MONTRÉAL – Le téléphone sonne au lendemain du premier match du Canadien sans un seul joueur du Québec en plus de 110 ans d’histoire. Au bout de la ligne, Georges Larivière, un avant-gardiste du hockey québécois, s’inquiète au sujet du développement des jeunes patineurs québécois. On a choisi de relayer certaines de ses craintes à Joël Bouchard qui constitue une référence en la matière. 

Précisons-le toute de suite : puisqu’il travaille au sein de l’organisation du Canadien, il fallait aborder ce dossier avec un angle lui permettant de s’exprimer librement. 

Avant de plonger dans chacune des réponses fournies à brûle-pourpoint par Bouchard, on exposera un constat soulevé par Larivière, un universitaire qui a passé sa carrière à innover pour propulser le hockey à un niveau supérieur. 

D’abord, à ses yeux, le hockey québécois ne repose pas sur un véritable « système » de développement pour maximiser le potentiel de ses joueurs. On insiste sur le mot système car il l’emploie pour sa véritable définition : ensemble de pratiques organisées en fonction d’un but ou ensemble dont les éléments sont coordonnés par une loi ou une théorie. Concrètement, on pourrait penser à une automobile qui fonctionne bien grâce à l’apport de plusieurs composantes.  

Le but serait qu’un système efficace produise plus de ressources québécoises. Ça forcerait la main au Canadien à penser localement plus souvent même si l’organisation a notamment échappé Anthony Beauvillier, Samuel Girard et Nicolas Roy au repêchage. 

Un meilleur système pour relier le Midget AAA à la LHJMQ ? 

Un bon exemple pour illustrer son point s’avère le lien très timide entre le Midget AAA et la LHJMQ. Une information qui nous a été confirmée et dénoncée par quelques sources qui vivent le tout au quotidien. 

Georges LarivièrePour maximiser le développement, Larivière juge que c’est essentiel de développer cette relation. Par exemple, en Europe, bien des structures de développement sont élaborées afin qu’un jeune progresse au sein de la même entité pendant plusieurs années. Ainsi, quand un jeune grimpe d’un niveau, son nouvel entraîneur peut facilement obtenir toutes les informations sur celui-ci et son développement se fait plus harmonieusement. 

Pour bien exprimer sa vision face à ce point, Bouchard aurait eu besoin de quelques heures de tribune. Il a donc choisi de cerner un élément en particulier : la communication entre les deux circuits. 

« Est-ce qu’on peut être meilleurs? Oui. C’est ma philosophie, mais je ne sais pas si c’est celle de tout le monde. Donc est-ce que la communication est assez bonne? Je vais répondre non. Elle est peut-être très bonne, mais elle peut devenir meilleure. Gilles Courteau avec son circuit (la LHJMQ), il doit toujours essayer d’être meilleur et il a fait des améliorations incroyables au fil des ans. Quand j’étais là au début par rapport à quand je suis sorti à la fin, on parle de pas de géants », a mentionné Bouchard. 

« La communication, c’est toujours le défi. On peut toujours être meilleur, se challenger, mettre notre ego de côté et notre agenda personnel de côté quand on parle de structure. Essayer de se pousser pour trouver des solutions et des déclics. On se doit d’avancer tout le monde là-dedans, c’est certain », a ajouté le pilote du Rocket de Laval qui possède son Académie de hockey, qui a joué tous les rôles avec l’Armada de Blainville-Boisbriand et qui a collaboré avec Hockey Québec et Hockey Canada. 

Idéalement, Larivière voudrait que chaque joueur dispose d’une forme de cahier de route qui comporterait plusieurs informations comme : les détails de son cheminement, sa progression dans différentes aptitudes, ses forces, ses faiblesses, les situations problématiques pour lui durant un match… 

Modifier le format préconisé par la LHJMQ ?

Cet élément revient souvent au cœur des discussions. Doit-on réduire le calendrier régulier de 68 parties afin d’optimiser le développement des joueurs? Après tout, si le hockey québécois ne fournit pas assez de joueurs pour la LNH, pourquoi ne pas le modifier? La nouvelle tendance vise le développement des habiletés de manière personnalisée dans un groupe. Difficile de véritablement se lancer dans cette approche durant un calendrier aussi chargé en plus du voyagement. 

« C’est toujours le gros défi. Ce que j’aime, c’est qu’on en discute depuis plusieurs années. On regarde la charge de travail demandée aux joueurs et comment on peut améliorer notre sort comme ligue et pour les jeunes. Si tu me demandes si on doit faire une réflexion là-dessus? Il y en a une chaque année. Je ne veux pas lancer de débat public en disant ‘On devrait faire ceci ou ceci’. Il y a des avantages dans la LHJMQ, c’est la charge de travail élevée comme dans le professionnel. Les joueurs sont habitués à des semaines éreintantes. Ceci étant dit, où est le juste milieu? Mon message c’est qu’on doit les préparer pour le pro pour qu’il ne frappe pas un mur. Voilà ce qu’on voit, de bons petits joueurs dans le junior qui arrive dans le pro sans être capable », a noté Bouchard qui ne veut pas blâmer les entraîneurs avec cette remarque. 

« Les joueurs doivent être prêts à trouver des solutions. Tout est plus difficile au prochain niveau. Un joueur doit aussi se trouver une identité. Quand la musique arrête, a-t-il une chaise pour lui ? Notre but, c’est de les rendre le plus autonome possible pour être en mesure de gérer ça. On ne sait pas avec quel entraîneur il va aboutir. J’en ai eu des joueurs ici qui avaient des solutions pour le hockey professionnel, mais ce n’était pas le cas pour d’autres. Ceci dit, ce sera toujours ainsi, c’est une pyramide. Au final, certains jeunes du Québec ne seront pas assez bons et c’est correct. Ça ne fait pas d’eux de mauvais kids. Si c’était facile de jouer pour le Canadien, tout le monde le ferait. Mais comment en avoir un, deux ou trois de plus, je suis avec toi là-dessus », a ajouté l’entraîneur. 

Un plan commun pour le développement des habiletés ?

Le troisième point de Larivière, qui a été retenu pour l’exercice, concerne l’idée de bâtir un plan commun pour le développement des habiletés dans la LHJMQ. Ça exige que les organisations et les entraîneurs adhèrent à ce concept ce qui ne constitue pas une mince tâche. Par contre, Bouchard croit que les entraîneurs doivent écouter. 

« Ce ne sont pas les entraîneurs qui dirigent la LHJMQ, c’est Gilles Courteau et les propriétaires. Les entraîneurs travaillent avec les règlements donnés et ils doivent s’ajuster ou aller faire autre chose », a soutenu Bouchard en terminant la discussion sur une note positive.  

« Cette année, ce que la LHJMQ a réussi à faire, c’est historique. Le partenariat avec le gouvernement est extraordinaire. On a décidé, comme province, d’investir dans nos jeunes joueurs de hockey. C’est facile de lancer des pierres, mais nos jeunes au Québec ont joué beaucoup de matchs et ils sont en séries. C’est positif comparé à bien des places. La LHJMQ ne reste pas assise à ne pas innover. On fait un superbe travail, mais on peut toujours mieux faire. Tu gagnes la coupe Stanley et tu dois trouver une façon de progresser l’année suivante. C’est comme ça, c’est un milieu compétitif », a conclu Bouchard. 

Ainsi, si le Canadien doit réaliser qu’il s’est trompé dans l’évaluation de plusieurs joueurs du Québec au repêchage et sur le marché de l’autonomie, la LHJMQ doit réfléchir sérieusement à ajuster son approche. On peut redescendre la pyramide jusqu’au hockey mineur avec la même conclusion.