BROSSARD – Geoff Molson, le propriétaire et président du Canadien de Montréal, a longtemps défendu Marc Bergevin, mais ses réflexions l’ont mené à déduire qu’il devait procéder à un changement et à une réorganisation de la structure. 

L’investissement de consentir à Bergevin un troisième contrat à long terme ne l’attirait pas suffisamment.

« Quelque chose devait être fait »

« On a travaillé ensemble pendant presque 10 ans, on a traversé plusieurs hauts et bas qui ont contribué à une relation très solide entre nous et qui se poursuit encore aujourd’hui. Plusieurs bonnes choses ont été accomplies par Marc et son équipe dont le parcours extraordinaire en séries. Ceci dit, on a eu plusieurs saisons consécutives avec un rendement moyen et on est venus très près d’élimination en première ronde contre Toronto », a décrit Molson. 

« Pour cette raison, lui accorder un autre contrat me demandait une plus grande réflexion. J’ai pris cette décision car elle était nécessaire. Notre début (de saison) est inacceptable donc quelque chose devait être fait pour changer de direction. Je n’avais pas d’autre option que de procéder à ces changements afin d’améliorer la structure de nos opérations hockey », a-t-il poursuivi.  

Médiatiquement et publiquement, ça faisait des années que l’idée de confier à deux personnes la gestion du volet hockey était proposée à gauche et à droite. Molson s’était toujours éloigné de cette option et il a désormais choisi de faire volte-face. 

La nouvelle a fait « un peu » de bruit ce week-end, mais cette réorganisation a commencé par l’embauche de Jeff Gorton à titre de vice-président exécutif, opérations hockey. 

Deux têtes dirigeantes : la nouvelle norme

La prochaine chronique de l’estimé collègue François Gagnon traitera d’ailleurs de cette nouvelle approche à deux têtes et du délai de son implantation. On le laissera donc décortiquer le tout en détails. Mais on doit retenir quelques déclarations de Molson à ce sujet. 

« Gérer le Canadien dans notre marché, possiblement le plus gros marché de hockey au monde, ça vient avec des responsabilités importantes dans deux langues. Je crois qu’on maximisera nos chances de succès avec deux dirigeants hockey », a présenté le président qui conserve ainsi ce rôle. 

« Ce que j’ai appris, c’est que c’est beaucoup pour une personne dans ce marché. [...] Si je pouvais revenir quelques années en arrière, avec ce que je sais maintenant, j’aurais ajouté une deuxième personne auprès de Marc », a-t-il admis. 

Concrètement, Molson a expliqué le dernier mot pour les décisions hockey reviendra au directeur général bilingue qui sera embauché après une recherche exhaustive. Cela dit, Gorton – que Molson ne connaissait pas personnellement il y a à peine dix jours - devrait logiquement agir comme son patron et son conseiller. Après tout, Gorton a été la première pièce du casse-tête dénichée par Molson. 

« C’est important que le DG soit responsable des décisions finales de l’équipe, mais ils seront deux pour discuter, débattre et avoir plus de perspective pour prendre les bonnes décisions », a précisé Molson qui croit que cette structure unique convient à ce marché unique. 

En ce qui concerne son propre rôle, Molson assure qu’il laissera ses deux nouveaux employés dicter la suite des choses au plan hockey. 

« Je n’ai jamais interféré dans les décisions hockey, mais j’ai toujours été celui qui pose beaucoup de questions. Je viens de prendre une décision difficile et c’est probablement car j’avais atteint le point que je ne supportais plus les choix qui étaient pris », a expliqué le propriétaire. 

Selon sa vision, c’est ainsi qu’il assume son imputabilité de la situation actuelle. 

« Je viens juste de prendre mes responsabilités et d’annoncer des changements, majeurs. C’est mon rôle quand ça ne va pas bien. [...] Est-ce que je me sens bien quand je vais me coucher ? Non, mais c’est mon travail et je l’aime », a-t-il réagi. 

Gestion chaotique de Molson, le dossier de Mailloux et de Ducharme 

En plus de limoger Bergevin, Molson annoncé qu’il a réservé le même sort à Trevor Timmins, qui était l’adjoint de Bergevin et le grand responsable du repêchage, ainsi qu’à Paul Wilson, le vice-président des affaires publiques et communications. 

Aux dires de Molson, les changements sont terminés pour l’instant. Ainsi, l’entraîneur-chef Dominique Ducharme conserve son poste en attendant de voir l’orientation qui sera prise par les deux nouveaux dirigeants. 

Congédiement de Bergevin : la fin d'une époque

La question à propos de Ducharme était légitime puisque la gestion du dossier de Bergevin a été chaotique. L’ancien DG s’est retrouvé dans une position inconfortable en devant entreprendre la dernière année de son contrat sans une nouvelle entente. On a ensuite senti que le lien de proximité s’était effrité entre les deux hommes. Après avoir démontré peu d’intérêt à vouloir poursuivre son association avec le CH, Bergevin avait ensuite mentionné qu’il le désirait dans un monde idéal. Ça s’est conclu de la pire des façons avec une fuite dans les médias alors que les entrevues avaient déjà été entamées par Molson pour la suite des choses. 

« Je ne crois pas du tout qu’il doit interpréter cela comme un manque de respect envers lui.  Même que, si vous lui demandiez, je ne crois pas que Marc trouverait une situation dans laquelle il a eu un manque de respect à son endroit. Je continue avoir beaucoup de respect envers lui », a commenté Molson. 

Quant à son mutisme public dans ce contexte qui bouillonnait, Molson prétend que ça revient au DG de commenter les performances de l’équipe. « Je ne l’ai jamais fait et je ne le ferai jamais. En plus, je n’avais pas pris ma décision pour Marc, ça ne faisait aucun sens de sortir publiquement, je le fais quand j’ai quelque chose à dire. »

L’autre dossier mal géré a, bien sûr, été la sélection de Logan Mailloux au dernier repêchage. Les répercussions négatives ont fait mal à l’organisation, mais Molson affirme que le divorce avec Bergevin n’a pas commencé à ce moment. 

« Pas du tout. Il y a plusieurs raisons qui ont mené à ma décision que je vous présente, mais je n’entrerai pas dans les détails. Cette situation très difficile (de Mailloux) a fait mal à beaucoup de gens, mais on a tourné le tout en du positif », a indiqué Molson en refusant de dire s’il regrettait, quelques mois plus tard, ce geste risqué.  

Molson critique le rendement de Timmins

En sacrifiant Bergevin, le départ de Timmins retient un peu moins l’attention. Pourtant, le dossier de Timmins a été maintes fois critiqué et Molson regrette le rendement décevant de ce côté. 

Timmins : un bilan qui n'est pas que négatif

« Avant aujourd’hui, le travail de Trevor était supervisé par Marc. Trevor a dédié tous ses efforts avec le CH depuis 2003 avec de bons et de mauvais coups. Depuis mon arrivée, il y a 10 ans, on a eu trois choix dans le top-10 (Alex Galchenuyk, Jesperi Kotkaniemi et Mikhail Sergachev) dont deux au troisième rang et aucun de ces joueurs n’évolue avec notre équipe. Dans une ligue avec un plafond salarial, c’est essentiel de réussir quand tu as la chance de repêcher plus haut », a déploré Molson avec son regard le plus intense de son point de presse. 

Le faible attrait de Timmins vers les espoirs québécois a souvent refait surface. Il a notamment échappé des joueurs comme Anthony Beauvillier et Nicolas Roy. Ainsi, est-ce que son successeur devra être Québécois ou du moins habiter au Québec ? 

« Je ne mêle pas des décisions hockey, ce sera à nos deux dirigeants de trouver la meilleure personne pour ce poste », a déclaré Molson alors que Gorton possède un bagage très intéressant dans le recrutement. 

« On a eu 45 choix au repêchage depuis notre réinitialisation, il y a cinq ans, et 11 autres vont s’ajouter. C’est essentiel de structurer notre organisation pour mieux faire du côté du développement », a insisté Molson. 

Restructuration complète en vue?

Quels seront les critères pour l'embauche du DG?

Même un miracle ne suffirait sans doute pas pour que le Canadien accède aux séries cette année. Ainsi, le projet d’entamer une véritable reconstruction complète pourrait faire son chemin. Gorton a justemement vécu le tout chez les Rangers de New York. 

« Ce sera à eux (Gorton et l’éventuel DG) de discuter ensemble de leur nouvelle vision. J’ai très hâte qu’on procède à cette discussion. Ce que je veux, c’est gagner et tout est possible. Aucune décision difficile pour le bien d’organisation ne me fait peur », a maintenu le président. 

L’ultime objectif de Molson demeure d’établir de nouveaux standards d’excellence pour mener le club à sa 25e coupe Stanley. Au passage, il veut ajouter de la diversité parmi les employés des opérations hockey, implanter une équipe pour aider les joueurs au niveau de la santé mentale et rétablir une meilleure relation avec les médias qui couvrent sa formation. 

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