De nombreux partisans du Canadien ou simples amateurs de hockey attendaient avec impatience le résultat du match sans lendemain opposant Tampa et Detroit pour évaluer les chances du Tricolore de franchir la deuxième ronde des séries et ainsi accéder à la finale de l’Est pour une deuxième année de suite.

Selon les courants populaires, une victoire du Lightning minait dangereusement les chances du Canadien alors qu’un gain des Red Wings les propulsait automatiquement plus près de la coupe Stanley.

Cette analyse était trop simple. Elle était même simpliste.

Vrai que le Canadien a été haché finement par le Lightning cette saison. Vrai qu’il a encaissé cinq revers consécutifs. Vrai qu’il s’est fait poivrer 21 buts et qu’il n’en a marqué que huit. Vrai aussi qu’en contrepartie le Canadien a été parfait face aux Wings qu’il a battus quatre fois enfilant 11 buts et en concédant cinq seulement.

Mais attention! En poussant à la limite des sept matchs la série les opposant au Lightning, les Red Wings ont démontré qu’il est possible de contrer, voire de museler, la meilleure attaque de la LNH.

Mercredi soir à Tampa, je n’ai pas aperçu Marc Bergevin, l’un de ses adjoints, voire quelques-uns de ses dépisteurs professionnels sur la galerie de presse du Amalie Arena. Remarquez qu’ils étaient peut-être incognito quelque part dans les gradins tant Bergevin fait dans la discrétion. Bergevin ou l’un ou l’autre de ses émissaires aurait pu suivre le match de près et prendre des notes sur les faiblesses du Lightning et sur les stratégies concoctées par Mike Babcock pour contrer les forces de Tampa.

Cela dit, loin de Tampa, je suis convaincu que Michel Therrien, seul ou avec ses adjoints, a passé cette septième partie – et toutes les autres – plusieurs fois en revue afin de voir ce que les Wings ont mis de l’avant de pousser cette série à la limite.

Aussi fort que les Wings

Bon! Le Canadien n’a pas de Pavel Datsyuk pour compliquer la vie à Steven Stamkos. Tomas Plekanec a des qualités certaines. Il figure parmi les bons centres défensifs de la LNH. De là à le placer sur un pied d’égalité avec Datsyuk il y a une marge que personne n’oserait franchir.

Mais une fois Datsyuk et Zetterberg mis de côté, le Canadien n’a pas grand-chose à envier au groupe d’attaquants des Wings.

À la ligne bleue, Niklas Kronwall est un pan de mur solide sur qui repose l’ensemble de la structure défensive de Detroit. Mais aussi bon soit-il, Kronwall ne dirige pas une brigade défensive beaucoup plus étanche que celle du Tricolore.

Devant le filet? Petr Mrazek a été sensationnel contre Tampa. C’est vrai. Ses 44 arrêts lors du premier match, ses deux jeux blancs aux dépens du Lightning et le fait qu’il n’ait pas concédé le moindre but à Steven Stamkos au cours de cette série lui ont permis d’offrir des performances se rapprochant de celles d’un Carey Price. Mais voilà : il n’y a qu’un Carey Price. Et c’est devant le filet du Canadien qu’il se dressera vendredi soir au Centre Bell.

Effectif pour effectif, le Canadien offrira donc une opposition aussi solide au Lightning que celle qu’ont présentée les Red Wings de Detroit. Le Canadien pourrait peut-être même devancer Detroit si les quelques jours de répit ont permis à Max Pacioretty de minimiser les conséquences évidentes de la commotion cérébrale subie en Floride dans le dernier droit de la saison. Si les quelques jours de repos ont permis à Andrei Markov, qui semblait épuisé autant sur le plan physique que sur celui de la concentration en fin de série contre Ottawa, a pu faire le plein d’énergie. Si David Desharnais, Alex Galchenyuk et les autres attaquants demeurés trop discrets face aux Sénateurs se pointeront finalement le nez en deuxième ronde. Après tout, il n’est jamais trop tard pour bien faire…

Ce n’est toutefois pas au niveau des effectifs que cette série se décidera selon moi.

Bien sûr si Ben Bishop n’est pas meilleur que l’a été Anders Linback l’an dernier, les chances du Lightning seront minces. Bien sûr, si Bishop se transforme en mur et que Carey Price ne joue pas à la hauteur des trophées Hart et Vézina qu’il soulèvera à Las Vegas l’été prochain – c’est une projection personnelle et non un gros scoop que je vous lance ici – c’est le Canadien qui en arrachera.

Tout ça est acquis.

Stratégies défensives

C’est derrière le banc que cette série se décidera selon moi. C’est sur le plan des stratégies. Surtout des stratégies défensives.

Les échos de l'entraînement du CH

Je regardais les Wings jouer mercredi soir à Tampa. Je les regardais fermer le centre méticuleusement. Je les regardais déposer des tapis de clou – qu’on pourrait remplacer ici par des tapis tout court – histoire de miner les chances du Lightning de maximiser sa vitesse et je me disais voilà le secret : il faut empêcher le Lightning de prendre son envol en zone défensive et d’arriver « full pine » en zone neutre et plus vite encore en zone ennemie.

Pour gagner, pour freiner les élans offensifs du Lightning et s’offrir une chance réelle de se rendre en finale de l’Est, le Canadien devra copier les Wings... et remporter une victoire de plus que lui.

Pour battre Tampa et museler son attaque – ou la réduire au minimum – le Canadien devra s’inspirer de ce que les Sénateurs ont fait contre lui... et remporter deux victoires de plus bien sûr.

Œil pour œil, dent pour dent

Si le Canadien, qui forme un club rapide ont en conviendra tous, décide de se battre à armes égales avec le Lightning, il se fera sortir de la même façon qu’il s’est fait sortir en saison régulière. Car si le Canadien peut rivaliser avec Tampa sur le plan de la vitesse, il ne peut le faire sur le strict plan de la production offensive.

Pendant que le Canadien s’essoufflera à patiner aussi vite que Steven Stamkos et son trio, que le trio des jeunes, ou ceux de soutien, il se rendra vulnérable en défensive et demandera à Carey Price de multiplier les miracles simplement pour donner une chance au Tricolore de gagner. Ce qui ne veut pas dire qu’il y arrivera tant les attaques viendront en vagues successives du côté de Tampa et non en marées qui s’avancent lentement comme c’est malheureusement trop souvent le cas du côté du Canadien.

Les échos de l'entraînement du Lightning

À ce jeu, le Canadien pourrait oui faire mentir sa fiche en saison régulière et venir à bout du Lightning pour une deuxième année de suite.

Quatre avantages en faveur de Tampa

Il pourrait.

Mais je ne crois pas qu’il y arrivera.

Pourquoi? Parce qu’aussi bonne sera la stratégie établie par Michel Therrien, aussi bonne sera la façon de ses joueurs de le respecter, l’aspect vengeance qui motive le Lightning à l’aube de cette série jouera d’après moi un rôle important.

C’est la première raison.

La deuxième : le Lightning est passé à un cheveu de la catastrophe en première ronde. De fait, il est passé trois fois à un cheveu de la catastrophe. Il a d’abord effectué une remontée de dernière minute dans le match quatre avec deux buts qui lui ont permis de propulser le match en prolongation et un but qui lui a permis de niveler les chances 2-2 au lieu de tomber en arrière 1-3. Il a ensuite surmonté la déception reliée à sa défaite de 4-0 lors du match 5 devant ses partisans pour ensuite éviter l’élimination avec deux victoires de suite.

On a vu ça souvent au fil des dernières années alors que des bonnes équipes, des grosses équipes jouent dangereusement avec le feu en première ronde, s’en sorte et file ensuite plus facilement vers la finale d’association, vers la grande finale.

Troisième raison : Steven Stamkos est comme un volcan qui gronde. Un volcan duquel s’échappe de la fumée. Un volcan sur le point d’exploser. Incapable de marquer à ses dix derniers matchs de séries éliminatoires – dont les trois premiers justement face au Canadien – Stamkos se mettra bientôt à marquer. C’est sûr et certain. La seule question est de savoir combien il en marquera. Et ça, c’est certainement une bien vilaine nouvelle pour le Canadien et ses fans.

Quatrième raison : la brigade défensive – et je ne parle pas ici simplement du gardien Ben Bishop – du Lightning est supérieure à ce qu’on dit d’elle. Victor Hedman est solide. Anton Stralman et Braydon Coburn ont renfloué la ligne bleue autant sur le plan de l’efficacité, du jeu physique, de l’expérience et de la confiance. Et Andrej Sustr domine tous les joueurs de la LNH avec un différentiel de plus 7.

Ça nous ramène aux gardiens. Parce que dans le hockey d’aujourd’hui tout passe ou casse en fonction des gardiens.

L’an dernier, le Lightning n’a pu rivaliser avec le Canadien parce qu’Anders Lindback avait des allures de passoire devant son but.

Avec Ben Bishop cette année, il devrait être en mesure de faire meilleure figure. C’est évident. Si Bishop limite simplement les dégâts, qu’il ne donne pas de cadeaux au Canadien autant que les gardiens des Sénateurs en ont donné en première ronde, autant qu’il en a donné aux Red Wings en première ronde, les chances du Lightning de battre le Canadien seront très bonnes.

Si Bishop rivalise de miracles avec Carey Price comme Craig Anderson l’a fait après avoir donné la troisième victoire avec un but faible accordé à Dale Weise en prolongation, les chances du Lightning de battre le Canadien deviendront excellentes.

À moins que Carey Price joue quatre fois au Lightning le même tour qu’il a joué aux Sénateurs dimanche dernier pour les éliminer en six parties, je crois vraiment que Tampa vengera le balayage que lui a infligé le Canadien le printemps dernier. Mais ce ne sera pas facile pour autant.

Prédiction : Lightning en 6

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