Si jamais le Canadien, contre toute attente, connaissait un début de saison intéressant, on laisserait probablement sous-entendre que le vestiaire a été nettoyé à la suite des départs d’Alex Galchenyuk et de Max Pacioretty. Une conclusion que la direction de l’équipe aimerait bien voir les amateurs accepter sans se poser plus de questions.

Par contre, quand le Canadien éprouvera toutes sortes de difficultés à marquer des buts, comme c’est le cas depuis plusieurs saisons, on pourra se demander comment on pouvait logiquement imaginer que ce soit possible de générer plus d’attaque sans deux joueurs qui, au sein d’une formation déjà pleine de trous, ont néanmoins trouvé le moyen d’enfiler un total combiné de 257 buts en cinq ans. Au cours des cinq dernières années, Pacioretty a conservé une moyenne de 31 buts par saison. Celle de Galchenyuk a été de 21 buts au cours des quatre dernières années, ce qui est plutôt respectable pour un athlète avec lequel on a lancé la serviette à 24 ans.

Même s’il se présente à Montréal rempli de bonnes intentions, il serait très étonnant que Max Domi puisse répéter les statistiques que Galchenyuk. Il obtiendra moins de buts, mais son attitude plaira à la direction. N’est-ce pas ce qu’on recherche en cette période de reconstruction déguisée?

Dans le cas de Pacioretty, on a éliminé une énorme source de distraction. On n’entendra plus parler de sa relation toxique avec le directeur général. On ne passera pas l’hiver à se demander s’il sera toujours là à la fin de la période des transactions. En définitive, on a très hâte d’analyser le comportement général de l’équipe depuis qu’on a soi-disant assaini l’ambiance dans la chambre.

J’ai hâte aussi d’observer comment Marc Bergevin s’y prendra pour maintenir l’attitude qu’il espère avoir créée en se départissant de deux joueurs d’impact et en ajoutant quelques éléments qui ne risquent pas d’être identifiés comme de futures grandes vedettes, exceptions faites bien sûr des jeunes Jesperi Kotkaniemi et Nick Suzuki dont la présence au Centre Bell en octobre est loin d’être assurée.

Bergevin s’était déchargé d’une bonne partie de ses responsabilités en invoquant un problème d’attitude dans le vestiaire pour expliquer une dernière saison lamentable. N’avait-il pas lui-même contribué à ce malaise en n’agissant pas de façon à ce que Galchenyuk, à qui on a maintes fois témoigné un manque de confiance, sache qu’il avait de l’importance dans l’équipe et en ne faisant rien pour éviter les frictions avec son capitaine? Quand une équipe perd à répétition parce qu’elle n’a pas reçu l’aide nécessaire, au centre et à la défense notamment, les joueurs ne peuvent pas démontrer trop d’entrain en se présentant au boulot. Quand on laisse Carey Price se foutre carrément du public à la fin des matchs sans le rappeler à l’ordre, on crée une critique inutile qui finit par déferler sur toute l’équipe.

Lors du dernier tournoi de golf de l’équipe, le propriétaire Geoff Molson a insisté sur le fait que l’organisation se fait un devoir de ne jamais faire mal paraître ses joueurs. Au même moment, son directeur général martelait que Pacioretty avait plusieurs fois exigé d’être échangé, la saison dernière. N’essayait-il pas de faire jouer le mauvais rôle à un athlète, parfait gentilhomme, qui a toujours publiquement respecté l’image du CH et qui a aussi beaucoup donné à l’équipe sur la patinoire? Quand Pacioretty a failli y laisser sa vie à l’occasion d’un geste d’une extrême brutalité de Zdeno Chara, son retour à la santé, qui lui a valu de rebondir avec une production de 33 buts et de 65 points, mérite d’être considéré comme une extraordinaire démonstration de caractère.

Galchenyuk ne semble pas trop malheureux de pouvoir poursuivre sa carrière en Arizona. De son côté, Pacioretty n’en finit plus de sourire depuis qu’il a joint les rangs d’une organisation qui a représenté l’histoire la plus positive dans la Ligue nationale au cours des 12 derniers mois. Il ne s’agit pas d’un sourire moqueur adressé à son ancienne équipe. C’est le sourire d’un homme heureux qui se sent davantage respecté là où il est.

Pendant des décennies, des athlètes ont rêvé de jouer à Montréal. Aujourd’hui, certains sont heureux de pouvoir en sortir. Il doit bien y avoir une raison à cela, non?

Avec les années, rien ne change

La perte de crédibilité d’une organisation, qui n’a actuellement de positif que son passé, n’est pas attribuable qu’aux joueurs. Depuis la dernière coupe Stanley du Canadien, cinq directeurs généraux et huit entraîneurs ont été embauchés en prenant chaque fois l’engagement de changer les choses. Or, les hommes passent et l’échec persiste. Personne n’a encore gagné quoi que ce soit. Qui a repêché ou embauché les joueurs sur lesquels on ne se gêne pas pour jeter une bonne part de blâme? Les erreurs commises au repêchage et l’incapacité de développer le talent des jeunes jugés prometteurs, c’est la faute des joueurs, j’imagine?

Depuis deux ans, Bergevin a perdu autant de joueurs qu’il en a ajoutés à son organigramme. L’entité que représentaient Pacioretty, Galchenyuk, Markov, Radulov et Emelin avait sûrement plus de poids que celle des nouveaux venus Tomas Tatar, Joel Armia, Jonathan Drouin, Matthew Peca, Max Domi et Nicolas Deslauriers?

Si on croit généralement qu’il est impossible de gagner au change en cédant le meilleur élément d’une transaction, le Canadien s’est sûrement affaibli à la suite des départs de Pacioretty et de Galchenyuk. Le très doué Nick Suzuki pourra mieux équilibrer les choses s’il parvient à mériter sa place à Montréal.

Si l’équipe n’est pas supérieure à celle de l’an dernier, ne vous attendez pas à ce qu’on ait beaucoup de plaisir cette saison. La route sera longue, sinueuse et très frustrante certains jours.

Vous étiez nombreux à souhaiter une reconstruction. Vous êtes maintenant exaucés.