MONTRÉAL - L’avantage de la patinoire est loin d’avoir souri au Canadien l’an dernier alors qu’il a subi 22 revers, dont 16 en temps réglementaire, dans le cadre des 36 matchs disputés devant ses partisans.

 

C’est cinq défaites de plus que les 17 encaissées (17-14-2-1) en 34 rencontres loin de la maison où le Tricolore a joué pour ,500.

 

Qualifiés de connaisseurs de hockey et considérés parmi les plus bruyants de la LNH, les partisans du Tricolore ont donc peiné à faire du Centre Bell un endroit difficile à visiter et du Canadien une équipe difficile à affronter. Avec les résultats qu’on connaît : ils sont rentrés à la maison bien plus souvent déçus, voire amèrement déçus, qu’encouragés par des victoires qu’ils ont pu applaudir et célébrer 14 fois seulement.

 

Comment le Canadien pourra faire tourner l’avantage de la patinoire à son avantage cette année et non à son désavantage comme l’an dernier ?

 

Surtout l’avantage de la patinoire qui devait s’atténuer en raison de l’absence de partisans qui rend les 31 amphithéâtres encore plus semblables les uns les autres se vérifie soir après soir depuis le début de la saison. Alors que la LNH atteindra le plateau des 100 matchs disputés mercredi soir, les équipes évoluant à domicile présentent une fiche combinée de 59-28-11 après 98 rencontres.

 

« Le fait d’avoir une meilleure équipe est déjà un bon début », a convenu avec franchise l’entraîneur-chef du Canadien Claude Julien.

 

Le coach a bien raison.

 

Il dirige une bien meilleure équipe. À compter de jeudi soir alors que les Flames de Calgary feront escale au Centre Bell pour lancer la saison à domicile du Canadien, Claude Julien jonglera avec des joueurs en qui il a non seulement confiance, mais qui peuvent lui donner satisfaction dans plusieurs circonstances.

 

Dernier changement : un luxe plus qu’une nécessité

 

À Toronto, Edmonton et Vancouver où le Canadien a disputé les six premiers matchs de sa saison, Claude Julien a souvent gardé sur la patinoire les joueurs qu’il avait dépêchés sans égards à l’opposition envoyée par l’adversaire.

 

Au Centre Bell demain et pour les 27 autres matchs que le Canadien y disputera, Claude Julien pourrait utiliser la même stratégie.

 

Pourquoi? Parce que contrairement à l’an dernier, Claude Julien n’a plus de joueurs marginaux à l’attaque comme à la défense à protéger. Des joueurs qu’il se devait de rappeler rapidement au banc lorsque l’opposition devenait soudainement trop féroce parce que son opposant arrivait à envoyer ses forces sur la glace alors que Claude Julien devait tenter de reposer les siennes en misant sur des joueurs qui n’avaient pas les atouts pour lui permettre de gagner au change. Avec les résultats désolants que le Canadien a connus l’an dernier.

 

« Je vais encore faire confiance au trio de Phillip Danault dans certaines circonstances et c’est normal. Mais le fait d’avoir une équipe bien équilibrée me permet de continuer de m’ajuster en cours de match et de pouvoir faire confiance aux quatre trios en tout temps. J’ai envoyé le trio de Jake Evans contre les gros trios des autres équipes. Ces gars-là travaillent très fort et ils ont rapidement développé une belle chimie qui les rend très efficaces », a expliqué le coach du Canadien.

 

Bien qu’on puisse s’attendre à voir les jeunes Suzuki, Kotkaniemi et Romanov être parfois « protégés » dans certaines circonstances – les mises en jeu en zone défensive par exemple – les propos de Claude Julien semblent confirmer qu’ils jouissent déjà de la confiance d’un coach qui ne le rappellera pas au banc à la moindre présence de danger.

 

«Tu dois offrir à tous tes joueurs des défis qui feront d’eux de meilleurs joueurs

 

Rendez-vous manqué

 

Paul Byron n’est pas passé par quatre chemins quand on lui a demandé de qualifier le fait de jouer devant des gradins vides cette saison.

 

« C’est vraiment bizarre. La Ligue fait ce qu’elle peut avec les bruits de foule, mais c’est impossible d’imiter nos partisans. Quand les fans saluent un tir bloqué ou une bonne présence, ça te donne de l’énergie et ça soulève toute l’équipe », a indiqué Byron qui a évité le pire après avoir été atteint par une « bombe » décochée par Shea Weber lors du deuxième des trois matchs disputés à Vancouver.

 

« J’ai eu peur dès que je l’ai vu s’élancer. J’ai été chanceux de m’en tirer sans blessure sérieuse. Ça ne m’empêchera pas de retourner devant les filets adverses pour compliquer le travail des gardiens, mais je serais plus attentif aux tirs venant de la lame du bâton de Shea », a poursuivi Byron qui évolue actuellement au sein du meilleur quatrième trio depuis son arrivée avec le Canadien.

 

Paul Byron n’est pas le seul qui aurait aimé être appuyé par 21 000 partisans entassés dans les gradins du Centre Bell. Josh Anderson a bien hâte de vivre cette expérience que la pandémie et ses conséquences lui feront rater jeudi.

 

« Pour un visiteur, un match au Centre Bell n’est jamais un match ordinaire. Il y a toujours une atmosphère spéciale. Une fébrilité qu’il n’y a pas ailleurs. C’est l’un des endroits les plus bruyants de la Ligue et comme joueur tu dois calmer la foule avec de bonnes performances. C’est plus facile à dire qu’à faire. Je n’aurai pas la chance de profiter de la présence de partisans, mais je demeure convaincu que le fait de joueur au Centre Bell nous offrira un avantage », a insisté Anderson qui était très heureux de mettre les pieds dans son nouveau vestiaire mardi.

 

« C’était une très bonne idée de s’entraîner au Centre Bell hier. Cela m’a permis de me familiariser avec le vestiaire qui est très grand et ça m’a permis de profiter de toute l’histoire de l’équipe. De voir les coupes Stanley en arrivant, de voir toutes les photos des grands joueurs qui ont porté l’uniforme, c’était vraiment impressionnant. J’ai été incapable de parler pendant les dix premières minutes tant j’étais impressionné. »

 

L’absence de partisans : un mal pour un bien ?

 

Dans une LNH où les dimensions des 31 patinoires sont identiques, où les bandes sont placardées de publicités qui vont du pareil au même selon qu’on soit à Montréal, Nashville ou Tampa Bay, et où plusieurs équipes confient à une même compagnie une animation de foule qui est très semblable sinon identique d’en endroit à l’autre, les partisans demeurent une des rares variables d’un amphithéâtre à un autre.

 

L’absence de partisans au Centre Bell – au moins, il restera Diana Bibeau et ses claviers – sautera donc aux yeux et aux oreilles jeudi soir dès la période d’échauffement du match contre les Flames.

 

Mais est-ce que cette absence sera aussi néfaste qu’on puisse le croire?

 

La question mérite d’être posée. Car aussi connaisseurs et bruyants soient-ils, les partisans du Canadien sont aussi reconnus pour une impatience qui dépasse de beaucoup le niveau de décibels associé à leurs encouragements.

 

Quand l’attaque à cinq peine à se mettre en marche et que les joueurs deviennent visiblement anxieux sur la glace, les huées qui envahissent rapidement le building n’aident en rien à calmer les joueurs invités à « shooter la puck » le plus vite possible.

 

Quand un joueur connaît un mauvais match, les choses peuvent s’envenimer davantage lorsque le poids de 21 000 amateurs en colère s’ajoute à ses bourdes qui ralentissent ses performances.

 

Vous voyez le genre...

 

Mais quand ça va bien et que la vague pousse le Canadien au lieu de lui casser au visage, le club peut surfer vers la victoire.

 

Et c’est à cet aspect que Claude Julien tenait à s’accrocher lorsqu’on lui a demandé quel impact aura l’absence de partisans.

 

« On a vécu l’expérience l’été passé dans la bulle et lors de notre premier voyage. Quand le match commence, on est tellement absorbé par le déroulement du jeu et les ajustements à apporter qu’on ne s’en rend pas trop compte de l’absence des amateurs. Qu’est-ce que ce sera à Montréal ? On n’a pas encore vécu l’expérience. Je ne peux donc pas prédire comment ça se passera, mais j’espère que ça gardera les clubs visiteurs à plat, car il y a beaucoup de joueurs qui élevaient leur niveau de jeu en débarquant à Montréal à cause de l’atmosphère. »

 

« J’ai eu la chance de vivre l’expérience comme coach du Canadien et comme entraîneur visiteur. Je me souviens de bien des situations positives pour le Canadien. En séries – au printemps 2008, les Bruins tirant de l’arrière 3-1 dans la série ont battu le Canadien 5-1 à Montréal avant d’égaler les chances lors du 6e match à Boston – alors que je dirigeais Boston, on avait joué des gros matchs à Montréal et à Boston pour pousser la série en sept. Lors du dernier match à Montréal, la foule avait poussé le Canadien qui nous avait complètement dominés», a raconté Claude Julien en parlant d’un gain de 5-0 qui avait permis au Tricolore d’éliminer ses grands rivaux de Boston », se rappelait Claude Julien en insistant sur le fait qu’en dépit la pression qui peut venir des gradins lorsqu’ils sont remplis, il a très hâte lui aussi de lever les yeux vers des amateurs enjoués.

 

Surtout que ce qui est dommage pour les fans du Canadien en ce début de saison, c’est qu’après plusieurs années ou les déceptions ont pesé plus lourd dans la balance que les satisfactions, ils ne peuvent venir encourager un club capable d’accéder aux séries au lieu de simplement en rêver.

 

 «Ils ont hâte de venir nous voir jouer et on a hâte de les avoir derrière nous », a conclu Claude Julien.

 

La question à 1000 $ est : quand le Canadien et ses fans pourront-ils se retrouver au Centre Bell?

 

La seule réponse possible est : le plus vite possible!