Ridiculisé il a deux semaines à peine par des partisans qui ont applaudi un ou deux arrêts de routines, Carey Price a été ovationné lundi soir. La foule a même chanté une, deux, trois, voire quatre fois, son prénom en guise de célébrations associées à quelques-uns de ses plus beaux arrêts réalisés aux dépens des Capitals de Washington.

Le gardien du Canadien a aussi eu droit en prime aux applaudissements élogieux d’Alex Ovechkin après que Price lui eut volé un but qui lui aurait non seulement permis d’enfiler le but gagnant avec deux secondes à faire au match, mais de compléter un tour du chapeau.

ContentId(3.1298853):LNH : Capitals 5 - Canadiens 4 (Prolongation)
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Quelques minutes plus tard, Price a accordé le but de la victoire à Lars Eller sur un tir que le gardien du Canadien aurait dû stopper. Surtout qu’il s’était dressé, avec succès, devant une bonne douzaine d’occasions bien plus dangereuses jusque-là.

Après avoir volé un point pour son équipe, Price en a donc donné un aux Capitals qui l’ont finalement emporté 5-4.

Résultat : bien que personne ne puisse balayer du revers de la main les exploits multipliés par Price devant sa cage au cours des trois premières périodes, des exploits qui devraient confirmer que tout va très bien «en haut», que la technique est non seulement bonne, mais à point, et que le désir de vaincre est bien présent, le but accordé en prolongation installe un petit nuage au-dessus du casier du gardien vedette.

Rares sont les partisans qui ont relevé le manque de combativité défensive de Jonathan Drouin qui a donné du temps et de l’espace à Eller pour décocher son tir.

Rares sont les partisans qui ont relevé l’inaptitude du Canadien à profiter d’une attaque massive de quatre minutes offerte justement par Lars Eller, attaque massive qui aurait pu permettre au Tricolore de mousser le score à 5-2, peut-être même 6-2, pour ainsi refroidir, sinon anéantir, les chances de remontée des Capitals.

Rares sont les partisans qui ont relevé le nombre de passes glissées par les Capitals d’un côté à l’autre de l’enclave du début à la fin du match. Des passes qui ont glissé entre des défenseurs et des attaquants venus les aider qui semblaient bien plus complices des Capitals que complices du gardien qu’ils devaient protéger.

Mais le but en prolongation tous les partisans l’ont vu et revu et rerevu. Comme ils ont vu les statistiques qui témoignent d’une soirée de cinq buts accordés sur les 34 tirs affrontés (85,3 % d’efficacité). Un but et des statistiques qui laissent croire à quiconque n’aurait pas vu la rencontre – ou aux plus incisifs détracteurs – que Price a connu une soirée médiocre.

Comme quoi la vie de gardien dans la LNH est faite de hauts et de bas qui donneraient le vertige à bien du monde.

Un job différent pour des joueurs différents

Croisé dans le vestiaire des Caps après sa victoire de lundi, Braden Holtby a d’ailleurs hoché la tête de haut en bas en esquissant un sourire de dépit lorsque je lui ai demandé si le job de gardien dans la LNH était le pire job dans tout le sport professionnel.

« C’est particulier en effet. Pas surprenant que nous – les gardiens – soyons parfois un peu différents dans notre façon d’aborder les matchs et surtout dans notre façon de composer avec les victoires et les défaites », a convenu le vétéran gardien des Capitals.

Holtby venait de signer une victoire dans le cadre d’un match qu’il ne devait pas même disputer. Venu en relève en début de période médiane après que Pheonix Copley eut accordé trois buts sur les quatre premiers tirs du Canadien en deuxième, trois buts marqués en 75 secondes, le champion en titre de la coupe Stanley a été parfait devant la cage des Caps.

Non seulement a-t-il stoppé les 22 tirs qu’il a affrontés, mais il s’est permis une réplique aux nombreux arrêts spectaculaires réalisés par son vis-à-vis Carey Price en volant un but qui semblait certain à Brendan Gallagher lors de la période de prolongation.

Dans un duel de gardiens dominé, et largement, par Carey Price, Holtby se retrouvait dans le rôle du héros après la rencontre alors que Price n’avait qu’un maigre point à se mettre sous la dent pour apaiser sa colère ou sa déception. Ou un malheureux mélange des deux.

« La plus grande chose dans la gestion de nos émotions comme gardien est d’éviter d’accorder trop d’importance à un jeu en particulier. Carey a été sensationnel ce soir. Le dernier but ne doit pas l’affecter. Ce but, même si tu t’en veux de l’avoir accordé, ne doit pas effacer tout ce que tu as fait de bien dans le reste du match. Ça peut être le cas pour les partisans ou pour vous les journalistes. Mais comme gardien tu ne peux pas te laisser affecter par ça », a ajouté Holtby.

D’adjoint à champion de la coupe Stanley

Le gardien des Caps a d’ailleurs utilisé cette médecine pour lui-même pas plus tard que l’an dernier.

Après une saison de 34 victoires, 16 revers et quatre défaites en prolongation ou tirs de barrage, saison obscurcie par une moyenne de 2,99 buts accordés par rencontre et une efficacité de 90,7 %, Holtby a perdu son poste de numéro devant la cage des Caps.

C’est d’ailleurs son adjoint Philipp Grubauer qui a amorcé les séries. Victime de 8 buts sur 49 tirs, Grubauer a été rappelé au banc lors du deuxième match. Holtby est alors venu en relève. Il a perdu la deuxième rencontre en prolongation, mais a ensuite guidé les Caps vers quatre gains de suite qui ont permis d’éliminer les Blue Jackets de Columbus. Holtby a ensuite maintenu le rythme – 16 victoires, 7 revers, 2,16 buts accordés par match, efficacité de 92,2 % – jusqu’à la coupe Stanley qu’il a soulevée avec ses coéquipiers au T-Mobile Arena à Las Vegas après quatre victoires de suite aux dépens des Golden Knights.

En dépit cette conquête qui a auréolé un revirement de situation complet, Holtby est de retour en eau trouble cet automne. À sa fiche de 6-5-2 sont associées une moyenne de 3,07 buts accordés par match et une efficacité de 90,6 %.

L’arrêt aux dépens de Gallagher en prolongation pourrait-il servir de tremplin vers des jours meilleurs?

« Ce qui est vrai pour Carey qui ne doit pas se laisser écraser par le but de la victoire l’est aussi pour moi. Je ne dois pas me laisser étourdir par un arrêt et croire que tout ira bien ensuite. Les gardiens doivent travailler en fonction du long terme. Faire un arrêt spectaculaire de temps en temps, c’est bien. Mais ce qui est nécessaire pour gagner dans la LNH, c’est la constance. Je pense, et nous sommes tous semblables, à long terme. Je dois chasser les mauvaises habitudes afin d’être le meilleur possible pour la durée de la saison. C’est pour ça que des fois les gardiens sont identifiés comme des gars qui sont dans leur bulle. Dans leur monde. C’est parce que c’est vrai. On ne doit pas se laisser décourager ou s’emballer avec des faits saillants », a conclu Holtby.

Si je comprends bien le message de Holtby, Carey Price doit davantage penser au point qu’il a volé avec ses arrêts au cours des 60 minutes de temps réglementaire, qu’à celui qu’il a perdu en prolongation. Il doit éviter de se laisser étourdir par les Carey! Carey! Carey! ou les applaudissements d’Alexander Ovechkin. Mais il doit tout autant faire la sourde oreille aux critiques mesquines et commentaires lapidaires.

Plus facile à dire qu’à faire. Surtout quand tu défends le filet du Canadien et que tu joues et vis à Montréal. Mais ça vient avec l’équipement de gardien et le contrat qui en fait le joueur le mieux payé de son équipe, le gardien le mieux payé de la LNH.