C’est Michel Therrien qui a dicté, sans le vouloir, la teneur de cette chronique ainsi que son titre.

Après la victoire de samedi à Pittsburgh, la sixième de suite pour le Canadien et la cinquième consécutive à l’étranger, l’entraîneur-chef a touché deux points cruciaux lors de son point de presse : le concept d’équipe, qui s’installe avec force et rigueur chez le Canadien de Montréal présentement ainsi que le grand rôle de leader que joue Carey Price depuis le début de la saison. Il n’y a donc qu’un pas à franchir pour affirmer sans se tromper que le Canadien, version 2014-2015 du moins, c’est vraiment l’équipe de Price!

Tout pointe d’ailleurs dans cette direction, autant sur le plan individuel que collectif. Après quelques soubresauts en début de saison et un court passage à vide au début décembre, le jeu de Price est rien de moins qu’étincelant. Il a concédé un total de 12 buts à l’adversaire à ses 9 derniers matchs, ce qui fut à la base de 8 victoires, la dernière en lice étant celle contre Pittsburgh samedi dernier, celle qui aurait dû « échapper à l’équipe » selon plusieurs observateurs et selon une certaine logique imputable entre autres aux rigueurs du calendrier. Mais au-delà des chiffres, c’est aussi la façon dont il se comporte qui devient contagieuse pour ses coéquipiers. « Il rassure et donne confiance à tout le monde », disait André Savard sur le plateau del’Antichambre samedi soir.

La constance du gardien et sa faculté de permettre à son équipe de l’emporter chaque match commencent en effet à déteindre sur le reste de la formation et on peut maintenant saisir une véritable étanchéité qui s’installe chez le Canadien. Tous les joueurs contribuent à la cause commune chaque match et c’est là l’autre facteur qui explique la récente série de succès. À tour de rôle, chacun des quatre trios a connu son moment de gloire tandis qu’individuellement, chaque joueur semble comprendre son rôle et agir en conséquence sur la patinoire.

Encore samedi, pas moins de dix joueurs différents ont inscrit leur nom au sommaire, et ce, en seulement quatre buts! Le troisième duo de défenseurs composé des « mal-aimés » Alexei Emelin et Tom Gilbert a connu un match exceptionnel, le premier avec le gros but d’assurance en troisième période, un différentiel de +3, 5 mises en échec et 4 tirs bloqués et le deuxième avec un but et une passe ainsi qu’un rendement de +4! Cela a permis à l’entraîneur de mieux répartir le temps de jeu et d’alléger un peu la charge de travail du deuxième duo, étant donné qu’il s’agissait d’un deuxième match à l’étranger en 24 heures.

On tarde encore à donner tout le crédit à cette équipe, même si elle trône au sommet de son association aux portes de la mi-saison, au moment d’écrire ces lignes. On lui impute encore plusieurs défauts, on la trouve parfois « chanceuse », on la trouve « fragile », on la trouve trop « molle » en début de matchs, on dit d’attendre le début de la « vraie saison », qu’elle a été « épargnée par les blessures », etc. Ce n’est pas totalement faux et Michel Therrien est le premier à dire qu’il y a encore place à l'amélioration et au progrès. Mais Therrien a aussi raison quand il dit que son équipe a fait de grands pas depuis le début de la saison. Le plus grand aura été celui du rendement collectif qui devient la principale priorité pour chaque joueur, chaque match, et c’est Carey Price qui a pavé la voie en multipliant les exploits devant le filet et en donnant tout le crédit publiquement à ses coéquipiers. Inversement et unanimement, tous les joueurs louangent, soir après soir, devant les micros, lentilles et calepins de notes, l’impact de leur gardien numéro un.

Avec un niveau de talent plus que respectable, avec un très grand gardien, avec un personnel d’entraîneurs éveillé et compétent, la preuve est faite depuis longtemps dans la LNH. On peut déplacer des montagnes, mes amis!

Price comme… Prost?

Non, ce n’est pas une erreur de typographie. Je parle bien d’Alain Prost, le quadruple champion mondial de F1 et non de Brandon Prust, l’attaquant du Canadien!

Alors pourquoi diable mettre sur la table le nom du grand champion aux côtés de celui de Carey Price dans une chronique portant sur le hockey, me direz-vous? Excellente question mes amis et voici la réponse.

Avec mes collègues de l’Antichambre, samedi, nous nous sommes tous interrogés sur les raisons qui expliquent que Carey Price ait encore autant de

dénigreurs, ou du moins que tant de gens tardent à le reconnaître à sa juste valeur. Suffit de lire les réactions parfois inimaginables à la suite des classements des gardiens publiés par mon collègue Marc Denis sur le RDS.ca pour en avoir la preuve. Certaines sont d’une dureté difficile à comprendre! Et c’est là où le parallèle avec Prost m’est venu à l’esprit, même s’il n’est pas parfait.

Parce que, moi le premier, pendant longtemps, jusqu’à ce que je devienne descripteur des courses de F1, j’ai été très dur envers ce grand champion, qui a pourtant marqué l’histoire de la discipline reine jusqu’à ce que Michael Schumacher réédite tous les records. Pourquoi? Eh bien, je l’avoue, je le trouvais fade, inodore, incolore, prétentieux, arrogant, opportuniste, chanceux, « chouchou » de la Fédération, d’un ennui total en piste même quand il fracassait des records. Je préférais tellement Senna, le magicien, le frondeur, le passionné, « l’intégral », le « vrai ». Or, avec le recul et un regard plus objectif, j’ai appris à réaliser l’immensité du talent du pilote français, j’ai appris à comprendre tout ce que voulait dire ce surnom de « professeur » qu’on lui collait si souvent. Prost était un très grand pilote qui se rabattait surtout sur son génie technique, sur sa rigueur, sur sa précision, sur sa capacité à comprendre et développer la voiture. Il paraissait froid, en public. Senna était un très grand pilote qui se rabattait sur son instinct, son formidable coup de volant, sur son plaisir à frôler la limite, à chaque courbe. Son charisme était indéniable. La vraie conclusion, objective, froide et rigoureuse, c’est que ces deux hommes si différents sur le plan humain (et qui furent en plus des coéquipiers et des rivaux directs en piste) méritent une place égale dans cette portion historique de la F1 qui fut la leur et que c’était une erreur de les juger de façon aussi subjective.

J’en viens donc à la conclusion. Serait-ce possible que Carey Price soit victime d’un jugement comparable à celui que j’avais envers Prost parce que tout semble « facile » très souvent, parce qu’il est calme et calculé, parce qu’il a un style très « technique », parce qu’il parle peu, parce qu’il est anglophone, parce qu’il est, lui aussi, plutôt ennuyant en entrevues? Serait-ce possible que, pour certains, le « vrai », le « passionné », le « magicien », le « seul et unique » soit encore et pour toujours… Patrick Roy?

À dimanche prochain, mes amis.