Je sais ce dont je veux vous parler depuis trois ou quatre jours, mais je ne suis pas certain de savoir comment l’aborder. En fait, je peux en parler en long et en large parce que le sujet me passionne. J’ai des idées très arrêtées sur le propos, mais le hic, c’est que le développement d’un joueur est souvent tout en nuances. Comme dans beaucoup de choses, atteindre l’équilibre semble la solution idéale.

Comme beaucoup, j’ai tendu l’oreille lorsqu’une fois dans mon véhicule, à la sortie du Centre Bell jeudi soir dernier, j’ai entendu à la radio les commentaires de l’entraîneur-chef des Canadiens parlant ouvertement d’une erreur de P.K. Subban sur le deuxième but des Blue Jackets suite à la victoire des siens.

Blue Jackets 3 - Canadiens 5

Dans les faits, j’étais entièrement en accord avec l’analyse technique. Il aurait fallu ajouter qu’Eller ne s’est pas méfié en remplaçant le défenseur à la ligne bleue, immobile, avec une rondelle bondissante contribuant directement au surnombre sur lequel Ryan Johansen a marqué, mais bon, Subban s’est fait prendre profondément hors position. Je ne sais pas si le mot d’ordre collectif empêchait les défenseurs de s’aventurer depuis la ligne bleue (« pincher »), mais là n’est pas la question. Ma question est plutôt de savoir en quelle capacité cette sortie était nécessaire compte tenu de la tournure positive des événements.

L’ancien joueur en moi ne peut s’empêcher de se rappeler que ces ajustements se font habituellement dans le vestiaire, dans la salle vidéo, qu’on lave notre linge sale en famille; mais encore là Subban lui-même a contrevenu à cette règle non écrite du vestiaire en blâmant les habitudes de travail lors des séances d’entraînement lors du récent voyage à Calgary.

L’ancien gardien en moi ne peut s’empêcher d’être indisposé quand un défenseur est responsable d’un surnombre qui mène directement à un but; un attaquant a cependant aussi failli à sa tâche. Ma conclusion dans toute cette affaire réside ailleurs cependant.

Voyez-vous, c’est que l’ancien coéquipier en moi ne peut que rager quand un individu se voit incapable de gérer les informations critiques au résultat final d’un match. C’est pour moi ce sentiment qui ressort le plus fortement quand je repense à cette situation. Avance de deux buts, fin de deuxième période, Artem Anisimov était aussi loin que la ligne des buts pour aller le contrer et aider à l’échec-avant. Il m’est donc évident que dans ce cas précis, et probablement seulement dans ce cas précis, P.K. aurait dû demeurer à la ligne bleue et être patient. Michel Therrien l’a bien résumé : « P.K. est encore jeune, ça fait partie de l’apprentissage, lui enseigner sera notre responsabilité ».

Là où je deviens ambivalent, c’est quand je pense à toute l’audace et la fougue qui ont permis à Subban de mettre la main sur un trophée Norris. Cette même fougue et cette anticipation qui lui avaient permis de récolter deux mentions d’aide dans ce même match de jeudi soir. On ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs. Qui ne risque rien n’a rien. Le 76 est de loin le joueur ayant pris le plus l’initiative depuis le début de cette saison malgré les quelques pénalités en trop. La pire volonté serait de vouloir dénaturer un pur-sang.

Nail Yakupov, qui sera de passage au Centre Bell ce soir, s’interroge à ce sujet par les temps qui courent. Il veut avoir la rondelle, il ne veut pas la même identité que d’autres joueurs plus marginaux qui ne font que se lancer à la poursuite de celle-ci à la soirée longue. Les Oilers l’ont laissé de côté lors de deux matchs consécutifs la semaine dernière. Fondamentalement, le jeune attaquant n’a pas tort. Pratiquement, il a beaucoup à apprendre sur le sport d’équipe.

« La nouvelle aurait pu être pire »

Les preuves sont fréquentes de groupes plus modestes qui infligent des défaites à des bandes de vedettes talentueuses qui ne trouvent pas le moyen d’emboîter le pas. C’est la magie du sport. Les négligés hargneux qui battent les étoiles complaisantes. Les équipes championnes sont souvent celles qui comptent dans leur rang des joueurs talentueux au possible, mais qui adhèrent au concept collectif.

La différence pour Subban dans cette analogie, c’est qu’il n’est pas complaisant. Gérer un joueur d’impact en pleine ascension n’est pas évident, mais peut être tellement payant. Il ne se contente pas de demi-mesures. Il est une supervedette énergique, flamboyante dont il faut canaliser les énergies en prenant bien garde de ne pas les éteindre. Savoir où la patience est de mise et quand il faut appuyer sur l’accélérateur n’est pas une mince tâche quand à 24 ans on a déjà le pouvoir d’influencer le résultat de chaque match d’un côté comme de l’autre. Apprendre l’oubli de soi pour le bien collectif ne veut pas dire oublier ce qui nous définit et nous caractérise. Il est là le défi pour P.K. et pour l’organisation. Vous voyez que ce n’était pas si simple à expliquer…