MONTRÉAL - À un moment donné, ce ne peut plus être seulement de la faute de ceux qui parlent. À un moment donné, ça doit aussi devenir la faute de ceux qui se contentent d’entendre au lieu d’écouter.

C’est ce que je me suis dit lors du point de presse au cours duquel Marc Bergevin a défilé les motifs qui l’ont mené à congédier Stéphane Waite et à le remplacer par Sean Burke à titre d’entraîneur des gardiens du Canadien de Montréal.

Ou de «nounou» à Carey Price.

Car il ne faut pas leurrer : Jake Allen a beau être très efficace devant la cage du Canadien depuis le début de la saison. Une cage qu’il protègera souvent en raison du calendrier très serré qui attend le Tricolore en cette saison Covid. C’est d’abord et avant tout parce que le Canadien ne peut se permettre de voir son gardien numéro un être plus souvent responsable des revers de son équipe que de ses victoires que Stéphane Waite a été congédié.

Marc Bergevin a martelé que Carey Price ne lui a jamais demandé de lui offrir un nouveau coach. Je le crois sur parole.

Mais voilà! Price n’a pas eu à suggérer un changement de coach à Bergevin. En jouant comme il le fait depuis le début de l’année, en multipliant les mauvais buts accordés, en traversant des passages à vide qui sont de plus en plus nombreux, Price lui a tout simplement forcé la main.

Après avoir largement contribué au congédiement de Claude Julien, voilà que Carey Price a mené directement à celui de Stéphane Waite.

Je ne prétends pas ici que le gardien voulait la tête des deux hommes et qu’il s’est mis à être tout croche devant son but en attente qu’ils perdent tous deux leur poste en moins d’une semaine. Mais ses contre-performances sont directement responsables des départs des deux coachs. Un point c’est tout.

«Je n'ai jamais consulté Carey pour avoir son opinion»

Je sais! je sais! Le hockey est un sport d’équipe. Price n’est donc pas l’unique responsable de tous les buts qu’il accorde. Je suis d’ailleurs le premier à le rappeler régulièrement aux amateurs qui le pointent du doigt dès que la rondelle se retrouve derrière lui.

Mais quand même : certaines statistiques ne mentent pas.

En dépit de quelques sorties sensationnelles comme celles qu’il a multipliées dans la bulle l’été dernier contre Sidney Crosby et les Penguins en ronde de qualification et ensuite face aux Flyers en première ronde des séries, Price présente depuis deux saisons la moyenne de buts alloués par match (2,82) et le taux d’efficacité (90,6 %) d’un gardien ordinaire.

Depuis deux ans, il a encaissé 16 défaites dans le cadre de matchs au cours desquels ses coéquipiers lui ont offert au moins trois buts. Il domine tous les gardiens de la LNH dans cette course que personne ne veut gagner.

ContentId(3.1384365):Congédiement de Stéphane Waite : Carey Price aurait-il dû être consulté? (Canadiens)
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Jusqu’ici cette saison, les joueurs du Canadien ont offert à Carey Price le deuxième coussin offensif de la LNH au grand complet. Ils ont marqué 48 buts lors des 13 matchs amorcés par le gardien numéro un, lui offrant du coup une moyenne de 3,69 buts par rencontre. Seul James Reimer des Hurricanes de la Caroline profite d’un coussin (3,89 buts par match disputé) plus confortable.

Malgré de telles conditions gagnantes, Price a perdu neuf des 13 matchs qu’il a disputés (6-4-1-2) et affiche une moyenne de 2,96 buts alloués par rencontre et une efficacité de 89,3 %.

C’est nettement insuffisant.

Du meilleur au pire

Carey Price est loin, très loin, du gardien qui trônait sur la LNH en 2015 alors qu’il avait soulevé les trophées Hart, Ted-Lindsay et Vézina en plus de partager le trophée Jennings avec Corey Crawford parce que les deux gardiens avaient maintenu la meilleure moyenne de buts alloués dans la LNH.

Les chiffres de Price lors du passage de Waite

Il est loin du gardien qui était un choix unanime pour le titre de numéro d’Équipe Canada aux Jeux olympiques ou en coupe du monde. Du meilleur gardien de la LNH dans les sondages menés auprès des joueurs du circuit. Du meilleur gardien au monde comme on l’a parfois qualifié.

La voix de Waite et ses méthodes ne peuvent justifier à elles seules cette glissade inquiétante du rendement de Carey Price. Surtout que ce sont cette même voix et ces mêmes méthodes qui lui ont permis d’exceller pas plus tard que l’été dernier. Et que ce sont aussi cette voix et ces méthodes qui guident Jake Allen vers les performances qu’il offre au Canadien depuis le début de la saison.

Mais s’il est plus facile de congédier un entraîneur-chef que d’échanger tous ses joueurs, il est plus facile encore de congédier un entraîneur des gardiens que d’échanger Carey Price et son contrat qui occupera annuellement 10,5 millions $ sur la masse salariale du Canadien jusqu’en 2026. Un contrat qui assure d’ailleurs Price de ne jamais être échangé à moins de consentir à son départ. Ou à le demander.

Urgence de gagner

Elle est là la vraie raison qui explique le congédiement de Stéphane Waite selon moi.

Parce que Marc Bergevin a consenti à Carey Price le contrat de huit ans et 84 millions $ qu’il a en poche, parce que le Canadien paiera un salaire de 13 millions $ à son gardien numéro un la saison prochaine – dont un chèque de 11 millions $ en guise de prime de signature – et qu’il occupera 10,5 millions $ sous le plafond jusqu’en 2026 – à moins d’un rachat d’ici là – le directeur général du Canadien doit trouver une façon de relancer son gardien.

Il n’a pas le choix.

Comme Bergevin n’avait pas le choix de lancer haut et fort qu’il croyait que Price, en dépit ses performances bien en dessous de la moyenne des ours depuis deux ans, est toujours l’un des meilleurs gardiens de la LNH.

Au moins, il n’a pas prétendu qu’il était LE meilleur.

Parce qu’il a misé énormément sur son gardien, parce qu’il est allé «All In» en améliorant son équipe comme il l’a fait l’été dernier, Marc Bergevin a besoin de résultats immédiats.

Il l’a reconnu la semaine dernière en congédiant Claude Julien. Il l’a reconnu encore mardi en congédiant Stéphane Waite.

On peut d’ailleurs avancer sans trop de risques de se tromper que son avenir à la direction générale du Canadien dépend justement des résultats qui devront être à la hauteur des attentes qu’il a lui-même fixées en début de saison. Des attentes qui sont très hautes pour le DG et plus hautes encore pour une majorité de partisans de son équipe.

L’effet Sean Burke

Est-ce que Sean Burke sera écouté par Carey Price ou le gardien se contentera-t-il d’entendre ses conseils?

ContentId(3.1384363):Martin Biron : L'expérience de Sean Burke pourrait aider Carey Price (Le 5 à 7)
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Est-ce que le nouveau directeur des gardiens – un titre qui annonce une réorganisation du volet coaching des gardiens dans un avenir rapproché – sera en mesure de réussir avec Price là où il a réussi en Arizona avec des gardiens que plusieurs croyaient fini en Ilya Bryzgalov et Mike Smith?

Il a les connaissances. Il a les compétences. Il a l’expérience d’abord comme gardien – 18 saisons dans la LNH – et comme entraîneur ensuite.

Et parce que Carey Price est de beaucoup supérieur aux performances qu’il offre à son équipe cette année, on peut logiquement croire qu’il retrouvera son aplomb, ses repères, ses moyens, sa confiance sous l’égide de son nouvel entraîneur.

Mais combien de temps ce retour à la «normale» durera?

Voilà l’ampleur du défi qui se dresse devant Sean Burke. Car la nouvelle normale de Carey Price depuis son année du tonnerre en 2015 – sans oublier le printemps Halak de 2010 – est d’avoir connu de plus en plus de léthargies qui ont été de plus en plus longues.

Imputabilité à assumer

Dans un passé encore récent, on pouvait excuser ces passages à vide du gardien, ou à tout le moins les justifier, en raison du fait que son équipe était tellement ordinaire qu’il ne pouvait quand même pas la sauver tous les soirs.

ContentId(3.1384366):Congédiement de Stéphane Waite : Marc Bergevin espère relancer Carey Price (Canadiens)
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Cette année, c’est le contraire.

Carey Price n’a plus à être sensationnel pour donner une chance de victoire au Canadien. Il n’a pas à multiplier les miracles. Il a seulement besoin d’être bon. Il a simplement à jouer comme il l’a fait mardi soir face aux Sénateurs d’Ottawa. Il doit seulement éviter d’accorder des «sapins». Ce qu’il a fait bien trop souvent cette année.

À un moment donné, ces mauvais buts et les revers qu’ils entraînent ne peuvent plus être attribuables à la voix, aux messages et aux méthodes de l’entraîneur-chef ou du coach des gardiens. Ils ne peuvent plus être attribuables à la couleur des jambières qu’il porte, à la marque du bâton qu’il tient dans une main, à la mitaine qu’il tient dans l’autre ou aux dessins ornant son masque.

À un moment donné, il faudra que Carey Price assume sa responsabilité. Qu’il soit imputable. Et surtout qu’il est le principal responsable de son retour vers le niveau de jeu qu’il est en mesure d’offrir. Qu’il doit offrir.

Et c’est ce dernier point qui m’inquiète le plus.

Car devant les journalistes mercredi, Carey Price aurait pu prendre le contrôle du point de presse. D’ailleurs il aurait dû le faire selon moi.

Il aurait dû devancer les questions pour souligner le niveau de responsabilité qui lui incombe dans le congédiement de mardi de Stéphane Waite, comme dans celui de Claude Julien mercredi dernier.

Il aurait dû plaider coupable.

Il l’a peut-être fait en privé. Du moins je l’espère.

Mais il aurait aussi dû le faire sur la place publique pour simplement démontrer à quel point il a la cause de son équipe et celle de l’équipe d’entraîneurs - qui est maintenant amputée de trois membres après les congédiements de Julien, de Kirk Muller et de Waite - à cœur.

Congédiement de Waite : un drôle de « timing »

Vrai que Carey Price a remercié publiquement Stéphane Waite pour les heures qu’ils ont passées ensemble sur la glace, devant les écrans et peut-être aussi en tête à tête dans le vestiaire, à bord de l’avion ou autour d’un Coke glacé.

Mais d’entendre Carey Price se rabattre ensuite sur le fait que le départ de Waite était le résultat d’une décision d’affaires qui devait être prise par l’état-major de l’équipe et de surfer sur le cliché selon lequel une nouvelle voix pourra toujours être bénéfique m’oblige à me demander s’il a encore le feu sacré pour redevenir le gardien qu’il doit être non seulement pour donner des chances de victoire à son équipe, mais pour justifier son statut et son salaire.

J’espère pour le Canadien et ses partisans que Price a encore cette flamme. Et que Sean Burke sera en mesure de lui redonner de la vigueur.

Sans quoi la saison en cours et les cinq qui la suivront seront bien longues et bien dispendieuses.

Avec le talent qui l’habite, Carey Price redeviendra-t-il le «vrai» Carey Price? Où doit-on comprendre que le «vrai» Carey Price est maintenant celui qui vacille devant le filet du Canadien? La réponse viendra de Carey Price et de Carey Price seulement.