir fini de jouer. D’un défi à l’autre, ça m’a mené jusqu’ici et j’en suis fier. Mais il reste beaucoup de chemin à accomplir », a-t-il prononcé sans trop s’emballer.

 

Il y a une raison bien noble pour laquelle Ducharme tenait à réagir sobrement.

 

« Si tu m’avais dit d’écrire un film dans lequel je deviens l’entraîneur du Canadien, je n’aurais pas choisi ce scénario dans le sens que c’est un sentiment partagé alors que je perds deux personnes que j’appréciais beaucoup. Claude (Julien) est une personne extraordinaire et il m’a ouvert la porte aussi. J’ai appris à connaître Kirk (Muller) », a souligné Ducharme qui n’avait pas encore eu le temps de leur parler tellement la journée a été folle.

 

En côtoyant Julien pendant plus de deux saisons, Ducharme a accentué ses connaissances.  

 

« Ça fait longtemps que Claude est dans la LNH et il a une vaste expérience. J’arrivais du junior donc si je n’apprends rien de lui, je ne suis pas à la bonne place. Mais je vais demeurer moi-même avec l’expérience acquise à ses côtés et tous les adjoints. C’est ainsi qu’on progresse comme entraîneur », a réagi l’entraîneur qui aura 48 ans le 12 mars.

 

Au moment d’écrire cet article, Ducharme était probablement en train de s’adresser aux joueurs du Tricolore pour leur expliquer son plan de succession.

 

« Je vais garder ce message pour eux, je crois qu’ils le méritent. Ils se soucient beaucoup du bien de l’équipe, ce sont des humains », a insisté Ducharme.

 

Une fois qu’il sera seul dans sa chambre d’hôtel de Winnipeg, Ducharme aura le temps de penser à son père qui s’est éteint, en décembre 2015, alors que l’entraîneur était en Finlande pour le Championnat mondial junior.

 

« J’aimerais qu’il soit là aujourd’hui, mais je suis certain qu’il y en a un en haut avec un gros sourire », a avoué Ducharme. 

 

Une équipe plus agressive

 

Étant donné que Ducharme dispose de peu de temps pour ajuster le système du Canadien à ses préférences, il sera intéressant d’observer les prochains matchs. Mais, à écouter Ducharme parler, on le sent prêt à modifier quelques éléments. Après tout, il connaît très bien cette formation.

 

Relancé de différentes manières sur le style qu’il préconise, Ducharme a fini par dévoiler les grands principes de sa vision.

 

« Je veux une équipe qui joue de la bonne manière et rapidement, c’est clair. J’aime l’attaque, mais on doit reprendre la rondelle pour générer des choses offensivement. On veut passer moins de temps dans notre zone, on veut provoquer plus de revirements, on souhaite contre-attaquer plus vite et on désire avoir plus d’options quand on possède la rondelle », a-t-il exposé.

 

Ce dernier élément est revenu sur la table une autre fois et ce principe a toujours été l’une de ses priorités. Attendez-vous à voir des coéquipiers plus près du porteur du disque.

 

Le déploiement du jeu de puissance sera également au cœur de ses préoccupations. Il confiera ce dossier à son nouvel adjoint, Alex Burrows, mais il ajoutera assurément son grain de sel.

 

« Ça commencera avec l’état d’esprit. On veut jouer de manière plus agressive, c’est certain. J’ai discuté brièvement avec Alex pendant le vol (vers Winnipeg) », a admis Ducharme qui affectionne l’énergie et l’expérience de Burrows.  

 

Du côté de l’infériorité numérique, Ducharme prétend que la structure est bonne. Ce serait plutôt l’exécution qui manque de constance.

 

Concrètement, en quoi son équipe sera-t-elle différente de celle de Julien?

 

« C’est une bonne question, on va le voir dans notre façon de jouer et c’est tout. Ça va exiger un peu de temps, mais les meilleures réponses se verront sur la patinoire », a résumé Ducharme.

 

Un travail à effectuer du côté mental

 

L’autre message qui a été répété par Ducharme se déroule à l’extérieur de la patinoire.

 

« Gagner des matchs, c’est toujours la solution. Mais il y a une marche à suivre pour remporter des parties. Diriger une équipe de hockey, ce n’est pas juste des X et des O, c’est de mener des athlètes à jouer à leur rendement maximal. […] Pour pouvoir bien exécuter, ça prend aussi du temps et il faut que tu sois à la ‘bonne place’ mentalement », a précisé Ducharme qui veut que ses joueurs pensent d’abord à ce qu’ils doivent accomplir avant de songer à la victoire.

 

D’ailleurs, Ducharme considère que les joueurs seront très réceptifs à son message même s’il s’agit de son baptême comme entraîneur-chef dans le circuit Bettman.

 

« Ce sont des joueurs que je connais et tu gagnes le respect avec le temps. Je n’ai aucun problème de ce côté. Je vais rester la même personne et c’est sûr que tu ne communiques pas de la même manière avec un jeune de 18 ans qu’un vétéran de 30-32 ans, mais l’objectif demeure le même et la façon de fonctionner se ressemble », a plaidé Ducharme.

 

Parlant de sa troupe, Ducharme a commenté les propos du capitaine Shea Weber reliés à une certaine énergie négative.

 

« Je ne pense pas que l’atmosphère était néfaste, les joueurs veulent bien faire. Est-ce qu’on a bien géré les choses sur la glace? Voilà ce qui a provoqué une perte de confiance », a soutenu l’entraîneur qui a été le coéquipier de Martin St-Louis et Éric Perrin à l’Université du Vermont.

 

Son patron, Marc Bergevin, a expliqué qu’il a opté pour Ducharme notamment parce que c’est un entraîneur de la nouvelle génération, une expression qui a mené à cette explication de sa part.

 

« J’aime bâtir des choses avec mon équipe et je travaille bien avec tout le monde autour de moi. Je crois que chaque personne peut contribuer au succès. Je vais m’impliquer partout, mais je veux laisser mes gars travailler aussi. Les décisions finales me reviennent, mais j’aime faire confiance aux personnes avec lesquelles je travaille », a indiqué Ducharme.

 

Foi de Ducharme, les choses seront claires pour les joueurs et n’allez surtout pas lui dire que les attentes envers le Canadien sont trop hautes.

 

« Si la barre était trop haute, que fait-on dans ce sport? C’est la meilleure ligue au monde, si tu n’es pas compétitif, tu n’es pas à la bonne place », a conclu celui qui réfléchira à la meilleure façon de redorer le blason de Carey Price.