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Au hockey comme dans n’importe quel sport, les statistiques, qu’elles soient avancées ou non, ne disent pas toujours la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

Mais elles offrent souvent des tendances qui sont tellement lourdes qu’elles sont bien difficiles à contourner. Encore plus à déplacer.

Je vous propose ici un exemple.

Le Canadien a gagné 19 des 27 matchs (19-5-3) au cours desquels Brendan Gallagher a marqué au moins un des 31 buts qu’il a inscrits jusqu’ici cette saison.

C’est énorme. Autant en matière de ratio victoires-défaites qu’en matière de buts tout court pour ce joueur au talent limité, mais au caractère illimité.

Cette statistique confirme que Gallagher ne se contente pas seulement de donner le ton verbalement devant les journalistes, il le fait aussi, et surtout, là où ça compte vraiment. Sur la glace.

Il en a fait la preuve une fois encore mardi à Philadelphie. Après avoir lancé après le jeu blanc encaissé aux mains des Hawks samedi au Centre Bell que le Canadien n’allait pas baisser les bras et la tête, Gallagher s’est assuré que ses bottines suivent ses babines.

Le leader incontesté de l’équipe a donné le ton au match et sans grande surprise ou en guise de juste retour des choses c’est lui qui a marqué le premier but du match en fin de première période en route vers la victoire aussi nécessaire que rassurante que le Canadien a remportée mardi à Philadelphie.

Se battre pour le premier but

Une autre statistique qui en dit long sur Gallagher et son impact positif sur l’équipe. C’était la huitième fois cette saison mardi qu’il enfilait le premier but d’une rencontre. Un but toujours important quand on considère que le Canadien présente un dossier de 28-6-5 lorsqu’il le marque et une fiche malgré tout fort respectable de 10-22-2 lorsqu’il l’encaisse.

Gallagher partage le quatrième rang dans la LNH pour le nombre de premiers buts marqués dans un match cette année. Il partage ce quatrième rang avec six autres joueurs. Des joueurs importants au sein de leur club respectif comme Johnny Gaudreau, Mark Stone, Mark Scheifele, Cam Atkinson et Kyle Palmieri.

Alex DeBrincat mène la Ligue avec 11 premiers buts d’un match. Sidney Crosby et Jakob Silfverbeg sont deuxièmes avec 10. Nikita Kucherov, Connor McDavid, Nathan MacKinnon, Jeff Skinner et John Tavares en revendiquent neuf chacun.

Gallagher suit tout juste derrière.

Brendan Gallagher n’a pas le talent des joueurs qui le précèdent dans cette liste. S’il flirte avec ce groupe sélect, c’est parce qu’il prend les moyens pour aller marquer ces buts importants. Plutôt que d’attendre que les buts tombent du ciel ou que la rondelle soit placée par un heureux concours de circonstances sur la lame de son bâton, Gallagher va au-devant des coups et prend les moyens pour créer des occasions de marquer au lieu de les espérer.

Ce qui est vrai pour Gallagher l’est aussi pour Max Domi et Tomas Tatar qui, sans surprise, talonnent Gallagher avec sept et six premiers buts marqués dans une rencontre du Canadien.

Domi et Tatar ont certainement de meilleures mains que Gallagher. Mais comme lui, ils affichent de la conviction dans leur jeu. Ils sont incisifs lorsqu’ils se portent à l’attaque et ils créent eux aussi des choses au lieu d’attendre qu’elles arrivent d’elles-mêmes.

Où diable est Jonathan Drouin dans cette liste qui donne une bonne idée de l’importance relative des joueurs au sein de leur équipe?

Au quatrième rang : avec trois buts.

J’ajouterais le mot seulement après les mots «avec trois buts» en ce sens que Drouin, avec tout son talent, devrait être tout en haut de la liste et non campé au quatrième rang. Surtout qu’il partage ce quatrième rang avec Andrew Shaw et Shea Weber qui ont eux aussi marqué le premier but d’un match à trois reprises. Mais ils l’ont fait en 54 et 49 parties alors que Drouin disputait hier sa 73e rencontre de la saison.

Drouin : blanchi une 40e fois

Cette statistique nous amène aux tendances lourdes et loin d’être positives qui trainent aux patins de Jonathan Drouin comme un gros boulet en plomb.

Jonathan Drouin a été blanchi de la feuille de pointage pour une 40e fois cette saison hier à Philadelphie. Quarante fois en 72 matchs – dont dans 54,8 % des matchs du Canadien jusqu’ici cette saison – Jonathan Drouin n’a pas été en mesure de marquer ou de préparer un but.  

Et quand Drouin est blanchi de la feuille de pointage, il n’aide pas vraiment son équipe, car ce ne sont certainement pas ses qualités défensives qui incitent Claude Julien à l’envoyer sur la patinoire.

D’ailleurs, pour une première fois cette année, ou à tout le moins une rare fois cette saison, Claude Julien a décidé de garder Drouin au banc en troisième période. Ça veut dire quoi? Que le coach voulait mousser ses chances de protéger son avance en gardant un joueur hautement à risque sur le banc.

Mais ça voulait aussi, et surtout, dire qu’en dépit tout le talent offensif dont Drouin regorge, le coach a établi que le négatif pesait plus lourd dans la balance que le positif ou l’optimisme associé à un possible éveil offensif de sa part.

Drouin n’a pas été mauvais mardi à Philadelphie. On ne peut lui imputer de très mauvaises passes, de très mauvais replis défensifs, des revirements coûteux.

Mais il n’a pas été bon non plus.

En fait, Drouin a été absent mardi. On ne l’a pas vraiment vu. Et ses statistiques le prouvent. Pas juste celles qui confirment son 40e match sans avoir récolté le moindre point cette saison, mais il n’a pas obtenu un seul tir au but, il en a seulement décoché deux, l’un a été bloqué l’autre était hors cible, il n’a pas donné de mise en échec, il n’a pas bloqué de tir, il n’a pas volé de rondelle à l’adversaire, il n’a pas même disputé une seule mise en jeu.

En 14 présences totalisant 10 :55, Drouin n’a donc fait que patiner au milieu de ses coéquipiers et de ses adversaires.

Rien pour l’aider à mettre un terme à une séquence qui est rendue à 17 matchs de suite sans but, sans oublier que les quatre passes récoltées au cours de cette séquence ont toutes été obtenues dans un seul et même match, lors de la dégelée de 8-1 que le Canadien a infligée aux Red Wings à Detroit, le 26 février dernier, au lendemain d’un revers gênant (2-1) encaissé au New Jersey.

Rien pour aider le jeune Jesperi Kotkaniemi qui devrait justement être en mesure d’aider Drouin à produire en lui offrant toutes les occasions que Joel Armia et Artturi Lehkonen ont bousillées en rafales depuis le début de la saison.

Kotkaniemi est encore jeune. Il a connu une baisse de régime évidente depuis une quinzaine de matchs. Une baisse de régime normale pour un adolescent que personne ne voyait dans la LNH cette année et peut-être même l’an prochain encore. Comme il est normal qu’il soit plus «frileux» ou moins à l’aise sur les patinoires adverses alors que les coachs des autres équipes sont en mesure de mieux le neutraliser avec des joueurs plus teigneux.

Ce qui n’est pas normal, mais alors là pas normal du tout, c’est qu’une fois encore hier soir, Kotkaniemi a été le meilleur joueur au sein de son trio. Et que c’est lui qui a traîné Drouin alors que c’est le contraire qui devrait se produire.

Quoi faire avec Drouin?

Oui Claude Julien doit afficher plus de patience à son endroit, car c’est vrai qu’il a besoin de son potentiel offensif pour gagner des matchs. Mais si le potentiel offensif ne donne pas le moindre signe de faire éruption un soir donné, le coach doit commencer à lui faire payer là où ça fait mal : au chapitre du temps de jeu. Et surtout au chapitre du temps de jeu de qualité.

Car à un certain moment, un coach ne peut plus seulement couper le temps de jeu d’un jeune comme Kotkaniemi – peu importe les raisons et bien qu’elles soient valables – ou des gars de soutien. Il doit aussi trouver le juste équilibre entre la patience normale à offrir à un joueur vedette et la patience exagérée et surtout non méritée qu’il lui offre.

Il en va de sa crédibilité.

Pas celle aux yeux des journalistes et des amateurs, car cette crédibilité n’a pas la moindre valeur peu importe qu’elle soit moussée de nombreuses accolades ou lapidée de critiques.

Il en va de sa crédibilité au sein même de son équipe. Et c’est celle-là qui compte le plus. C’est celle-là qui compte vraiment. En fait, c’est la seule qui compte.

Imaginez une seconde si Jonathan Drouin jouait comme Brendan Gallagher? S’il déployait la même énergie sur patin. Le même cœur à l’ouvrage. La même fougue pour se créer des occasions de marquer au lieu de les espérer.

Drouin serait tout en haut d’une série de statistiques éloquentes qui confirmeraient sa grande valeur et surtout son importance dans les succès de l’équipe.

Ça l’aiderait à ne pas broyer du noir avec les statistiques sombres, voire négatives, qui ouvrent la porte à toutes les critiques qu’il reçoit.

Ce qui m’amène à une dernière question. À la question qui est la plus importante de toutes en fait, puisqu’elle dictera la réponse ultime à savoir si on a raison de croire au talent et au potentiel de ce jeune joueur:

Jonathan Drouin broie-t-il vraiment du noir en raison de ses insuccès et du manque à gagner offensif dont il est responsable et qui pourrait contribuer à exclure son équipe des séries?

Je n’ose croire que la réponse puisse être non ou pas vraiment! Car si tel est le cas, on sera en face d’une cause désespérante. À un ou deux coups de patin d’une cause désespérée.

Mais si la réponse est oui, il serait grand temps que Drouin s’inspire de Gallagher et qu’il prenne les moyens pour produire et cesser de broyer du noir au lieu d’attendre que la solution tombe du ciel.