BROSSARD – La question, c’est vrai, est un peu vague et nécessite un bref moment de réflexion. Noah Juulsen lève les yeux au ciel, porte sa main gauche au menton et pendant quelques secondes, le temps s’arrête.

Finalement, le jeune homme abandonne. « Pour dire vrai, je ne sais même plus quel jour on est », laisse-t-il tomber en riant de bon cœur.

Les dernières semaines ont été un peu folles pour le plus récent choix de première ronde du Canadien. Après s’être offert quelques jours de repos dans le sud de la Floride, Juulsen est retourné à la maison en Colombie-Britannique, mais à peine avait-il eu le temps de poser ses valises qu’il sautait dans un autre avion. Celui-là devait le mener où sa carrière professionnelle devrait prendre son envol, si tout se passe bien, dans quelques années. 

« Je dirais que la poussière commence à retomber. Après le repêchage, j’ai passé environ une semaine dans une sorte d’état de choc! Mais maintenant je suis de retour sur terre. On m’a très bien accueilli ici et je me sens très bien. »

Juulsen avait déjà visité Montréal, il y a des lunes, pour participer à un tournoi de hockey mineur dont il garde toutefois des souvenirs imprécis. Mais il n’est pas complètement sans repère au camp de perfectionnement du Canadien. Matthew Bradley, le choix de cinquième ronde du Tricolore il y a une dizaine de jours, est un ami d’enfance avec qui il a maintes fois foulé les patinoires de la région de Vancouver. Puis il y a bien sûr Nikita Scherbak, lui-même un choix de première ronde du CH, qui n’a pas caché son enthousiasme depuis que son coéquipier avec les Silvertips d’Everett suit ses traces vers le hockey professionnel.

Lorsque est venu le temps pour Trevor Timmins de dresser le bilan de son dernier repêchage, il a commencé son exposé en plaçant sa main gauche devant sa poitrine pour ensuite la placer en angle de 45 degrés et la déplacer rapidement vers son épaule droite. C’est le langage universel qu’a décidé d’utiliser le directeur du recrutement amateur du Canadien pour expliquer quel genre de saison venait de connaître Noah Juulsen. « Sa courbe d’apprentissage est allée dans cette direction, ce qui est toujours très bon », s’est félicité Timmins, fier de sa prise.

Juulsen n’a pas toujours été destiné à devenir le joyau du bassin d’espoirs d’une organisation de la Ligue nationale. Repêché en quatrième ronde du repêchage bantam de la Ligue junior de l’Ouest en 2012, il a été limité à seulement dix points à sa saison recrue. Mais il semble effectivement avoir connu une progression fulgurante au cours des douze derniers mois. Avec 52 points l’an dernier, il a été le dixième meilleur pointeur parmi les défenseurs de la WHL, mais surtout le plus jeune de ce top-10.

« J’ai simplement obtenu plus d’opportunités de me développer, explique humblement l’arrière de 6 pieds 1 pouce. À 16 ans, j’étais le petit nouveau et je ne m’attendais pas à grand-chose. Quand je suis arrivé à Everett pour ma deuxième année, on m’a donné plus de liberté, on m’a utilisé dans différentes situations et je me suis soudainement retrouvé à jouer beaucoup de minutes. »

Juulsen a commencé l’année 2015 en amassant 14 points en douze de matchs au mois de janvier. Son nom s’est alors mis à circuler et son dossier s’est éventuellement retrouvé sur le dessus de la pile dans le bureau des chercheurs de tête des équipes de la LNH. La Centrale de recrutement du circuit Bettman lui a fait faire un bond de 16 places entre son classement de mi-saison et sa liste finale remise en avril.

« Après ma deuxième moitié de sa saison, je sentais que j’avais d’assez bonnes chances de sortir en première ronde. Sinon, je me disais que la deuxième ronde était un scénario très réaliste », raconte-t-il.

Il n’y a pas que les équipes de la LNH qui ont remarqué l’éveil du natif d’Abbotsford. Un bon matin, peu avant le repêchage, Juulsen a reçu un coup de fil inattendu. On l’invitait à participer au camp estival d’Équipe Canada junior. « Je n’avais aucune idée que j’étais sur leur radar avant de répondre au téléphone », admet-il.

« Ce sera une superbe opportunité pour moi de vivre cette expérience à mon âge, réalise Juulsen, qui n’a eu 18 ans qu’en avril. Plusieurs personnes semblent croire que mes chances sont bonnes, mais on verra. J’ai vu qu’il n’y aura que trois défenseurs nés en 1997 au camp. »

L’émule de Bieksa

Un grand brun aux racines danoises, Juulsen a grandi près de Vancouver pendant les glorieuses années des frères Sedin. Il aurait pu rêver d’imiter un jour les jumeaux suédois, Markus Naslund ou encore Ryan Kesler. Mais son idole a toujours été Kevin Bieksa, un défenseur rugueux qui a toujours su trouver le moyen d’inscrire son nom à la feuille de pointage, mais qui a surtout laissé sa marque en amassant jusqu’ici près de 1000 minutes de pénalité dans la LNH.

Juulsen, qui fait pour l’instant osciller la balance à 171 livres, ambitionne de devenir exactement le même genre de joueur. « Je ne suis pas nécessairement aussi dur et physique que lui, mais je m’inspire de son dévouement et de son sens du sacrifice », précise celui qui porte le même numéro 3 que son modèle.

Malgré les statistiques qu’il a su afficher la saison dernière, Juulsen se considère d’abord et avant tout comme un défenseur à vocation défensive. Les choses n’ont que tout récemment cliqué pour lui en possession de rondelle et il considère qu’il a encore des efforts à faire pour que les subtilités de cet aspect du jeu lui viennent naturellement.

« Je dois encore m’habituer à détecter les ouvertures pour appuyer l’attaque et minimiser les risques de revirements. C’est probablement le principal aspect de mon jeu sur lequel je devrai travailler. »

Juulsen sera un joueur à surveiller au cours des prochaines années. Le Canadien n’a pas toujours frappé dans le mille lors des récents repêchages, mais si sa nouvelle acquisition s’accroche à la courbe d’apprentissage décrite par Timmins, elle connaîtra bien assez vite les hivers montréalais.

« Je crois qu’il m’en reste beaucoup à apprendre, mais je suis capable d’apprendre très rapidement », laisse présager le jeune espoir.