BELLEVILLE – À écouter Joël Bouchard, on a l’impression que Jake Evans a appris à lacer ses patins l’an dernier à Laval.

« Son pace n’était pas bon, sa condition physique n’était pas assez bonne, son style de jeu ne s’adaptait pas au nouveau style de la Ligue nationale. C’est un gars qui ralentissait beaucoup l’action », se remémorait l’entraîneur-chef du club-école du Canadien en fin de semaine.

« Mais il avait un bon sens du jeu, des aptitudes... et il s’est adapté », a remarqué Bouchard.  

Evans, un produit de l’Université Notre Dame, a en effet progressé à pas de géant pendant  sa première année dans le hockey professionnel. Son portfolio de responsabilités s’est constamment épaissi et son évolution s’est traduite dans sa production. Il a terminé sa saison recrue au deuxième rang du classement des compteurs du Rocket.

Néanmoins, cette longue séance d’apprentissage l’avait laissé sur son appétit. En entrevue à RDS, en mars, Evans avait avoué entretenir un certain complexe envers ses pairs. « J’observe des gars qui sont passés dans la LNH ou ceux qui font la navette, je me compare à eux et je réalise que j’ai encore des croûtes à manger », avait-il dit, lucide.

Cette honnête et rafraîchissante insécurité semble aujourd’hui morte de sa belle mort. Evans est arrivé au camp des recrues avec l’optimisme propre aux nouveaux départs. Après avoir passé l’été de ses 23 ans avec un nouveau préparateur physique et de nouveaux partenaires d’entraînement, il estime avoir rétréci l’écart qui le sépare des joueurs d’élite de la Ligue américaine et, par conséquent, de sa première chance dans la Ligue nationale.

« J’ai l’impression d’avoir eu un été très productif. J’ai patiné avec des gars de la LNH. J’ai pu les observer, me comparer à eux, prendre des notes. Je ne pouvais pas me permettre de relâchement. Tout ce travail que j’ai fait, combiné à l’année d’expérience qui est maintenant dans mon bagage, va aider ma confiance. J’ai investi beaucoup d’effort dans le but d’améliorer ma constance. Quand on va affronter les grosses équipes, je veux être celui sur qui mon équipe peut compter. »

Le tournoi des recrues auquel participaient ce week-end les espoirs du Canadien est un contexte imparfait pour prédire si cette volonté deviendra réalité, mais Evans y a laissé une impression positive qui laisse présager de belles choses pour la suite. Il a été aussi bon, sinon meilleur, que les gros canons des jeunes Sénateurs et a été tout aussi efficace 24 heures plus tard contre les Jets. Il est vrai que le contraire aurait été inquiétant considérant qu’il était l’un des joueurs les plus âgés à prendre part à la compétition, mais voilà : la barre était haute et elle a été franchie sans accrochage.

« Je veux lancer davantage au filet, ambitionne celui qui n’a jamais marqué plus de 13 buts dans sa carrière de quatre ans au niveau universitaire. Mais pas n’importe quelle sorte de lancers. Je veux faire un effort conscient pour prendre des tirs de qualité plutôt que simplement envoyer la rondelle au filet. C’est un gros objectif que je me suis fixé. »   

Et défensivement, « je veux juste devenir un joueur plus intelligent. Je dois apprendre à reconnaître les situations qui se présentent  dépendamment des adversaires qui sont sur la glace et améliorer ma gestion du risque. Mais je crois que j’ai fait beaucoup de chemin à ce niveau-là. »

Evans affiche une progression lente, mais constante depuis que le Canadien en a fait son choix de septième ronde en 2014. Sous la supervision de Bouchard et de ses adjoints, il a certainement le potentiel pour devenir, à court terme, un joueur étoile dans la Ligue américaine. Sa transformation en un joueur de la LNH demeure toutefois un chantier actif.

Et s’il arrivait, ne serait-ce que pour quelques matchs, à gagner sa place dans l’alignement du Canadien cette saison, ça ne sera pas parce qu’on lui aura fait de cadeau. Durant l’été, le directeur général Marc Bergevin a non seulement offert de nouvelles ententes à Jordan Weal et Nate Thompson, mais il a aussi fait signer un contrat au jeune vétéran Nick Cousins. En ajoutant Matthew Peca et Ryan Poehling à l’équation, on obtient cinq joueurs de centre qui pourraient pivoter le quatrième trio cette saison.

Difficile de croire que la direction voit Evans écouler la dernière année de son contrat d’entrée ailleurs qu’à Laval.

« Je ne peux pas m’en faire avec les joueurs qu’ils ont engagés et ce genre d’histoires, rejette Evans. Je dois me concentrer sur moi-même. Ma priorité est de devenir un joueur constant et digne de confiance. »

« Pour moi, Jake, ça a été une superbe histoire l’an passé parce que c’est un joueur de hockey, affirme Bouchard, réservant ainsi à son poulain son plus beau compliment. Le futur nous dira ce qui va arriver avec lui. Je n’ai pas de boule de cristal, mais c’en est un autre qui passe par le cheminement logique d’un joueur de hockey. Quand je vous dis que tous les joueurs sont dans un tas pêle-mêle, lui il est dans le pêle-mêle du hockey et il faut qu’il se démarque. Mais il a fait ses devoirs cet été. »